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ches qui se font au feu dans l’obscurité de la nuit.

Dans la manœuvre de la pêche de l’orphie avec les filets, les pêcheurs sont pareillement quatre dans un petit bateau, les grands bateaux n’étant point propres pour cette pêche. Le brandon est aussi placé à l’avant. Les filets sont tendus comme dans la pêche du hareng. Chaque piece peut avoir environ quarante brasses de longueur, & une brasse & demie de chûte. Ces rets dérivent comme les seines aux harengs ; ils sont flottés de maniere que la tête du rets puisse toûjours être à fleur d’eau : le pié cale par le propre poids du filet, ou de celui de la ligne dont il est garni. Les aiguillettes se maillent dans les filets que les pêcheurs de Basse-Normandie nomment orphilieres, & dont ils se servent pour faire la pêche du même poisson, excepté qu’ils ne pêchent qu’à la dérive, & non au feu. Il faut toûjours un tems calme & obscur pour pêcher avec succès.

Le produit de cette pêche s’employe principalement à faire des apas ou de la boite pour garnir les hameçons des lignes, le surplus sert à la nourriture du pauvre peuple. Voyez Favillon & Orphie.

Eguillette, noüer l’éguillette ; il se dit, en termes de Manége, d’un cheval-sauteur qui s’épare & rue entierement du train de derriere, allongeant les jambes également & de toute leur étendue. Un cheval qui ne noüe pas l’éguillette, n’est point propre à faire des caprioles. Voyez Capriole.

Eguillettes, (Corderie.) menues cordes terminées en pointe, servant à divers usages.

EGYPTE, (Géog. mod.) contrée d’Afrique, qui a environ deux cents lieues de long sur cinquante de large ; bornée au midi par la Nubie, au nord par la Méditerranée, à l’orient par la mer Rouge & l’isthme de Suez, & à l’occident par la Barbarie. Elle se divise en haute, moyenne & basse. La haute comprend l’ancienne Thébaïde ; la basse s’étend jusqu’au Caire, & la moyenne, depuis le Caire jusqu’à Benesouef. L’Egypte n’est plus aussi merveilleuse qu’autrefois. Il y a moins de canaux, moins d’aqueducs. C’étoit jadis un pays d’admiration ; c’en est un aujourd’hui à étudier. Il est habité par les Cophtes, les Maures, les Arabes, les Grecs & les Turcs : ces derniers en sont les souverains. Ç’a été le berceau de la superstition payenne, des Sciences & des Arts. Elle a eu long-tems ses rois. Elle a été successivement la conquête des Perses, des Macédoniens, des Romains, & des Musulmans. Elle a eu ses soudans. Les Mammelins l’ont gouvernée jusqu’en 1517 ; elle est depuis ce tems aux Turcs. C’est Selim I. qui s’en est rendu maître. Le Nil la traverse du midi au septentrion. Le Caire en est la capitale.

EGYPTIAC, adj. (Pharmacie.) est un nom qu’on donne à divers onguens détersifs ou corrosifs. Voyez Onguent, &c.

On trouve dans les dispensaires un onguent égyptiac noir, un rouge, un blanc, un simple, un composé.

L’égyptiac simple, qui est celui que l’on trouve ordinairement dans les boutiques, est composé de verd-de-gris, de vinaigre & de miel, bouillis ensemble jusqu’à ce qu’ils ayent de la consistance ; cette formule est de Mezué : on croit ordinairement qu’il tire son nom de la couleur brune, qui est celle des Egyptiens. On lui donne improprement le nom d’onguent, puisqu’il n’y entre ni huile ni graisse. Quelques-uns aiment mieux l’appeller miel égyptiac. Il s’employe principalement pour ronger les chairs corrompues, & nettoyer les ulceres sordides, surtout les ulceres vénériens du gosier, &c. il détruit aussi les chancres qui viennent à la bouche des enfans ; mais je regarderois alors son application comme fort dangereuse. Chambers.

