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bleaux de la Passion de Notre Seigneur, qu’il fit pour Charles Gustave roi de Suede, sont très-estimés. Le tableau de quarante piés de haut, qu’il peignit à la gloire du prince Frédéric Henri de Nassau, est un ouvrage magnifique. Ce maître a aussi excellé dans des sujets plaisans : on connoît son morceau du roi-boit. Enfin il embrassoit par ses talens tous les genres de Peinture.

Vandeyk, (Antoine) né à Anvers en 1599, mort à Londres en 1641, comblé de faveurs & de bienfaits par Charles I. Vandeyk est le second peintre de l’école flamande, & le roi du portrait. On reconnoît dans toutes ses compositions les principes par lesquels Rubens se conduisoit. Il a fait aussi des tableaux d’Histoire extrèmement estimés. Voyez, par exemple, sur son tableau de Belisaire, les réflexions de M. l’abbé du Bos.

Braur ou Brower, né à Oudenarde en 1608, mort à Anvers en 1640. Il a travaillé dans le goût de Téniers avec un art infini. Les sujets ordinaires de ses ouvrages, sont des scenes plaisantes de paysans. Il a représenté des querelles de cabaret, des filous joüant aux cartes, des fumeurs, des yvrognes, des noces de village, &c. Etant en prison à Anvers, il peignit avec tant de feu & de vérité des soldats espagnols occupés à joüer, que Rubens ayant vû ce tableau, en fut frappé, en offrit aussi-tôt 600 flor. & employa son crédit pour obtenir la liberté de Braur. Les tableaux de cet artiste sont rares ; il donnoit beaucoup d’expression à ses figures, & rendoit la nature avec une vérité frappante. Il avoit une grande intelligence des couleurs ; sa touche est d’une legereté & d’une finesse peu communes : enfin il étoit né peintre.

Téniers le jeune, (David) naquit à Anvers en 1610, & mourut dans la même ville en 1694. C’est un artiste unique en son genre ; ses paysages, ses fêtes de villages, ses corps-de-garde, tous ses petits tableaux, & ceux qu’on nomme des après-soupers, parce qu’il les commençoit & les finissoit le soir même, font les ornemens des cabinets des curieux.

Louis XIV. n’aimoit point le genre de peinture de Téniers ; il appelloit les tableaux de cet artiste, des magots : aussi il n’y a dans la collection du Roi qu’un tableau de ce peintre, représentant les œuvres de miséricorde ; mais M. le duc d’Orléans en possede plusieurs. On a beaucoup gravé d’après les ouvrages de Téniers : il a lui-même gravé divers morceaux. Ses desseins sont fort recherchés, pour l’esprit & la legereté qui y brillent. Enfin aucun peintre n’a mieux réussi que lui dans les petits sujets ; son pinceau étoit excellent ; il entendoit très-bien le clair-obscur, & il a surpassé tous ses rivaux dans la couleur locale : mais Téniers, lorsqu’il a voulu peindre l’Histoire, est demeuré au-dessous du médiocre. Il réüssissoit aussi mal dans les compositions sérieuses, qu’il réüssissoit bien dans les compositions grotesques ; ainsi un corps-de-garde de ce peintre nous attache bien plus qu’un tableau d’Histoire de sa main.

Van-der-Meer, (Jean) né à Lille en 1627, avoit, ainsi que son frere, dit le jeune (de Jonghe), un talent supérieur pour peindre des vûes de mer, des paysages & des animaux. Le jeune Van-der-Meer excelloit en particulier à peindre des moutons, dont il a représenté la laine avec un art séduisant. Tout est fondu & d’un accord parfait dans ses petits tableaux.

Van-der-Meulen, (Antoine-François) né à Bruxelles en 1634, mourut à Paris en 1690. Il avoit un talent singulier pour peindre les chevaux ; sa touche est pleine d’esprit, & approche de celle de Téniers. Ce maître est non-seulement connu par ses charmans paysages, mais encore par de grands tableaux qui

font l’ornement de Marly & des autres maisons royales. Ses tableaux particuliers sont des chasses, des siéges, des combats, des marches ou des campemens d’armées.

