Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 5.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

portion, & qui marchent, cheminent, & reviennent sans cesse dans le lieu du passage ménagé derriere les chevaux. Quels que soient ces avantages, M. Soufflot n’imagine pas que son projet soit à l’abri des contradictions ; aussi propose-t-il dans le cas où la dépense des corridors pourroit effrayer, & où l’on seroit obligé de préférer les incommodités auxquelles ils remédient aux facilités qu’ils procurent, de les retrancher entierement : mais il conseille du moins de pratiquer, ainsi qu’on l’a déjà fait en quelques endroits, vis-à-vis de chaque cheval, dans l’épaisseur du mur, un renfoncement en niche, lequel seroit plus haut que le ratelier, & descendroit derriere l’auge jusque sur le sol. Ce renfoncement seroit fermé par le ratelier qu’on appliqueroit contre ses montans, & supérieurement ouvert pour laisser passer le fourrage que l’on donneroit alors selon l’usage ordinaire, & qui seroit pareillement soûtenu par un grillage placé au niveau de la partie la plus élevée de la paroi postérieure de la mangeoire. Ce grillage permettroit un libre passage aux ordures & à la poussiere, qui dès-lors tomberoient sur le terrein en-arriere du ratelier même.

Quant à la distribution de l’avoine, il eût été facile à M. Soufflot de l’introduire du corridor dans l’auge. Il a craint cependant que des animaux que l’homme n’apprivoise & ne rend familiers qu’autant qu’il leur fait sentir le besoin qu’ils ont de lui, & qu’il les habitue à recevoir leur nourriture de sa main, ne devinssent en quelque façon sauvages & féroces dès qu’elle leur seroit donnée de maniere qu’il n’en seroit point apperçu : ainsi cette partie des alimens qu’ils préferent à toute autre, sera servie dans l’écurie même d’autant plus facilement qu’on pourra passer des corridors inférieurs aux extrémités, & même dans le milieu de l’édifice, par les portes de communication qu’on aura menagées à cet effet.

Du reste, M. Soufflot ne présente ici qu’un fragment, & non un bâtiment entier & complet. Il pourroit décorer son écurie par trois avant-corps, dont l’un la diviseroit en deux portions égales, & dont les deux autres la termineroient. Ces avant-corps auroient différens étages, dans lesquels on pratiqueroit des logemens convenables aux écuyers, aux commandans de l’écurie, aux maîtres palefreniers, aux piqueurs, aux personnes chargées de délivrer le fourrage, aux maîtres des gardes-meubles, aux cochers, & aux palefreniers, & il en mesureroit les dispositions relativement à l’utilité & à la commodité du service. Outre ceux qu’il construiroit & qu’il ajusteroit dans les rez-de-chaussée, il y établiroit des gardes-meubles & des selleries, dans lesquels il placeroit des cheminées nécessaires pour garantir les selles & les harnois de l’humidité qui leur nuit. Dans l’intérieur de ces vestibules qui formeroient dès-lors les différentes entrées de l’écurie, il pourroit encore sceller des chevalets rangés en échiquiers, pour y poser les selles dont on fait le plus d’usage ; & au-dessus de ces chevalets seroient des médaillons, dans lesquels seroient repétés les noms des chevaux auxquels ces mêmes selles seroient appropriées, comme il en est vis-à-vis chaque cheval, supérieurement à chaque niche & à chaque ratelier.