* EGYPTIENS, (Philosophie des) Histoire de

la Philosophie. L’histoire de l’Egypte est en général un cahos où la chronologie, la religion & la philosophie sont particulierement remplies d’obscurités & de confusion.

Les Egyptiens voulurent passer pour les peuples les plus anciens de la terre, & ils en imposerent sur leur origine. Leurs prêtres furent jaloux de conserver la vénération qu’on avoit pour eux, & ils ne transmirent à la connoissance des peuples, que le vain & pompeux étalage de leur culte. La réputation de leur sagesse prétendue devenoit d’autant plus grande, qu’ils en faisoient plus de mystere ; & ils ne la communiquerent qu’à un petit nombre d’hommes choisis, dont ils s’assûrerent la discrétion par les épreuves les plus longues & les plus rigoureuses.

Les Egyptiens eurent des rois, un gouvernement, des lois, des Sciences, des Arts, long-tems avant que d’avoir aucune écriture ; en conséquence, des fables accumulées pendant une longue suite de siecles, corrompirent leurs traditions. Ce fut alors qu’ils recoururent à l’hyérogliphe ; mais l’intelligence n’en fut ni assez facile ni assez générale pour se conserver.

Les différentes contrées de l’Egypte souffrirent de fréquentes inondations, ses anciens monumens furent renversés, ses premiers habitans se disperserent, un peuple étranger s’établit dans ses provinces desertes ; des guerres qui succéderent, répandirent parmi les nouveaux Egyptiens, des transfuges de toutes les nations circonvoisines. Les connoissances, les coûtumes, les usages, les cérémonies, les idiomes, se mêlerent & se confondirent. Le vrai sens de l’hyérogliphe, confié aux seuls prêtres, s’évanoüit, on fit des efforts pour le retrouver. Ces tentatives donnerent naissance à une multitude incroyable d’opinions & de sectes. Les historiens écrivirent les choses comme elles étoient de leur tems ; mais la rapidité des évenemens jetta dans leurs écrits une diversité nécessaire. On prit ces différences pour des contradictions ; on chercha à concilier sur une même date, ce qu’il falloit rapporter à plusieurs époques. On étoit égaré dans un labyrinthe de difficultés réelles ; on en compliqua les détours pour soi-même & pour la postérité, par les difficultés imaginaires qu’on se fit.

L’Egypte étoit devenue une énigme presqu’indéchifrable pour l’Egyptien même, voisin encore de la naissance du monde, selon notre chronologie. Les pyramides portoient, au tems d’Hérodote, des inscriptions dans une langue & des caracteres inconnus ; le motif qu’on avoit eu d’élever ces masses énormes, étoit ignoré. A mesure que les tems s’éloignoient, les siecles se projettoient les uns sur les autres ; les évenemens, les noms, les hommes, les époques, dont rien ne fixoit la distance, se rapprochoient imperceptiblement, & ne se distinguoient plus ; toutes les transactions sembloient se précipiter pêle-mêle dans un abysme obscur, au fond duquel les hiérophantes faisoient appercevoir à l’imagination des naturels & à la curiosité des étrangers, tout ce qu’il falloit qu’ils y vissent pour la gloire de la nation & pour leur intérêt.

Cette supercherie soûtint leur ancienne réputation. On vint de toutes les contrées du monde connu chercher la sagesse en Egypte. Les prêtres égyptiens eurent pour disciples Moyse, Orphée, Linus, Platon, Pythagore, Démocrite, Thalès, en un mot tous les philosophes de la Grece. Ces philosophes, pour accréditer leurs systèmes, s’appuyerent de l’autorité des hiérophantes. De leur côté, les hiérophantes profiterent du témoignage même des philosophes, pour s’attribuer leurs découvertes. Ce fut ainsi que les opinions qui divisoient les sectes de la Grece, s’établirent successivement dans les gymnases de l’E-