Vleughels, (Le chevalier) né en Flandres vers le milieu du dernier siecle ; cultiva la Peinture dès sa tendre jeunesse, vint en France, & se rendit ensuite en Italie, où ses talens, son esprit & son savoir le firent nommer par le roi, directeur de l’académie de S. Luc établie à Rome. Il n’a guere peint que de petits tableaux de chevalet ; mais ses compositions sont ingénieuses, & il s’est particulierement attaché à la maniere de Paul Veronese. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

Ecole Florentine, (Peint.) Les peintres de cette école, qui mettent à leur tête Michel-Ange & Léonard de Vinci, se sont rendus recommandables par un style élevé, par une imagination vive & féconde, par un pinceau en même tems hardi, correct & gracieux. Ceux qui sont sensibles au coloris, reprochent également aux peintres de Florence, comme à ceux de Rome, d’avoir ordinairement négligé cette partie, qui rend le peintre le plus parfait imitateur de la nature. Voyez Ecole romaine.

Les beaux-Arts éteints dans l’Italie par l’invasion des Barbares, franchirent en peu de tems un long espace, & sauterent de leur levant à leur midi. Le sénat de Florence fit venir des peintres de la Grece, pour rétablir la Peinture oubliée, & Cimabué fut leur premier disciple dans le xiij. siecle ; ainsi l’on vit paroître en Toscane, dans la patrie de Léon X. la premiere lueur de ce bel Art, qui avoit été couvert d’épaisses ténebres pendant près de mille ans ; mais il jetta bientôt la plus éclatante lumiere.

Cimabué, né à Florence en 1213, & mort en 1294, eut donc la gloire d’être le restaurateur de la Peinture en Italie. Il a peint à fresque & à détrempe, car on sait que la peinture à l’huile n’étoit pas trouvée. On voyoit encore à Florence dans le dernier siecle, des restes de la peinture à fresque de Cimabué.

Léonard de Vinci, né de parens nobles dans le château de Vinci près de Florence en 1455, mourut à Fontainebleau entre les bras de François I. en 1520. Cet homme célebre étoit un de ces heureux génies qui découvrent de bonne heure les plus grands talens pour leur profession. Il a la gloire d’être le premier, depuis la renaissance des Arts, qui ait immortalisé son nom dans la Peinture. Il poussa la pratique presqu’aussi loin que la théorie, & se montra tout ensemble grand dessinateur, peintre judicieux, expressif, naturel, plein de vérité, de graces & de noblesse. Au bout de quelques années d’étude il peignit un Ange si parfaitement dans un tableau de Verrochio son maître, que celui-ci confondu de la beauté de cette figure, qui effaçoit toutes les siennes, ne voulut plus manier le pinceau.

La Cêne de Notre Seigneur, que Léonard de Vinci représenta dans le réfectoire des Dominicains de Milan, étoit un ouvrage si magnifique par l’expression, que Rubens qui l’avoit vû avant qu’il fût détruit, reconnoît qu’il est difficile de parler assez dignement de l’auteur, & encore plus de l’imiter : l’estampe que Soëtmans en a gravée, ne rend point les beautés de l’original ; mais on en voit à Paris, à S. Germain l’Auxerrois, une excellente copie, qu’on doit vraissemblablement à François I.

Les tableaux de ce maître se trouvent dispersés dans toute l’Europe, & la plûpart sont des morceaux très-gracieux pour le faire. Il n’est personne qui ne connoisse de nom sa fameuse Gioconde, qui est peut-être le portrait le plus achevé qu’il y ait au monde ; le Roi en est le possesseur.

Les desseins de Léonard de Vinci, à la mine de plomb, à la sanguine, à la pierre noire, & sur-tout