Dans quelques écuries l’équipage de chaque cheval est situé directement au-dessus de sa tête, contre le mur, & à côté de l’inscription qu’on y remarque. Nous ne saurions approuver un semblable arrangement ; premierement, ce même équipage est exposé à la poussiere du fourrage, & les siéges des selles sont toûjours garnis d’une multitude de brins de foin : secondement, les palefreniers ne pouvant atteindre à la hauteur des chevalets, sont obligés de monter sur la paroi antérieure de l’auge, & de s’ai-

der de la main avec laquelle ils saisissent les suseaux

du ratelier qu’ils ébranlent ; & soit qu’il faille prendre la selle ou la replacer, le service est très-lent, très-peu sûr, & très-difficile. Il arrive même fréquemment que des chevaux en sont effrayés, surtout lorsque des palefreniers naturellement maladroits laissent tomber l’équipage sur la tête ou sur le corps de ces animaux qui s’aculent, tirent sur leurs licous, en rompent les cuirs ou les longes, & s’ils ne sont pas dans un très-grand danger de s’estropier, du moins ces sortes d’accidens occasionnent-ils toûjours des desordres. Il est vrai qu’on pourroit pratiquer entre les cloisons dont j’ai parlé, une autre cloison qui offriroit un chemin d’environ un pié & demi de large, dans lequel on éléveroit un escalier pour monter aisément jusqu’à ces chevalets ; mais en obviant à une difficulté, nous ne parerions pas aux autres ; d’ailleurs l’espace d’un pié & demi de terrain que nous serions contraints de prendre en pareil cas, retrancheroit dans un vaisseau d’une certaine longueur une quantité considérable de places ; les chevaux seroient les uns & les autres dans un trop grand éloignement, & M. Soufflot contrediroit une des principales vûes qu’il a eu dans la construction dont il s’agit, puisqu’en rassemblant, pour ainsi dire, aux environs de chaque cheval une foule de petits objets, son idée a été de ne rien faire perdre à l’œil du volume, de la masse, & de la taille de chaque animal, taille qui, quelque colossale qu’elle soit & qu’elle puisse être, paroît reduite à celle d’un bidet, dans de vastes édifices que l’on n’admire sans doute que parce que leur étendue en impose.

Je disposerois encore dans des cours attenantes à celles-ci des auges en pierre, dont les unes seroient placées très-près des portes par lesquelles on communiqueroit des gardes-meubles & des selleries avec ces cours, tandis que les autres seroient sous des hangars destinés à panser les chevaux, à les desseler, à leur abattre la sueur, &c. par ce moyen les palefreniers & les maîtres du garde-meuble joüiroient facilement du lieu & de l’eau nécessaire pour laver d’une part les crins & les extrémités de l’animal, & pour nettoyer de l’autre tous les harnois & tous les équipages. On pourroit de plus construire dans ces mêmes cours des remises, des retraites pour le fumier ; il seroit très-important d’y bâtir des especes d’infirmeries pour les chevaux malades, & de les distribuer de maniere qu’ils pussent être totalement séparés des autres dans le cas où ils seroient affectés de maladies contagieuses. D’un côté de cette infirmerie seroit une pharmacie garnie de tous les fourneaux, de tous les ustensiles, de tous les médicamens convenables, &c. de l’autre seroient une ou deux forges & des travails de toute espece, qui seroient recouverts & à l’abri des injures du tems : enfin on n’omettroit aucune des constructions indispensables, pour faciliter le traitement de l’animal sain & malade, & même pour l’exercer & pour le travailler, puisqu’on pourroit encore élever un manége, qui, dans l’autre face de l’édifice, répondroit à ces cours supposées. Voyez Manége, (Architecture.) Voyez aussi Maréchal.

Les instrumens en usage dans une écurie de cette sorte sont 1°. tous ceux dont le palefrenier se sert pour panser un cheval, tels sont l’étrille (voyez Etrille), l’époussette (voyez Epoussette), la brosse ronde, la brosse longue, le peigne, l’éponge, le bouchon de foin. Voyez Panser. Il doit être muni encore de plusieurs paires de ciseaux ou de rasoirs ; d’une pince à poil, d’un cure-pié, (voyez Panser), d’un couteau de chaleur (voyez Sueur) ; en un mot elle seroit pourvûe de plusieurs torchenés (voyez Torchené), de plusieurs pelles, de plusieurs balais, de plusieurs fourches de bois, & non de fer,