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de cette huile jusqu’à ce qu’elle surpasse la matiere d’environ quatre doigts ; faites digérer & circuler pendant deux jours, après quoi vous retirerez par décantation la liqueur teinte & chargée de l’extrait des drogues. Reversez sur la matiere restante de bon esprit-de-vin, que vous circulerez pendant deux mois, après quoi vous retirerez la liqueur, qui sera encore colorée, & vous la mêlerez à la premiere. Distillez à petit feu les fœces restantes, & ajoûtez ce qui en distillera d’abord aux teintures susdites, & vous ferez circuler de nouveau le tout ensemble pendant un mois. Crollius ajoûte qu’il faut avoir soin de commencer par arroser les ingrédiens avec une suffisante quantité d’esprit-de-vin, pour les réduire en une forme de pâte ; ensuite de verser l’huile de soufre, autrement toute la matiere se brûleroit & deviendroit noire ; c’est, dit notre auteur, ce que Paracelse a caché avec soin.

Elixir de propriété de Paracelse, selon la Pharmacopée de Paris. ♃ teintures de myrrhe, quatre onces ; d’aloès, de safran, de chaque trois onces : versez ces teintures dans un matras ; faites-les digérer quelque tems, & gardez-les pour vous en servir au besoin.

Si on distille le mêlange, on aura l’élixir de propriété appellé dans les boutiques élixir blanc. Voyez Elixir de Garrus.

Si on prend une once du premier élixir, & qu’on y ajoûte douze gouttes d’esprit-de-soufre, on aura l’élixir de propriété avec acide.

Paracelse attribuoit de grandes vertus à son élixir ; & Crollius dit d’après lui, que c’est le parfait élixir qui a toutes les vertus du baume naturel ; qu’il opere des prodiges dans les maladies de la poitrine & du poumon : que c’est un excellent préservatif contre la peste & contre toutes les maladies qui peuvent être occasionnées par un air corrompu ; qu’il purge l’estomac de toutes mauvaises humeurs ; qu’il fortifie tous les visceres ; qu’il est spécifique dans le marasme, dans les catarrhes, & dans la toux ; qu’il prévient la paralysie & la goute ; qu’il guérit la fiévre quarte, la mélancholie ; qu’il retarde la vieillesse, enfin que c’est un vulnéraire parfait. Aujourd’hui nous employons notre élixir de propriété comme un très-bon stomachique, comme un cordial ordinaire, comme un assez bon hystérique, & comme un excellent emmenagogue : on le fait quelquefois entrer dans les opiates fébrifuges, & on a remarqué qu’il ne contribuoit pas peu à les rendre efficaces. La dose de l’élixir de propriété préparé selon la pharmacopée de Paris, est depuis 10, 12, 15 gouttes jusqu’à un gros. Il est très-important d’observer qu’il ne faut pas pousser la dose de l’élixir de propriété au-dessus d’un gros, parce qu’une dose plus forte purgeroit le malade, ce qu’on ne se propose point dans le plus grand nombre de cas ; il y a même des personnes qui sont purgées à cette derniere dose.

On vante beaucoup dans les obstructions & dans toutes les maladies chroniques invétérées, l’élixir de propriété préparé avec de l’esprit-de-vin qu’on a chargé de terre foliée de tartre jusqu’à saturation. Voyez Terre foliée de Tartre au mot Tartre.

Elixir de Garrus. L’élixir de Garrus n’est autre chose, quant aux ingrédiens vraiment utiles, que l’élixir de propriété blanc (voyez Elixir de propriété) : l’épicier de Paris, dont il porte le nom, n’a eu, pour s’enrichir en vendant sa liqueur au public, & son secret à l’état, qu’à mêler du sirop de capillaire à l’élixir de propriété blanc, & qu’à le déguiser par l’addition de quelques nouveaux aromates. La premiere opération est fort connue des garçons apothicaires, qui savent fort bien se procurer sur le champ des liqueurs fort agréables, en mêlant des eaux spiritueuses officinales & certains sirops simples, sur-tout le sirop de capillaire.

