contenus dans le corps de la loi ? Dans toute république bien reglée le juge & la loi sont deux choses très-distinguées. La loi prescrit à la verité ce qu’il faut faire, ou défend ce qu’il ne faut pas faire ; mais c’est une regle morte pour ainsi dire ; il faut encore une regle vivante, une autorité qui explique le sens de la loi, qui applique l’esprit de la loi aux différens cas, qui dans le cas de partage entre deux contendans qui cherchent à trouver dans la loi un sens favorable à leur cause, déclare & décide souverainement que l’un des deux se trompe, ou même que tous deux sont dans l’erreur : car cette loi est claire, précise, ou ne l’est pas : si elle l’est, suivant la prétention des Protestans, pourquoi donc les Luthériens & les Calvinistes ont-ils vû naître avec eux sur le sens de cette loi des contestations qui problablement ne finiront qu’avec eux ? si elle ne l’est pas, il faut donc un interprete, un juge qui l’éclaircisse, qui en détermine le vrai sens : ce ne peut être l’esprit particulier, borné, foible, inconstant, sujet à l’erreur, abondant en son sens. Il faut donc une autorité établie de Dieu même & infaillible, qui puisse décider souverainement du sens de la loi : autrement J. C. auroit bien mal pourvû à l’établissement & au maintien de sa religion.
4°. Aussi, soit dans l’ancienne, soit dans la nouvelle loi, la sagesse divine a-t-elle établi un tribunal visible, toujours subsistant, infaillible & juge souverain en matiere de doctrine, & elle a commandé aux fideles de consulter cette autorité & de se soûmettre à ses décisions. La chose est évidente pour l’ancien Testament par un texte du Deuteronom. cap. xvij vers. 8 & suiv. texte si connu qu’il n’est pas besoin de le citer. L’existence & l’antorité souveraine & infaillible de ce tribunal dans la loi nouvelle, n’est pas moins évidemment attestée par ce peu de paroles que J. C. adressa aux apôtres & à leurs successeurs : Matth. cap. ult. Omnis potestas data est mihi in cœlo & in terrâ : ite ergo, docete omnes gentes, baptisantes eos in nomine Patris & Filii & Spiritûs sancti, docentes eos, servare quæcumque præcepi vobis : & eccè ego vobiscum sum usque ad consummationem sæculi. Promesse dont le grand Bossuet a si bien compris toute l’énergie, qu’il ne craint pas de dire, Instruct. II. sur l’Église, pag. 3 : « Que J. C. avoit mis en cinq ou six lignes de son Evangile tant de sagesse, tant de lumiere, tant de vérité, qu’il y a de quoi convertir tous les errans, pourvû seulement qu’ils veuillent bien prêter une oreille qui écoute, & ne pas fermer volontairement les yeux. Qu’il y a dans ces six lignes de quoi trancher tous les doutes par un principe commun & universel. Que J. C. y a préparé un remede efficace aux contestations qui peuvent jamais s’élever, & qu’enfin cette promesse emporte les décisions de toutes les controverses qui sont nées ou qui pourront naître. » Or la plûpart de ces contestations ont eu pour objet le sens des Ecritures. L’Église seule étoit donc le juge compétent & infaillible qui pût & dût en décider en dernier ressort, & non l’esprit particulier qui ne peut que nous séduire & nous égarer.
Les Protestans ne manquent pas de subtilités pour éluder la force de ces argumens. On peut voir dans les savans ouvrages des cardinaux Bellarmin, du Perron & de Richelieu, dans les controverses du P. Veron Jésuite, & dans celles de M. de Wallembourg, dans les instructions pastorales de M. Bossuet, enfin dans les livres de MM. Arnaud, Nicole, Pelisson, &c. les réponses solides qu’ils ont opposées aux subterfuges & aux chicannes des ministres. Au reste cet article n’est pas destiné à convertir des gens moins attachés peut-être à leurs opinions par conviction que par entêtement. Mais comme ce dictionnaire tombera infailliblement entre les mains de personnes que je suppose éclairées jusqu’à un certain
Ecritures, (Comparaison d’) Jurisprud. Voyez Comparaison d’Ecritures. Comme cet article de Jurisprudence est traité completement au renvoi qu’on vient de citer, nous nous contenterons de remarquer ici sur cette importante matiere, que nonobstant tous les moyens des plus habiles experts pour discerner les écritures, leur art est si fautif, & l’incertitude de cet art pour la vérification des écritures est si grande, que les nations plus jalouses de protéger l’innocence que de punir le crime, défendent à leurs tribunaux d’admettre la preuve par comparaison d’écritures dans les procès criminels.
Ajoûtons que dans les pays où cette preuve est reçue, les juges en dernier ressort ne doivent jamais la regarder que comme un indice. Je ne rappellerai point ici le livre plein d’érudition fait par M. Rolland le Vayer ; tous nos jurisconsultes connoissent ce petit ouvrage, dans lequel ce savant avocat tâche de justifier que la preuve par comparaison d’écritures doit être très-suspecte. Il nous semble que l’expérience de tous les tems confirme cette opinion.
En vain dit-on que les traits de l’écriture aussi bien que ceux du visage, portent avec eux un certain air qui leur est propre, & que la vûe saisit d’abord. Je réponds qu’on peut par l’art & l’habitude contrefaire & imiter parfaitement cet air & ces traits. Les experts qui assûrent que telles & telles écritures sont semblables & partent d’une même main, ne peuvent jamais se fonder que sur une apparence, un indice ; or la vraissemblance de l’écriture n’est pas moins trompeuse que celle du visage. On a vû des faussaires abuser les juges, les particuliers, & les experts même, par la conformité des écritures. Je n’en citerai que quelques exemples.
L’écriture & la signature du faux Sébastien qui parut à Venise en 1598, ne furent-elles pas trouvées conformes à celles que le roi Sébastien de Portugal avoit faites en 1578, lorsqu’il passa en Afrique contre les Maures ? Hist. septent. liv. IV. p. 249.
En l’année 1608, un nommé François Fava medecin, reçut la somme de 10000 ducats à Venise sur de fausses lettres de change d’Alexandre Bossa banquier à Naples, neveu & correspondant de celui à qui elles étoient adressées.
En 1728, un François reçut à Londres du banquier du sieur Charters, si connu par ses vices & par ses crimes, une somme de trois à quatre mille livres sterling, sur de fausses lettres de change que le François avoit faites de Spa à ce banquier au nom