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qu’ayant appris la mort d’un tel évêque, il a résolu, de l’avis des évêques & des grands, de lui donner un tel pour successeur. La seconde est une lettre pour un des évêques de la province. La troisieme est la requête des citoyens de la ville épiscopale, qui demandent au roi de leur donner pour évêque un tel dont ils connoissent le mérite ; ce qui suppose que l’on attendoit le consentement du peuple, mais que ce n’étoit pas par forme d’élection.

Il y eut même sous la premiere race plusieurs évêques nommés par le roi sans aucune élection précédente, comme S. Amant d’Utrecht & S. Leger d’Autun. La formule du mandement que le roi faisoit expédier sur cette nomination, est rapportée par Marculphe. Il y est dit que le roi ayant conféré avec les évêques & principaux officiers de sa cour, avoit choisi un tel pour remplir le siége vacant.

Cette maniere de pourvoir aux évêchés étoit quelquefois nécessaire, pour empêcher les brigues & la simonie : c’étoit aussi souvent la faveur seule qui déterminoit la nomination.

Charlemagne & Louis le Débonnaire firent tous leurs efforts pour rétablir l’ancienne discipline sur les élections. Le premier disposa néanmoins de plusieurs évêchés, par le conseil des prélats & des grands de sa cour, sans attendre l’élection du clergé & du peuple. Plusieurs croyent qu’il en usa ainsi du consentement de l’Eglise, pour remédier aux maux dont elle étoit alors affligée : il rendit même à plusieurs églises la liberté des élections, par des actes exprès.

Il y eut sous cette seconde race plusieurs canons & capitulaires, faits pour conserver l’usage des élections ; mais ce fut toûjours sans donner atteinte aux droits. On tenoit alors pour principe qu’en cas de trouble & d’abus le roi pouvoit nommer à l’évêché ; tellement que l’évêque-visiteur avertissoit ceux qui devoient élire, que s’ils se laissoient séduire par quelque moyen injuste, l’empereur nommeroit sans contrevenir aux canons.

Les choses changerent bien de forme sous la troisieme race ; les chapitres des cathédrales s’attribuerent le droit d’élire seuls les évêques, privativement au reste du clergé & au peuple. Au commencement du xiij. siecle ils étoient déjà en possession d’élire ainsi seuls l’évêque & les métropolitains ; de confirmer seuls l’élection, sans appeller leurs suffragans, comme il paroît par le concile de Latran, tenu en 1215. Les papes, auxquels on s’adressoit ordinairement lorsqu’il y avoit contestation sur la confirmation des évêques, firent de ce droit une cause majeure réservée au saint siége : les droits du roi furent cependant toûjours conservés.

Lorsque Philippe Auguste partit pour son expédition d’outre-mer, entre les pouvoirs qu’il laissa pour la régence du royaume à sa mere & à l’archevêque de Reims, il marqua spécialement celui d’accorder aux chapitres des cathédrales la permission d’élire un évêque.

S. Louis accorda le même pouvoir à la reine sa mere, lorsqu’il l’établit régente du royaume. Il ordonna cependant par la pragmatique sanction qu’il fit dans le même tems, en 1268, que les églises cathédrales & autres auroient la liberté des élections.

L’élection des abbés étoit reglée sur les mêmes principes que celle des évêques. Les abbés étoient élûs par les moines du monastere qu’ils devoient gouverner. Ils étoient ordinairement choisis entre les moines de ce monastere ; quelquefois néanmoins on les choisissoit dans un monastere voisin, ou ailleurs. Avant de procéder à l’élection, il falloit obtenir le consentement du roi ; & celui qui étoit élû abbé, ne pouvoit aussi avoir l’agrément du roi, avant d’être confirmé & beni par l’évêque.

Les autres bénéfices, offices & dignités étoient conférés par les supérieurs ecclésiastiques ; savoir les bénéfices séculiers par l’évêque, & les réguliers par les abbés, chacun dans leur dépendance. Les uns & les autres n’agissoient dans leur choix qu’avec connoissance de cause, & ne se déterminoient que par le mérite du sujet. L’évêque choisissoit ordinairement des prêtres & des clercs entre les plus saints moines ; les abbés y consentoient pour le bien général de l’église, qu’ils préféroient à l’avantage particulier de leur monastere.

Il y avoit dans le xij. siecle une grande confusion dans les élections pour les prélatures ; chaque église avoit ses regles & ses usages, qu’elle changeoit selon les brigues qui prévaloient.

Ce fut pour remédier à ces desordres, que le quatrieme concile de Latran, tenu en 1215, fit une regle générale, suivant laquelle on reconnoît trois formes différentes d’élections, qui sont rapportées aux decrétales, liv. I. tit. vj. capit. quia propter.

La premiere est celle qui se fait par scrutin.

La seconde est de nommer des commissaires, auxquels tout le chapitre donne pouvoir d’élire en son lieu & place.

La troisieme forme d’élection est celle qui se fait par une espece d’inspiration divine, lorsque par acclamation tous les électeurs se réunissent pour le choix d’un même sujet.

Ce même concile de Latran, celui de Bourges en 1276, celui d’Ausch en 1300 ; les conciles provinciaux de Narbonne & de Toulouse, tenus à Lavaur en 1368, déclarent nulle toute élection faite par abus de l’autorité séculiere ou ecclésiastique.

La liberté des élections ayant encore été troublée en France par les entreprises des papes, sur-tout depuis que Clément V. eut transféré le saint siége à Avignon, le concile de Constance en 1418, & celui de Basle en 1431, tenterent toutes sortes de voies pour rétablir l’ancienne discipline.

Les difficultés qu’il y eut par rapport à ces conciles, firent que Charles VII. convoqua à Bourges en 1438 une assemblée de tous les ordres du royaume, dans laquelle fut dressée la pragmatique sanction, laquelle entr’autres choses rétablit les élections dans leur ancienne pureté. L’assemblée de Bourges permit aux rois & aux princes de leur sang, d’employer leurs recommandations auprès des électeurs, en faveur des personnes qui auroient rendu service à l’état.

Nos rois continuerent en effet d’écrire des lettres de cette nature, & de nommer des commissaires pour assister à l’élection.

Les papes cependant firent tous leurs efforts pour obtenir la révocation de la pragmatique, ainsi qu’on le dira au mot Pragmatique.

Enfin en 1516 François I. voulant prévenir les suites fâcheuses que les différends de la cour de France avec celle de Rome pouvoient occasionner, fit avec Léon X. une espece de transaction, connue sous le nom de concordat.

On y fait mention des fraudes & des brigues qui se pratiquoient dans les élections, & il est dit que les chapitres des églises cathédrales de France ne procéderont plus à l’avenir, le siége vacant, à l’élection de leurs évêques ; mais que le roi sera tenu de nommer au pape, dans les six mois de la vacance, un docteur ou licentié en Théologie ou en Droit canonique, âgé de 27 ans au moins, pour en être pourvû par le pape ; que si la personne nommée par le roi n’a pas les qualités requises, le roi aura encore trois mois pour en nommer une autre, à compter du jour que le pape aura fait connoître les causes de récusation ; qu’après ces trois mois il y sera pourvû par le pape ; que les élections qui se feront au préjudice de ce traité,