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ponsables ; mais dans la suite ne pouvant vaquer à cette levée, & étant occupés à d’autres affaires de la commune, on fit choix dans le peuple d’autres personnes pour prendre soin de l’assiete & levée des impositions ; & ces personnes furent nommées élûs à cause qu’on les établissoit par élection.

L’origine des élections est la même que celle des élûs ou juges, dont ces tribunaux sont composés.

Quelques uns rapportent ce premier établissement des élûs à celui des aides du tems du roi Jean ; il est néanmoins certain qu’il y avoit déjà depuis long-tems des élûs pour veiller sur les impositions ; mais comme il n’y avoit point encore d’impositions ordinaires, & que nos rois n’en levoient qu’en tems de guerre ou pour d’autres dépenses extraordinaires, la commission de ces élûs ne duroit que pendant la levée de l’imposition.

Dès le tems de Louis IV. Denis Hesselin étoit élû à Paris, ainsi que le remarque l’auteur du traité de la pairie, pag. 158.

S. Louis voulant que les tailles fussent imposées avec justice, fit en 1270 un réglement pour la maniere de les asseoir dans les villes royales ; il ordonna qu’on éliroit trente hommes ou quarante plus ou moins, bons & loyaux par le conseil des prêtres, c’est-à-dire des curés de leurs paroisses, & des autres hommes de religion, ensemble des bourgeois & autres prudhommes, selon la grandeur des villes ; que ceux qui seroient ainsi élus jureroient sur les saints évangiles d’élire, soit entr’eux ou parmi d’autres prudhommes de la même ville, jusqu’à douze hommes, qui seroient les plus propres à asseoir la taille ; que les douze hommes nommés jureroient de même de bien & diligemment asseoir la taille, & de n’épargner ni grever personne par haine, amour, priere, crainte, ou en quelqu’autre maniere que ce fût ; qu’ils asseoiroient ladite taille à leur volonté la livre également ; qu’avec les douze hommes dessus nommés seroient élus quatre bons hommes, & seroient écrits les noms secretement ; & que cela seroit fait si sagement, que leur élection ne fût connue de qui que ce fût jusqu’à ce que ces douze hommes eussent assis la taille. Que cela fait, avant de mettre la taille par écrit, les quatre hommes élus pour faire loyalement la taille n’en devoient rien dire jusqu’à ce que les douze hommes leur eussent fait faire serment pardevant la justice de bien & loyalement asseoir la taille en la maniere que les douze hommes l’auroient ordonné.

Il paroît suivant cette ordonnance, que les trente ou quarante hommes qui étoient d’abord élus, sont aujourd’hui représentés par les officiers des élections ; les douze hommes qu’on élisoit ensuite étoient proprement les asséeurs des tailles, dont la fonction est aujourd’hui confondue avec celle des collecteurs ; enfin les quatre bons hommes élus étoient les vérificateurs des rôles.

Les tailles furent donc la matiere dont les élûs ordonnerent d’abord ; mais outre que les tailles n’étoient pas encore ordinaires, la forme prescrite pour leur assiete ne fut pas toûjours observée ; car Philippe III, dans une ordonnance du 29 Novembre 1274, dit que les consuls de Toulouse devoient s’abstenir de la contribution qu’ils demandoient aux ecclésiastiques pour les tailles, à moins que ce ne fût une charge réelle & ancienne : il sembleroit par-là que c’étoient les consuls qui ordonnoient de la taille, soit ancienne ou nouvelle lorsqu’elle avoit lieu, ce qui fait penser qu’il y avoit alors des tailles non royales imposées de l’ordre des villes pour subvenir à leurs dépenses particulieres, ce qui est aujourd’hui représenté par les octrois.

Louis Hutin, dans une ordonnance du mois de Décembre 1315, & Philippe V. dans une autre du mois

de Mars 1316, disent que les clercs non mariés ne contribueront point aux tailles, & que les officiers du roi, officiales nostri, entant qu’à eux appartient, ne les y contraindront point & ne permettront pas qu’on les y contraigne. Ces ordonnances ne font point mention des élus, ce qui donne lieu de croire qu’ils n’avoient point encore de jurisdiction formée, & que pour les contraintes on s’adressoit aux juges ordinaires ; & en effet on a vû que c’étoit devant eux que les élûs prêtoient serment.

Il y avoit encore des élus du tems de Philippe de Valois pour la taille non royale qui se levoit dans certaines villes, comme il paroît par une ordonnance de ce prince du mois de Mars 1331, touchant la ville de Laon, où il est parlé des élus de cette ville : ces officiers n’étoient pas seulement chargés du soin de cette taille ; l’ordonnance porte que dorénavant, de trois en trois ans, le prevôt fera assembler le peuple de Laon, & en sa présence fera élire six personnes convenables de ladite ville, dont ils en feront trois leurs procureurs pour conduire toutes les affaires de la ville, que les trois autres élus avec le prevôt visiteroient chaque année autant de fois qu’il seroit nécessaire les murs, les portes, les forteresses, les puits, fontaines, chaussées, pavés, & autres aisances communes de la ville, & verroient les réparations nécessaires, &c.

Que toutes les fois qu’il seroit métier de faire taille, le prevôt avec ces trois élus exposeroit au peuple les causes pour lesquelles il conviendroit faire taille, qu’ensuite le prevôt & lesdits élus prendroient de chaque paroisse deux ou trois personnes de ceux qui peuvent le mieux savoir les facultés de leurs voisins ; lesquelles personnes & lesdits élus ayant prêté serment sur les saints évangiles de ne charger ni décharger personne à leur escient, contre raison, le prevôt feroit imposer & asseoir la taille sur toutes les personnes qui en sont tenues ; que l’imposition seroit levée par les trois élus, qui en payeroient les rentes & les dettes de la ville ; qu’à la fin des trois années susdites ils compteroient de leur recette, tant des tailles que d’ailleurs, pardevant le prevôt ou bailli de Vermandois, qui viendroit oüir ce compte à Laon & y appelleroit les bonnes gens de la ville ; enfin que le compte rendu & appuré seroit envoyé par le bailli en la chambre des comptes pour voir s’il n’y avoit rien à corriger. On voit que ces élus faisoient eux-mêmes la recette des tailles pendant trois ans, c’est pourquoi ils étoient comptables, & en cette partie ils sont représentés par les receveurs des octrois, qui comptent encore aujourd’hui à la chambre.

A l’égard des subventions qui se levoient pour les besoins de l’état par le ministere des élus de chaque ville ou diocese, on établissoit quelquefois au-dessus d’eux une personne qualifiée, qui avoit le titre d’élu de la province, pour avoir la surintendance de la subvention ; c’est ainsi que lors de la guerre de Philippe de Valois contre les Anglois, Gaucher de Chatillon connétable de France fut élu par la province de Picardie, pour avoir la surintendance de la subvention qu’on y levoit, ce qu’il accepta sous certains gages ; l’auteur du traité de la pairie, pag. 58, dit en avoir vû les quittances, où il est qualifié d’élû de la province.

Il est encore parlé de tailles dans des lettres de Philippe de Valois, du mois d’Avril 1333, mais il n’y est pas parlé d’élus. Ces lettres, qui ont principalement pour objet la répartition d’une imposition de cent cinquante mille livres sur la sénéchaussée de Carcassonne, ordonnent seulement au sénéchal de faire appeller à cet effet pardevant lui ceux des bonnes gens du pays qu’il voudra.

On établit aussi des députés ou élus à l’occasion