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l’électricité est foible ; mais dès qu’elle devient un peu plus forte, la feuille d’or ne manque guere d’être repoussée aussi-tôt qu’elle s’est assez approchée pour toucher le tube. Enfin, quand l’électricité est très-forte, il n’y a plus de contact entre la feuille & le tube, & la répulsion commence lorsque la feuille d’or s’en est approchée à deux ou trois pouces ; dès ce moment cette feuille devient électrique par communication ; & lorsqu’elle commence à être repoussée, elle a acquis une atmosphere aussi dense que celle du tube : alors elle s’en éloigne, & reste suspendue au-dessus de lui, jusqu’à ce qu’elle ait perdu la vertu qu’elle avoit acquise, soit peu après en la communiquant aux vapeurs humides répandues dans l’air ; soit subitement, en touchant à quelque corps non électrique ; elle se porte même vers ces sortes de corps, lorsqu’il s’en rencontre dans son voisinage, & il sembleroit qu’elle en seroit attirée ; mais il est aisé de reconnoître qu’elle n’a ce mouvement que parce qu’elle est elle-même devenue électrique, en lui présentant une autre petite feuille d’or battu, suspendu par une soie, qu’elle ne manque pas d’attirer sur le champ : ou bien parce qu’elle se précipite avec impétuosité sur le tube, si on en détruit subitement la vertu en l’approchant de la flamme d’une chandelle.

On peut faire attirer & repousser de la même maniere une feuille d’or, en la présentant à un grand tuyau de métal électrisé par communication : dans ce cas, lorsque la feuille d’or est repoussée & qu’elle voltige à une certaine distance au-dessus du tuyau, il est facile de démontrer son électricité, en touchant du doigt le bout de ce tuyau, pour détruire sa vertu ; car alors la feuille d’or suspendue s’y précipite : il suffit même de présenter le doigt à quelque distance du tuyau, pour faire cesser la répulsion & faire retomber la feuille d’or : si au lieu du doigt on présente la pointe aigue d’un poinçon, la répulsion cessera beaucoup plus promptement ; savoir, lorsque le poinçon sera encore éloigné de neuf à dix pouces.

Si on présente une feuille d’or quarrée un peu large sous une grosse barre de fer horisontale, soûtenue par des cordons de soie, & médiocrement électrisée, par le moyen d’une chaîne arrêtée au-dessus du globe ; cette feuille sera attirée & repoussée ensuite, comme nous venons de le dire ; mais en tenant le doigt fort près au-dessous d’elle pour la toucher à chaque fois qu’elle sera repoussée, on pourra parvenir à la rendre immobile & comme suspendue entre la barre & le doigt, sans qu’elle touche ni à l’une ni à l’autre : alors elle présente toûjours la tranche & un de ses angles à la barre, & l’angle opposé est vers le doigt. Or il est vraissemblable qu’elle reste dans cet état, parce qu’elle communique au doigt autant de vertu électrique, qu’elle en reçoit continuellement de la barre, moins la quantité qui lui est nécessaire pour surpasser l’effort de la gravité.

Quand la feuille d’or repoussée par un tube de verre a communiqué à l’air ou à quelque corps non électrique la vertu qui lui avoit été communiquée, la répulsion cesse, comme nous l’avons dit ; alors la feuille recommence à être attirée, pour être pareillement repoussée, dès qu’elle sera devenue suffisamment électrique On peut de cette maniere promener une feuille d’or autour d’une chambre, en la repoussant par un tube bien électrisé, & la faire bondir autant de fois qu’on voudra sur ce tube, en lui présentant le doigt chaque fois qu’elle sera repoussée.

On voit par ces observations, que l’attraction des feuilles d’or ne précede leur répulsion, que parce qu’il est nécessaire qu’elles acquerent une atmosphere d’une densité égale à celle du tube électrique, auparavant que d’en être repoussées. Car si on met une feuille d’or dessus une glace bien seche & d’une

largeur médiocre, comme de cinq à six pouces, qu’on approche ensuite par-dessous un tube nouvellement froté, la feuille d’or s’enlevera de dessus la glace, & continuera d’être repoussée par le tube, si on le lui présente, après avoir éloigné la glace. Or la feuille d’or posée sur la glace a été électrisée par communication (comme il le paroît en lui en présentant une autre petite suspendue par une soie), & elle n’a commencé à être repoussée de dessus la glace, que lorsqu’elle a été électrisée par le tube autant qu’il étoit possible ; c’est-à-dire, jusqu’à ce qu’elle eût contracté une atmosphere d’une densité égale à celle du tube.

Lorsqu’un tube repousse une feuille d’or, si on lui substitue promptement un autre tube à-peu-près aussi électrisé que le premier, la feuille d’or continuera d’être repoussée à la même distance ; laquelle sera cependant un peu plus grande ou moindre, suivant que le nouveau tube sera plus ou moins électrisé que le premier : cependant si on substituoit un tube très-faiblement électrique, la feuille d’or ne seroit plus repoussée & retomberoit vers ce tube. De même si on présente à une feuille d’or repoussée un bâton de cire d’Espagne, ou un morceau d’ambre, qui n’ont jamais qu’une électricité médiocre, elle ne continuera pas d’être repoussée, & elle retombera vers ces corps. Cette différence avoit fait penser à quelques physiciens que la matiere électrique, qui émane des corps résineux, étoit d’une nature différente de celle qui sort du verre ; mais on pense assez généralement aujourd’hui, que cette différence n’existe pas, & que ces effets auxquels on ne devoit guere s’attendre, ne sont dûs qu’à l’inégale densité des atmospheres électriques qui émanent du verre & des corps résineux.

Quand on présente deux ou plusieurs feuilles d’or à un tube bien électrisé, elles sont toutes attirées & également repoussées par ce tube ; mais alors elles se repoussent aussi mutuellement sans qu’il soit possible d’en faire joindre deux ensemble ; en sorte qu’elles s’écartent d’autant plus les unes des autres, qu’elles sont repoussées chacune à une plus grande distance du tube.

Si on fait attirer & repousser par un tube de verre une feuille d’or circulaire & découpée en franges fort menues jusqu’à son centre, toutes ces franges s’écarteront les unes des autres dans le tems de la répulsion, & divergeront d’autant plus que le tube sera plus fortement électrisé : la même chose arrivera à un morceau de duvet, de plume, & à tout autre corps semblable dont les parties pourront s’écarter.

De même si on attache à l’extrêmité d’une barre de fer électrisée une aigrette formée par un assemblage de fils d’argent très-fins, tous les fils de cette aigrette s’écarteront les uns des autres, à mesure que l’on communiquera de l’électricité à la barre, & aucun d’eux ne se touchera.

Si on met de la poussiere à l’extrêmité de cette même barre de fer, elle sera toute chassée dès que la barre deviendra électrique ; ses parties s’écarteront les unes des autres dans ce mouvement de répulsion, & leur dissipation sera bien plus prompte si l’on présente le doigt à quelques pouces au-dessus du petit monceau de poussiere.

Enfin si on attache à l’extrêmité de la barre un petit vaisseau de métal plein d’eau, garni d’un siphon dont la branche la plus longue soit extérieure & capillaire, l’eau qui ne peut couler que goutte à goutte par la branche de ce siphon, coulera d’un seul jet, lorsqu’elle sera devenue électrique avec la barre ; & se divisera en plusieurs filets très-fins, qui s’écarteront les uns des autres, comme les filets de l’aigrette.

Tous ces effets d’attraction & de répulsion ont