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elle n’étoit plus sensible dans le tuyau de verre, à 12 piés du globe, & à 25 dans le cordon de soie.

9°. Lorsqu’on électrisoit un long fil-de-fer comme dans le premier cas de cette expérience, si on le coupoit en un ou plusieurs endroits, ensorte que les extrémités coupées fussent arrêtées vis-à-vis l’une de l’autre à une distance moindre qu’un pié, la matiere électrique s’élançoit au-travers de toutes ces interruptions, & se faisoit appercevoir jusque dans la balle suspendue à l’extrémité la plus éloignée du fil-de-fer. Un vent très-violent que l’on excita par le moyen d’un soufflet dans une de ces interruptions, n’empêcha pas la matiere électrique de passer, non plus que tous les corps naturellement électriques qu’on s’avisa d’interposer, savoir un carreau de verre, une plaque de cire d’Espagne, un mouchoir de soie, &c. mais tous les corps non électriques, tels que la main d’un homme, la pointe d’une épée nue, & même une gase humide, arrêterent la propagation de la matiere électrique & l’empêcherent de parvenir jusqu’à la balle. La flamme d’une bougie l’arrêta subitement, mais la fumée ne l’interrompit pas : un glaçon interposé & tous les corps mouillés l’intercepterent ; enfin l’on mit sur un guéridon de verre assez élevé une grande cuvette pleine d’eau, dans laquelle on fit plonger un bout de fil mouillé, qui pendoit de chacune des extrémités coupées du fil-de-fer ; la matiere électrique passa avec la même facilité que si le fil-de-fer n’eût jamais été coupé, & l’eau de la cuvette se trouva entierement électrisée.

10°. Lorsqu’un homme posé sur un gateau de résine a présenté la pointe d’une épée dans l’une de ces interruptions du fil-de-fer, il est devenu aussi-tôt électrique, quoique ni l’épée ni lui n’eussent point touché au fil-de-fer ; & dans ce cas l’épée interposée n’a pas empêché la propagation de la matiere électrique jusqu’à la balle : d’où l’on voit que la matiere électrique passe librement au-travers d’une médiocre quantité d’air, sans se déranger de sa direction, quoiqu’elle se répande latéralement dans les corps qui sont capables de la recevoir.

11°. Si l’on suspend verticalement par des cordons de soie un cercle de fil de laiton d’environ trois piés de diametre, & qu’on fasse passer le fil-de-fer des expériences précédentes, à-peu-près par le centre de son plan sans toucher à sa circonférence, de maniere qu’il demeure toûjours perpendiculaire au plan de ce cercle, l’électricité communiquée du globe au fil-de-fer se fera appercevoir très-sensiblement dans ce cercle de laiton à quelque distance du globe qu’il soit placé, & on électrisera tout autant de pareils cercles qu’on en placera avec de semblables précautions dans toute la longueur du fil-de-fer ; d’où l’on voit que les émanations électriques se répandent en tout sens, & même à une distance assez considérable du corps électrisé.

12°. On a disposé le même fil-de-fer sur des cordons de soie bien secs, de maniere qu’après avoir parcouru mille toises en ligne droite, il fît un double coude & revint parallelement jusqu’auprès du globe, en laissant 9 à 10 piés d’intervalle entre ses deux branches : chacune de ses extrémités étoit éloignée du globe de 7 à 8 piés, & arrêtée vis-à-vis à un cordon de soie bien sec, & la balle de plomb étoit suspendue à l’une d’elles. Une chaîne de fer fixée au-dessus du globe avec un autre cordon de soie en recevoit l’électricité par une de ses extrémités ; l’autre bout de cette chaîne étoit fixé à une canne de verre de cinq piés de long, ensorte qu’on pouvoit transmettre quand on vouloit, au fil-de-fer, l’électricité du globe, en lui appliquant le bout de la chaîne fixé à la canne de verre. Tout étant ainsi préparé, on a froté le globe, & après cinq ou six tours de roue on a appliqué la chaîne à une des extrémités

du fil-de-fer arrêtée à la soie ; on a observé que dans le même instant la balle suspendue à son autre extrémité attiroit les feuilles d’or. On a repeté la même expérience, en approchant le doigt de la balle, au lieu de lui présenter les feuilles d’or, afin d’en tirer une étincelle ; & l’on a observé que l’étincelle frappoit le doigt au même instant qu’on appliquoit la chaîne à l’autre extrêmité du fil de fer : cet instant étoit aisément saisissable par une semblable étincelle qui sortoit du bas de la chaîne, quand on l’approchoit du fil-de-fer : or ces deux étincelles partoient en même tems, sans qu’on pût y remarquer la moindre succession.

13°. Lorsqu’on électrisoit ce même fil de fer plié en deux, comme dans l’expérience précédente, en le touchant simplement une fois avec la chaîne, & en la retirant aussi-tôt ; on s’est apperçu que sa vertu électrique se conservoit pendant cinq à six minutes plus ou moins, suivant l’état de l’atmosphere. On a remarqué aussi que cette vertu s’évanoüissoit dès qu’on avoit tiré l’étincelle en le touchant du doigt, quelque part que ce fût. Comme donc on avoit observé dans l’expérience précédente, que la matiere électrique s’étoit élancée dans un instant d’une des extrémités de ce fil-de-fer jusqu’à l’autre, on a cherché à découvrir si cette matiere pourroit revenir sur ses pas avec la même vîtesse : c’est pourquoi on a encore électrisé le fil-de-fer en lui appliquant la chaîne ; & on s’est assûré par les feuilles d’or, que l’électricité étoit parvenue jusqu’à la balle : alors on a présenté le doigt à cette même extrêmité du fil-de-fer à laquelle la chaîne venoit d’être appliquée, & il en est sorti aussitôt une étincelle ; au même instant on présenta les feuilles d’or à la balle qui ne les a pas attirées ; d’où il a paru évident que la matiere électrique répandue dans le fil-de-fer s’étoit toute portée vers le doigt en rétrogradant avec une vîtesse presque infinie.

On voit par le détail de ces expériences : 1°. Que la matiere de l’électricité se communique à tous les corps non électriques, de quelque grandeur & de quelqu’étendue qu’ils puissent être ; & que les effets de cette matiere nous sont sensibles tant qu’ils net tiennent qu’à des corps électriques & qu’ils ne communiquent point à d’autres.

2°. Que cette matiere se répand dans ces corps en une quantité d’autant plus considérable qu’ils ont plus de surface & de longueur ; qu’elle se distribue uniformément dans toute leur étendue, ensorte qu’elle n’est jamais plus abondante dans une partie que dans une autre.

3°. Qu’après s’être communiquée de cette maniere, elle en sort avec la même liberté, dès qu’on lui établit quelque part une communication avec la terre.

4°. Que de médiocres interruptions dans la continuité de ces corps électrisés, n’empêchent pas la propagation du fluide électrique, & qu’il passe avec assez de facilité au-travers de l’air.

5°. Que cette matiere se répand avec une vîtesse prodigieuse, puisqu’elle parcourt un espace de 2000 toises dans un instant indéfinissable.

6°. Qu’elle se meut en rétrogradant, avec la même vîtesse, à la simple approche d’un corps non électrique.

7°. Enfin qu’on peut accumuler une grande quantité de cette matiere en appliquant le globe à des corps non électriques, d’une très-grande étendue & parfaitement isolés, comme à des lames de métal très-longues & d’une grande superficie. On a trouvé depuis quelques années d’autres moyens de condenser dans un très-petit espace beaucoup de matiere électrique : nous examinerons ailleurs ces différens moyens. Voyez Coup-foudroyant & Feu électrique.