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ges étant dans la directe du roi ; & cette nécessité a été étendue même aux provinces où l’ensaisinement n’a point lieu par les dispositions des coûtumes, & dans les cas de changement de possession sans aucun acte passé, comme lors d’une succession. On a assujetti les héritiers ou autres, à faire leurs déclarations de ce changement, & à les faire enregistrer & contrôler, aux termes des arrêts du 7 Août 1703 & 22 Décembre 1706, dont les dispositions ont été confirmées depuis par un édit du mois de Décembre 1727, qui a assujetti les héritiers même en directe à la nécessité de ces déclarations.

Par rapport aux domaines qui ne sont pas dans la main du roi, on a pourvû à leur conservation en particulier, non-seulement par les offices dépendans des terres domaniales, cédées en apanage ou par engagement, mais encore par la création faite en différens tems d’offices de conservateurs des domaines aliénés ; au lieu desquels, par édit du mois de Juillet 1708, on a créé dans chaque généralité un office d’inspecteur-conservateur général des domaines, avec injonction de faire des états de tous les domaines étant en la main du roi, & de tenir des registres des domaines aliénés. Ces derniers offices ayant été encore supprimés, le Roi commit en 1717 deux personnes éclairées, pour poursuivre & défendre au conseil toutes les affaires de la couronne, sous le titre d’inspecteurs-généraux du domaine ; & depuis ce tems, cette fonction a continué d’être en commission. Enfin par plusieurs arrêts, & notamment par celui du 6 Juin 1722, les thrésoriers de France ont été spécialement chargés de faire procéder aux réparations des domaines engagés, par saisie du revenu des engagistes.

Le domaine peut être augmenté en deux manieres : par la réunion d’anciennes parties, & par l’union de nouvelles parties. La différence entre ces deux moyens est d’autant plus sensible, que la réunion n’est pas tant une augmentation que le retour d’une partie démembrée à son principe ; au lieu que l’union produit une augmentation véritable. Cette réunion s’opere de plein droit, la partie qui se réunit rentrant dans sa situation naturelle, qui est de n’avoir qu’un seul être avec le corps dont elle avoit été détachée pour un tems : le retour des fiefs démembrés du domaine concédé, ou pour un tems, ou pour un certain nombre de générations, fournit un exemple de cette réunion, qui n’est en quelque maniere que la consolidation de l’usufruit à la propriété.

Il n’en est pas de même de l’union qui produit une augmentation véritable, & qui se peut faire expressément ou tacitement en plusieurs manieres différentes.

L’union expresse s’opere par lettres patentes, qui l’ordonnent dans les cas où le souverain la juge nécessaire. Telle est l’union de terre érigée en duché, marquisat, ou comté, qui se réunissent au domaine par la mort du possesseur sans hoirs mâles, suivant l’édit du mois de Juillet 1566. Telles sont aussi les terres qui n’ont point encore été unies au domaine, échûes à nos rois à quelque titre que ce puisse être, inféodées pour un tems au profit d’un certain nombre de générations, à la charge de retour après l’expiration du terme. Cette nécessité de retour imposée lors de la concession, opere l’union la plus expresse, le cas arrivant, puisque ce retour ne peut avoir été stipulé qu’au profit du domaine.

L’union tacite se peut faire, ou de plein droit, comme par la voie de la conquête, ou par l’effet de la confusion des revenus d’une terre avec ceux du domaine pendant l’espace de dix ans, aux termes de l’ordonnance générale du domaine de 1566.

Le domaine peut encore s’augmenter par la voie du retrait féodal, de la commise, de la confiscation, par l’avenement du Roi à la couronne qui produit une union de droit, aux termes de l’édit du mois de Juillet, dont les termes sont remarquables. Henri IV. y déclare, la seigneurie mouvante de la couronne tellement réunie au domaine d’icelle, que dès-lors dudit avenement elles sont advenues de même nature que son ancien domaine, les droits néanmoins des créanciers demeurant en leur état. Enfin toutes les terres & biens fonds qui écheroient au Roi à titre de succession, ou qu’il acquiert à titre onéreux ou lucratif, sont de nature à procurer l’augmentation du domaine.

Aliénation du domaine. Si l’on considere le privilége de l’inaliénabilité du domaine, il ne paroît point pouvoir être susceptible de diminution : mais quelque étroite que soit la regle qui défend l’aliénation du domaine, elle reçoit cependant quelque exception que l’ordonnance même a autorisée.

La premiere est en faveur des puînés, fils de France : la nécessité de leur fournir un revenu suffisant pour soûtenir l’éclat de leur naissance, qui est une charge de l’état, est le fondement de cette exception. Le fonds que l’on y employe, qui est un démembrement du domaine, est appellé apanage, & est essentiellement chargé de la condition de réversion à défaut de mâles. Il faut cependant convenir que cet usage qui s’observe aujourd’hui, n’a pas toûjours été suivi. Sous la premiere race de nos rois, chacun de leurs enfans mâles recueilloit une portion du royaume, entierement indépendante de celle de ses freres. Les partages du royaume entre les quatre fils de Clovis, & ensuite entre ses quatre petits-fils, tous enfans de Clotaire roi de Soissons, qui avoit réuni les parts de ses trois freres, en fournissent la preuve. On en trouve plusieurs exemples semblables sous la seconde race, dans le partage du royaume entre les deux fils de Pepin le Bref, entre les trois fils de Charlemagne, & entre les quatre fils de Louis le Débonnaire. Mais sous la troisieme race les puînés furent exclus du partage du royaume, & on leur assigna seulement des domaines pour leurs portions héréditaires ; d’abord en propriété absolue, comme le duché de Bourgogne donné par le roi Robert en apanage à Robert son second fils, qui fut la tige de la premiere branche de Bourgogne, qui dura 330 ans : ensuite sous la condition de reversion à la couronne à défaut d’hoirs, comme le comté de Clermont en Beauvoisis, accordé par le roi Louis VIII. à Philippe de France son frere, en l’année 1223 ; & enfin sous la condition de reversion à défaut d’hoirs mâles, à l’exclusion des filles, comme le comté de Poitou donné par Philippe le Bel en apanage à Philippe son frere, par son testament de 1311, sous la condition expresse de reversion à défaut d’hoirs mâles, suivant son codicile de 1314 : ce qui a été depuis reconnu en France comme une loi de l’état.

A l’égard des filles de France, Charles V. ordonna en 1374, qu’elles n’auroient point d’apanage, mais qu’elles seroient dotées en argent ; ce qui s’est ainsi pratiqué depuis : ou si on leur a donné quelquefois des terres en dot, ce n’a été qu’à titre d’engagement, & sous la faculté perpétuelle de rachat.

Une seconde exception à l’inaliénabilité du domaine a été produite par la nécessité de pourvoir aux charges accidentelles de l’état, telles que les frais de la guerre. L’ordonnance de 1566, qui a renouvellé cette regle, admet en effet l’exception de la nécessité de la guerre sous trois conditions : la premiere, que l’aliénation se fasse en deniers comptans, pour assûrer la réalité du secours : la seconde, qu’elle soit fondée sur des lettres patentes registrées, pour empêcher qu’on ne puisse trop aisément employer cette ressource extraordinaire : la troisieme,