On trouve dans la pharmacopée de Paris, la description suivante de l’élixir de Garrus, dont la composition est publique depuis plusieurs années.

♃ aloès, deux onces & demie ; myrrhe, demi-once ; safran, deux gros ; cannelle, gérofle, noix muscade, de chaque un scrupule : pilez le tout, & le mettez dans un matras, dans lequel vous verserez esprit-de-vin rectifié, deux livres ; eau commune, deux onces : faites digérer pendant 12 heures, & retirez par la distillation au bain-marie tout l’esprit-de-vin.

Prenez l’esprit distillé, ajoûtez-y poids égal de sirop de capillaire, & tant-soit-peu d’eau de fleurs d’orange : mêlez exactement, & laissez reposer pendant quelques jours, au bout desquels vous verserez par inclination la liqueur de dessus les fœces, qui seront déposées au fond du vase où le mêlange aura été fait ; c’est ce qu’on appelle élixir de Garrus.

Cet élixir ne differe pas même des liqueurs ordinaires par l’agrément du goût & du parfum qui distingue ces dernieres ; ce n’est ici absolument qu’une liqueur des plus agréables ; une legere odeur de myrthe & de safran, & des autres aromates que l’esprit-de-vin a emportée dans la distillation, fait toute sa vertu particuliere, s’il en a réellement quelqu’une qui ne lui soit pas commune avec toutes les eaux spiritueuses aromatiques, ce dont on peut douter à très-juste titre ; les bons effets qu’il produit, quand ils seroient aussi réels & aussi multipliés qu’on le prétend ; tout cela, dis-je, ne pouvant pas fournir même la plus legere présomption en sa faveur, jusqu’à ce qu’on ait éprouvé dans les mêmes cas les autres préparations de la même classe. La même considération doit s’étendre à la plûpart des prétendus spécifiques, mis en vogue par des charlatans, adoptés par le public, & même par les medecins, sur la foi des observations ; car l’observation ne peut faire un titre de préférence qu’après la comparaison des remedes analogues. En un mot une vertu absolue n’est pas la même chose qu’une vertu supérieure, éminente, & exclusive.

La matiere restante dans l’alembic après la distillation de l’élixir, étant passée à-travers une étamine & épaissie en consistance de pilules, peut fort bien remplacer les pilules de Rufus, qui sont décrites dans la pharmacopée de Paris. Voyez Pilules de Rufus. (b)

Elixir ou le grand Elixir, (Alchimie.) c’est un des noms mystérieux que les Alchimistes ont donné à la pierre philosophale, sur-tout lorsqu’ils l’ont considérée du côté de ses grandes vertus médicinales. Voyez Pierre philosophale & Philosophie hermétique. (b)

ELLE, (Gramm.) pronom relatif féminin, sur lequel il ne sera pas inutile de dire un mot en faveur des étrangers qui étudient notre langue.

Il est certain, comme l’a remarqué le P. Bouhours, que elle au nominatif ne convient pas moins à la chose qu’à la personne ; & que l’on dit également bien d’une maison & d’une femme, elle est agréable : mais dans les cas obliques, elle ne convient pas à la chose comme à la personne, & on ne diroit pas en parlant d’un homme à qui la Philosophie plairoit extrèmement, il s’attache fort à elle, il est charmé d’elle ; il faut dire pour bien parler, il s’y attache fort, il en est charmé. On ne diroit pas aussi en parlant d’une victoire, j’ai fait un discours sur elle ; on diroit bien néanmoins, une action de cette importance traîne de grands avantages après elle.

Quoiqu’il n’y ait proprement que l’usage qui puisse nous instruire à fond là-dessus, & qu’il soit difficile de rendre raison pourquoi l’un se dit plûtôt que l’autre, on peut cependant marquer quelques occasions, où elle se met fort bien dans les cas obliques. Par exemple :