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3°. Si cette personne donne la main à une autre semblablement posée sur un pain de résine, celle-ci deviendra aussi électrique que la premiere ; & il en arrivera de même à autant de personnes que l’on voudra, pourvû qu’elles soient toutes posées sur des matieres électriques, comme des pains de résine, &c. & qu’elles se communiquent uniquement entr’elles, soit en se donnant la main, soit en tenant les extrémités d’une barre ou d’une chaîne de fer, ou de tout autre corps semblable qui puisse transmettre l’électricité. Mais la vertu cessera dans toutes à la fois, si une personne qui n’est point électrique, en touche une seule de la bande, ou s’il y a quelqu’autre communication directe avec des corps non-électriques. Il est cependant arrivé quelquefois, lorsque l’électricité étoit bien forte, qu’une personne est descendue de dessus le pain de résine, & a marché quelques pas dans une chambre, sans perdre entierement son électricité : mais on a toûjours observé que sa vertu diminuoit très-rapidement ; & que cette expérience, qui paroît contraire aux effets ordinaires de l’électricité, n’avoit lieu que dans un tems très-sec, & sur un plancher naturellement un peu électrique.

4°. Si la premiere personne qui a sa main étendue sur le globe cesse de le toucher tandis qu’on le frote, elle conservera pendant quelque tems l’électricité qu’elle aura reçue, ainsi que toutes les personnes qui seront électrisées avec elle, cependant les effets d’attraction & de répulsion s’affoibliront insensiblement jusqu’au point de disparoître ; mais ils s’évanoüiroient sur le champ, si cette personne en touchoit une autre qui ne fût pas électrique.

Les grands tuyaux de fer-blanc électrisés de cette maniere, conservent leur électricité bien plus longtems que les animaux après qu’on a interrompu leur communication avec le globe ; ce qui arrive vraissemblablement parce que leur matiere électrique ne se dissipe pas comme dans les animaux avec celle de la transpiration ; mais ils perdent comme eux dans un instant toute la vertu qui leur a été communiquée, dès qu’une personne qui n’est point électrique leur touche du bout du doigt en quelque point que ce soit. Le départ de la matiere électrique est marqué comme son entrée par une étincelle qui frappe le doigt de celui qui leur touche, & cette étincelle est également vive en quelque endroit qu’on présente le doigt.

5°. Si une personne qui n’est point électrisée approche graduellement la main du visage de la premiere, elle sentira l’impression d’une atmosphere fluide, qui environne tout le corps de la personne électrisée, & en continuant d’approcher le doigt de quelque partie saillante, du nez, par exemple, le doigt & le nez paroîtront lumineux dans l’obscurité ; enfin quand ces deux parties s’approcheront encore davantage, il sortira avec bruit une étincelle très-éclatante qui frappera les deux personnes en même tems, & leur fera sentir une douleur d’autant plus vive que l’électricité sera plus forte. Cette étincelle sortira pareillement de toutes les parties de la personne électrisée, desquelles on approchera le doigt, & même au-travers de ses habits.

C’est dans l’explosion de cette étincelle, que s’élance la matiere électrique dans les corps auxquels elle se communique ; ainsi des tuyaux de fer-blanc suspendus par des cordons de soie, seront électrisés tout-d’un-coup par une seule étincelle qui sort du doigt de la personne électrisée par le globe : & toutes choses égales d’ailleurs, cette étincelle sera, comme la vertu attractive, d’autant plus forte que ces tuyaux auront plus d’étendue en surface & en longueur.

6°. Lorsqu’on s’approche assez près d’une personne électrisée, on sent exhaler de son corps une odeur

extraordinaire que quelques-uns rapportent à celle du phosphore d’urine : cette odeur est remarquable dans toutes les parties de la personne électrisée, & même dans tous les corps non électriques qu’elle tient dans sa main : elle sort de même d’un tuyau de fer-blanc électrisé immédiatement par le globe, & elle s’imprime pendant quelque tems dans les corps que l’on présente à ceux qui sont électrisés pour en faire sortir de la lumiere.

V. Expérience. On a posé sur des cordons de soie tendus horisontalement, à quatre ou cinq piés au-dessus de la surface de la terre, un fil-de-fer d’un quart de ligne de diametre, & long d’environ deux mille toises : une de ses extrémités étoit arrêtée par un cordon de soie au-dessus du globe, afin d’en recevoir de l’électricité, & on a suspendu à l’autre une balle de plomb, de laquelle on approchoit de tems en tems des feuilles d’or battu, pour reconnoître si elle devenoit électrique.

Après cinq ou six tours de roue l’électricité a passé dans le fil-de-fer, & s’est communiquée très-promptement jusqu’à la balle de plomb, ensorte que les feuilles d’or ont été attirées & repoussées à la distance de cinq à six pouces.

2°. Cette balle est devenue pareillement électrique en quelqu’endroit du fil-de-fer qu’elle ait été suspendue, soit à son extrémité proche du globe, soit dans son milieu, soit partout ailleurs dans toute son étendue : il y a beaucoup d’apparence que la matiere électrique se répandroit également dans un fil-de-fer d’une longueur encore bien plus considérable.

3°. Tous les corps qu’on s’est avisé de substituer à la balle de plomb se sont électrisés pareillement, & ont attiré la feuille d’or, mais non pas tous avec une égale vivacité ; car les métaux, les animaux vivans, & les liqueurs, ont attiré toûjours plus vivement que le bois, la pierre, & les autres corps un peu électriques ; en général ceux-ci attiroient d’autant plus foiblement qu’ils avoient plus de disposition à s’électriser par la voie du frotement.

4°. Non-seulement la balle de plomb & tous les corps suspendus ont attiré & repoussé les feuilles d’or, mais il en est sorti lorsqu’on leur a présenté le doigt, des étincelles lumineuses, comme lorsqu’on électrisoit une personne posée sur un gateau de résine ; & cette étincelle n’a pas été plus vive lorsque la balle étoit suspendue proche du globe, que lorsqu’elle étoit à l’autre extrémité du fil-de-fer.

5°. Tous ces effets ont entierement cessé lorsqu’une personne qui n’étoit point électrique a pince le fil-de-fer proche l’une ou l’autre de ses extrémités, & ils ont recommence à paroître dès qu’on a cessé de le toucher. Cependant si cette personne étoit montée sur un gateau de résine, elle avoit beau toucher le fil-de-fer, il restoit aussi électrique qu’auparavant.

6°. Les mêmes effets arrivoient, quoiqu’avec un peu plus de peine, quand on substituoit aux cordons de soie qui servoient de supports, des cordons de crin ou de laine : mais il ne paroissoit rien si les cordons étoient de chanvre, de fil, ou si les cordons de soie étoient mouillés, & encore moins si on s’étoit servi de fil d’archal ou de laiton, ou de toute autre matiere qui pût transmettre l’électricité.

7°. Lorsqu’on substituoit au grand fil-de-fer une corde de chanvre, la balle pendue à son extrémité devenoit électrique, mais avec plus de difficulté que lorsqu’elle étoit au bout du fil-de-fer, sur-tout si la corde étoit seche ; car lorsque la corde étoit bien mouillée, l’électricité passoit beaucoup mieux.

8°. Si on substituoit au fil-de-fer un cordon de soie bien sec, ou un long tuyau de verre, ils ne recevoient l’un & l’autre qu’une électricité très-foible ;