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vers très-librement. Sur l’extrêmité supérieure de la verge, on fait entrer une petite plaque circulaire L de laiton de 14 lignes de diametre. L’œuf est plongé dans le vase AB (plein d’eau, comme je l’ai déjà dit) à une certaine profondeur, qui doit être telle, que l’instrument étant en repos, c’est-à-dire n’étant pas électrique, l’extrêmité inférieure de l’œuf soit fort près du fond du vase, sans cependant y toucher. Pour que l’œuf & la verge soient toujours dans une situation verticale, on met dans le premier du mercure qui sert de leste ; par ce moyen le centre de gravité étant fort bas, le tout se tient perpendiculairement à l’horison, & éprouve en haussant ou en baissant le moins de balancement qu’il est possible. Comme cet œuf, s’il n’en étoit empêché, iroit vers les bords du vase, & floteroit tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; on l’oblige de rester au centre de la maniere suivante. Sur la plaque H dont j’ai parlé, on fixe en croix des fils d’argent fort deliés, tels que ceux des micrometres ; cette croix est formée par des fils doubles qui laissent entr’eux au centre de la plaque un petit espace quarré, qui étant plus grand que le diametre de la verge, lui permet de monter & de descendre entre ces fils, sans éprouver aucun frotement sensible, & cependant sans s’écarter du centre ; il arrive même un effet fort singulier, c’est que lorsque toute la machine est bien électrique, la verge est contenue au milieu de ces fils presque sans y toucher, parce qu’étant électrique comme eux, elle les évite continuellement.

Après cette description, on imaginera sans peine comment cet instrument fait son effet, sur-tout si l’on refléchit sur ce principe d’Hydrostatique (Voyez Hydrostatique), qu’un corps plongé dans l’eau surnage ou s’y enfonce selon qu’un volume d’eau semblable à celui qu’il occupe est plus leger ou plus pesant que ce même corps. Il suit de ce principe qu’un volume d’eau égal à celui de l’œuf & de la partie de la verge qui trempe dans l’eau, lorsque le tout est en repos, pese autant que l’œuf, la petite plaque & toute la verge ; conséquemment si le tout s’éleve d’un pouce, la puissance qui le soûtiendra à cette hauteur, soûtiendra un poids égal à un volume d’eau de la grosseur de la verge & d’un pouce de haut, puisque le volume d’eau que l’œuf & la verge occupent alors, est diminué de cette quantité. Si donc différentes puissances le soûtiennent à 1, 2, 3, 4 pouces, &c. de hauteur au-dessus du point de repos ; ces puissances seront entr’elles comme ces nombres, c’est-à-dire, doubles, triples, quadruples, &c. Or l’électricité produit le même effet sur cet instrument, c’est-à-dire, qu’elle fait la fonction d’une puissance qui le soûtiendroit à 1, 2, 3, 4 pouces, &c. au-dessus de son point de repos ; on peut donc par son moyen mesurer tous les différens dégrés de force de cette vertu. En effet si l’on suppose pour un moment toute la machine composée du vase AB de l’œuf, &c. posée comme elle est en K, dans la fig. 76, sur un récipient de verre, ou sur quelqu’autre matiere qui ne laisse point passer l’électricité, & que le vase AB devienne électrique, la verge V le deviendra aussi, comme la plaque L. Mais tout le monde sait que les corps électriques se repoussent ; ainsi la petite plaque L & la verge V étant repoussées par la grande plaque H, s’éleveront nécessairement plus ou moins selon que l’électricité sera plus forte ou plus foible. L’électricité fera donc alors, comme je l’ai dit plus haut, la fonction d’une puissance qui soûtiendroit l’instrument à une certaine hauteur ; & comme ces puissances sont proportionnelles aux hauteurs de l’instrument au-dessus du point de repos, ces mêmes hauteurs seront aussi proportionnelles aux différentes forces électriques ; ce qui prouve ce que j’ai avancé, que notre instru-

ment mesure exactement tous les différens degrés de

la force électrique ; il est donc un véritable électrometre : mais il y a plus, cet électrometre peut être employé comme instrument, soit pour faire un grand nombre d’expériences sur l’électricité, soit pour déterminer les lois d’attraction, de répulsion, de diffusion, de transmission, &c. de l’électricité ; propriété qui n’est pas moins importante que celle de mesurer la force électrique.

Maniere de se servir de cet instrument. Les corps électriques ayant cet inconvénient, qu’on ne peut en approcher sans leur dérober l’électricité ; il est clair que si l’on étoit assez près de l’électrometre pour juger de ses mouvemens avec précision, on lui enleveroit l’électricité. Afin donc de parer cet inconvénient, on place dans une partie de la chambre où l’on fait ses expériences, une grande lanterne dans laquelle on met une grosse bougie, qui projette sa lumiere par un trou, sur un ou deux électrometres situés comme on le voit en K dans la fig. 76. Derriere ces électrometres on fixe un cadre Q très-solide, dont toute la partie X est de bois ; elle peut-être de toute autre matiere opaque. Dans ce cadre on fait deux ouvertures rectangulaires ou fenêtres FT, on met dans ces fenêtres des glaces GG qui ne sont qu’adoucies ; & sur ces glaces, on marque des divisions très-précises avec de l’encre de la Chine bien noire.

Il faut que ce cadre soit toûjours placé de façon que la projection des électrometres tombe sur ces glaces ; & au moyen de la figure conique qu’on donne à l’extrêmité de la verge, elle y forme une ombre très-nette. Comme ces glaces sont transparentes, l’observateur placé derriere en F, voit de la maniere la plus distincte, toutes les différentes élevations de l’électrometre, & est par-là en état de juger avec la derniere précision de toutes ces variations. Le plan du cadre étant supposé perpendiculaire à l’horison, & l’électrometre, ou plutôt sa verge, haussant & baissant dans un plan parallele ; il est évident que l’élévation & l’abaissement de l’ombre sont toûjours proportionnels à ceux de l’électrometre. On sent facilement que le cadre que je viens de décrire pourroit n’avoir qu’une fenêtre, mais l’électrometre pouvant aussi servir d’instrument, comme je l’ai dit, il est à propos qu’il en ait deux, afin que l’électrometre véritable, & celui qui ne sert que d’instrument, étant plus près, on puisse les observer plus commodément : au reste, l’intervalle entre l’un & l’autre doit être tout au moins de 30 pouces.

On voit par la construction de cet électrometre, qu’il a les propriétés essentielles à un instrument de cette espece ; car, 1°. la force électrique étant très foible, il faut un instrument très-mobile & fort sensible, aussi un poids de 8 grains posé sur la petite plaque, le fait-il baisser de plus de 4 pouces.

La force électrique étant fort changeante, il faut un instrument, lequel n’agissant pas par saut, soit en état de donner à chaque instant ses variations ; & celui-ci tendant toûjours au repos, & n’étant soûtenu hors de cet état que par la répulsion des plaques, il baisse au même instant que cette répulsion diminue, & hausse de même aussitôt qu’elle augmente. C’est un fait dont des expériences sans nombre nous ont assûrés, M. d’Arcy & moi.

Enfin il est universel ; car on voit que le véritable électrometre est la verge cylindrique V, qui détermine par le nombre de ses parties élevées au dessus du point de repos, la quantité de la force électrique. Or il n’est pas difficile d’avoir une verge cylindrique d’une ligne de diametre. Il est vrai que le diametre de la petite plaque L, & sa distance à la grande H au point de repos, peuvent produire quelques différences dans la répulsion ; mais il est facile d’observer