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les académies des hommes d’un talent très-foible, soit par faveur & malgré elles, soit autrement, c’est alors le devoir du secrétaire de se rendre pour ainsi dire médiateur entre sa compagnie & le public, en palliant ou excusant l’indulgence de l’une sans manquer de respect à l’autre, & même à la vérité. Pour cela il doit réunir avec choix & présenter sous un point de vûe avantageux, ce qu’il peut y avoir de bon & d’utile dans les ouvrages de celui qu’il est obligé de loüer. Mais si ces ouvrages ne fournissent absolument rien à dire, que faire alors ? Se taire. Et si par un malheur très-rare, la conduite a deshonoré les ouvrages, quel parti prendre ? Loüer les ouvrages.

C’est apparemment par ces raisons que les académies des Sciences & des Belles-Lettres n’imposent point au secrétaire la loi rigoureuse de faire l’éloge de tous les académiciens : il seroit pourtant juste, & desirable même, que cette loi fût sévérement établie ; il en résulteroit peut-être qu’on apporteroit dans le choix des sujets, une sévérité plus constante & plus continue : le secrétaire, & sa compagnie par contre-coup, seroient plus intéressés à ne choisir que des hommes loüables.

Concluons de ces réflexions, que le secrétaire d’une académie doit non-seulement avoir une connoissance étendue des différentes matieres dont l’académie s’occupe, mais posséder encore le talent d’écrire perfectionné par l’étude des Belles-Lettres, la finesse de l’esprit, la facilité de saisir les objets & de les présenter, enfin l’éloquence même. Cette place est donc celle qu’il est le plus important de bien remplir, pour l’avantage & pour l’honneur d’un corps littéraire. L’académie des Sciences doit certainement à M. de Fontenelle une partie de la réputation dont elle joüit : sans l’art avec lequel ce célebre écrivain a fait valoir la piûpart des ouvrages de ses confreres, ces ouvrages, quoiqu’excellens, ne seroient connus que des savans seuls, ils resteroient ignorés de ce qu’on appelle le public ; & la considération dont joüit l’académie des Sciences, seroit moins générale. Aussi peut-on dire de M. de Fontenelle, qu’il a rendu la place dont il s’agit très-dangereuse à occuper. Les difficultés en sont d’autant plus grandes, que le genre d’écrire de cet auteur célebre est absolument à lui, & ne peut passer à un autre sans s’altérer ; c’est une liqueur qui ne doit point changer de vase ; il a eu, comme tous les grands écrivains, le style de sa pensée ; ce style original & simple ne peut représenter agréablement & au naturel un autre esprit que le sien ; en cherchant à l’imiter (j’en appelle à l’expérience), on ne lui ressemblera que par les petits défauts qu’on lui a reprochés, sans atteindre aux beautés réelles qui font oublier ces taches legeres. Ainsi pour réussir après lui, s’il est possible, dans cette carriere épineuse, il faut nécessairement prendre un ton qui ne soit pas le sien : il faut de plus, ce qui n’est pas le moins difficile, accoûtumer le public à ce ton, & lui persuader qu’on peut être digne de lui plaire en se frayant une route différente de celle par laquelle il a coûtume d’être conduit ; car malheureusement le public, semblable aux critiques subalternes, juge d’abord un peu trop par imitation ; il demande des choses nouvelles, & se révolte quand on lui en présente. Il est vrai qu’il y a cette différence entre le public & les critiques subalternes, que celui-là revient bientôt, & que ceux-ci s’opiniatrent. (O)

Eloge, (Droit civil.) elogium, dans le droit écrit, signifie le blâme, & non pas la loüange ; de sorte que ce mot, chez les jurisconsultes romains, deshonore ou du moins flétrit la probité & la réputation de celui qu’un testateur rappelle dans son testament avec éloge. Un pere, selon les lois romaines,

doit ou instituer ses enfans dans une certaine somme, ou les deshériter nommément, à peine de nullité du testament. Dans ce dernier cas, la raison que le pere donne pour autoriser l’exhérédation de son enfant, est appellée elogium dans la jurisprudence romaine. Cicéron plaidant pour Cluentius, fait mention du testament de Cn. Egnatius, qui avoit deshérité son fils avec cet éloge (c’est-à-dire avec opprobre), que son fils avoit pris de l’argent pour condamner Oppiniacus.

Ce seul passage peut suffire pour prouver l’usage que les jurisconsultes ont fait du mot elogium dans un sens contraire à sa signification naturelle ; mais les lois qui sont dans le Digeste & dans le Code, sous les titres de liber. & posth. & de Carbon. edicto, ainsi que les déclamations de Quintilien, en fournissent une infinité d’autres exemples. Dictionn. de Richelet, derniere édition. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

ELONGATION, s. f. en Astronomie, est la digression ou la distance dont une planete s’éloigne du Soleil par rapport à un œil placé sur la Terre, c’est-à-dire l’arc ou angle apparent de la planete & du Soleil, vûs l’un & l’autre de la Terre. Voy. Planete.

La plus grande distance d’une planete au soleil, s’appelle sa plus grande élongation, & elle varie par deux raisons ; savoir, parce que la Terre & la planete tournent l’une & l’autre, non dans des cercles, mais dans des ellipses. Cette variation est plus ou moins considérable, selon que les ellipses que les planetes décrivent, s’éloignent plus ou moins d’être des cercles ; ainsi elle est moindre dans Vénus que dans Mercure, dont l’orbite est fort elliptique.

C’est sur-tout dans les mouvemens de Vénus & de Mercure qu’on a égard aux élongations. Mercure est dans sa plus grande élongation, lorsque la ligne menée de la Terre à Mercure, est tangente de l’orbite de cette planete ; car il est facile de s’assûrer que l’arc compris entre le lieu de Mercure & le lieu du Soleil, c’est-à-dire l’angle compris entre les lignes menées de la Terre au Soleil & de la Terre à Mercure, est alors le plus grand qu’il est possible : il en est de même de Vénus. Or supposant que ces planetes, ainsi que la Terre, décrivent des cercles autour du Soleil, & qu’on connoisse le rapport des rayons de leurs orbites, il est facile de tirer de-là l’angle de leur plus grande élongation ; car cet angle pour Mercure est l’angle au sommet d’un triangle rectangle, dont l’hypothénuse est la distance de la Terre au Soleil, & dont la base est la distance de Mercure au Soleil, ou le rayon de son orbite : & pour Vénus, c’est l’angle du sommet d’un triangle rectangle, dont l’hypothénuse est la même que celle du précédent, & dont la base est le rayon de l’orbite de Vénus. On prend ici les triangles pour rectangles, quoiqu’ils ne le soient qu’à-peu-près, & que même ils s’en éloignent assez sensiblement pour Mercure. Voyez les Instit. astronom.

A l’exception de Vénus & de Mercure, l’élongation de toutes les autres planetes, par rapport au Soleil, peut aller jusqu’à 180d ; ce qui est évident, puisque la Terre est entre ces planetes & le Soleil.

La plus grande élongation de Vénus est de 45d, & la plus grande élongation de Mercure de 30d ; c’est-à-dire que la premiere de ces planetes ne s’éloigne jamais du Soleil de plus de 45d, ou n’en est jamais vûe plus distante que de ce nombre de degrés, & que l’autre ne s’en éloigne jamais plus que de 30d ; c’est ce qui fait que Mercure est si rarement visible, & qu’il se perd d’ordinaire dans la lumiere du Soleil. Voyez Mercure & Vénus.

Quelques auteurs se sont servis aussi du terme d’élongation, pour marquer la différence du mouvement entre deux planetes, l’une plus rapide, & l’au-