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lignes, luisantes, noirâtres, & rangées sur deux lignes dans la cavité de la silique.

La racine est tubéreuse, noüeuse, du sommet de laquelle sortent un grand nombre de fibres, serrées, noires en-dehors, blanches en-dedans, d’un goût âcre mêlé de quelque amertume & excitant des nausées, d’une odeur forte lorsqu’elle est récente.

Cette plante naît dans les Alpes & dans les Pyrénées ; on la cultive communément dans les jardins, à cause de la beauté de ses fleurs.

2°. Helleborus niger orientalis amplissimo folio, caule præalto, flore purpurascente, Cor. J. R. H. Helleborus niger orientalis. Bellon.

Ses racines sont semblables à celles de l’ellébore noir que nous venons de décrire, excepté qu’elles sont plus grosses, plus longues, sans odeur ni âcreté, & fort ameres. Les feuilles ont la même forme : mais elles sont plus amples, & presque de la longueur d’un pié. La tige a plus d’un pié : elle est branchue ; les fleurs en sont entierement semblables à celles de la premiere espece, aussi bien que les graines & les capsules.

C’est là l’ellébore que M. Tournefort croit être le vrai ellébore noir d’Hippocrate & des anciens, parce qu’il est très-commun dans les îles d’Anticyre qui sont vis-à-vis le mont Œta, dans le golfe de Zéiton près de Négrepont ; mais encore plus sur les bords du Pont-Euxin, & sur-tout au pié du mont Olympe en Asie, proche la fameuse ville de Pruse. Les Turcs l’appellent Zoplème.

3°. Helleborus niger, hortensis, flore viridi, C. B. P.

Ses feuilles ressemblent à celles de celui de la premiere espece ; mais elles sont plus étroites, d’un verd plus foncé, & dentelées tout autour. Sa tige a environ un pié de hauteur, dont le sommet se partage en plusieurs petits rameaux, desquels pendent des fleurs plus petites, de couleur pâle. Les racines sont fibreuses, un peu plus grêles, & moins noires.

4°. Helleborus niger, flore albo, etiam interdum valde rubente.

5°. Helleborus niger, trifolicatus, Hort. Farn.

6°. Helleborus niger, flore roseo, minor Belgicus, H. R. Blæs.

Ces trois dernieres ne demandent point de description particuliere.

On cultive toutes les especes d’ellébore noir dans les jardins, où elles réussissent parfaitement à l’abri du Soleil ; & comme elles produisent leurs fleurs au milieu de l’hyver & avant la plûpart des autres plantes, on peut leur donner place dans les avenues, & dans les bordures qui sont à l’ombre. C’est-là qu’elles prosperent davantage.

On les multiplie, ou en en semant les graines, ou en plantant de leurs racines dans un terrein leger, humide, & sans fumier. Si on choisit de les multiplier par le secours des graines, la plante fleurira déjà au bout de la premiere année : mais il faut la préserver des mauvaises herbes, qui détruisent aisément ses racines. Voyez Miller sur leur culture. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Ellébore, (Pharm. & Mat. méd.) L’ellébore étoit fort usité chez les anciens qui en distinguoient de deux especes, le blanc & le noir. Hippocrate s’est servi de l’un & de l’autre ; & Galien remarque que toutes les fois que ce pere de la Medecine se sert du mot ellébore sans y ajoûter d’épithete, il entend l’ellébore blanc : au lieu qu’il ne parle jamais du noir sans le spécifier. C’est la racine de ces plantes qui étoient seules en usage.

Le blanc étoit employé pour faire vomir & purger fortement, mais toûjours avec beaucoup de circonspection. Pline nous apprend qu’on ne le donnoit point aux vieillards, ni aux enfans, ni à ceux qui avoient le tempérament foible, non plus qu’à ceux

qui étoient maigres & délicats, plus rarement aux femmes qu’aux hommes ; enfin qu’on ne le faisoit jamais prendre à ceux qui crachoient le sang, ni aux valétudinaires.

On préparoit diversement l’ellébore, pour tâcher de tempérer sa trop grande activité. Hippocrate veut qu’on le corrige avec le daucus, le séseli, le cumin, l’anis, ou quelqu’autres plantes odoriférantes. Voy. Correctif. On le faisoit infuser dans la même vûe dans du moût, ou dans de l’hydromel.

Les maladies principales dans lesquelles les anciens faisoient prendre l’ellébore, étoient l’épilepsie, le vertige, la mélancholie, la lepre, la goutte, l’hydropisie : mais c’étoit sur-tout pour purger les fous qu’il étoit recommandé ; on disoit même en proverbe, navigare Anticyras, aller à Anticyre, pour dire aller chercher un remede contre la folie, parce que c’étoit de cette île que venoit le meilleur ellébore.

L’action de l’ellébore pris intérieurement, est des plus violentes ; il excite souvent les symptomes les plus fâcheux. Mesué dit que de son tems les hommes ne pouvoient supporter le blanc, & très-difficilement le noir qui étoit plus foible, & qu’on ne regardoit que comme purgatif, le blanc étant reconnu pour un émétique violent. Aussi depuis que la Chimie nous a fourni des vomitifs sûrs & moins dangereux, en avons-nous absolument abandonné l’usage ; & nous n’avons aujourd’hui qu’une seule composition officinale où il entre ; savoir les pilules de Mathæus ou de Starkei, qui sont décrites dans la pharmacopée de Paris : encore ne le donne-t-on dans cette composition qu’en assez petite dose, eu égard à la petite quantité que l’on fait prendre de ces pilules, où l’ellébore peut même être regardé comme puissamment corrigé par le savon, qui fait un des ingrédiens & l’excipient de cette préparation. V. Pilules de Starkei.

Nous employons aussi quelquefois l’ellébore blanc comme sternutatoire, & souvent on s’en est servi avec succès pour guérir la gale des animaux, comme chevaux, bœufs, &c. mêlé avec quelque graisse ou huile.

L’usage de l’ellébore noir est un peu plus fréquent parmi nous. On tire de sa racine, par le moyen de l’eau, un extrait qui entre dans les pilules balsamiques de Stahl. On trouve dans la pharmacopée de Paris un sirop d’ellébore, composé sous le nom de sirop de pomme elléborisé.

L’ellébore noir entre dans l’extrait panchimagogue de Crollius, dans les pilules de Starkei, dans les pilules tartareuses de Quercetan, dans la teinture de Mars elléborisée de Wedelius, &c. mais on ne prescrit presque plus ni l’une ni l’autre de ces racines dans les préparations magistrales.

Au reste elles sont l’une & l’autre du genre des remedes dont l’activité est dûe à une partie volatile : aussi leur extrait préparé à la façon ordinaire ne participe-t-il que foiblement de cette vertu, ensorte qu’on peut ajoûter foi à ce que rapporte Oribasius dans son huitieme livre des collections médicinales ; savoir, que l’usage d’une forte décoction d’ellébore n’étoit jamais suivie des accidens funestes qui accompagnent l’action des purgatifs excessivement violens : quoique le même auteur observe dans le même livre, que ces accidens n’étoient qu’un effet trop commun de l’ellébore donné à la façon ordinaire, c’est-à-dire apparemment en substance, les précautions qu’on avoit coûtume de prendre d’avance contre ces dangers, sont présentées dans cet endroit sous un appareil si effrayant, qu’on ne conçoit guere comment il s’est pû trouver des malades assez hardis pour s’exposer à l’action de ce remede, ou, pour mieux dire, de ce poison.

La vertu purgative de l’ellébore est attestée dans les plus anciens fastes de la Medecine ; on trouve parmi les faits placés dans ces tems reculés que no-