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tion & de nos hommages, est permanent. Les ames circulent dans les corps, jusqu’à ce que exaltées & portées hors de l’état de génération, elles vivent avec l’ame universelle. Les corps changent continuellement de formes, & sont alternativement ou des animaux, ou les plantes qui les nourrissent.

13. Il n’y a point de mal absolu : l’homme injuste laisse à l’univers sa bonté ; il ne l’ôte qu’à son ame, qu’il dégrade dans l’ordre des êtres. C’est la loi générale à laquelle il est impossible de se soustraire.

14. Cessons donc de nous plaindre de cet univers ; tâchons d’être bons ; plaignons les méchans, & laissons à la raison universelle des choses, le soin de les punir & de tirer avantage de leur malice.

15. Les hommes ont les dieux au-dessus d’eux, & les animaux au-dessous ; & ils sont libres de s’élever à l’état des dieux par la vertu, ou de s’abaisser par le vice à la condition des animaux.

16. La raison universelle des choses a distribué à chacune toute la bonté qui lui convenoit. Si elle a placé des dieux au-dessus des démons, des démons au-dessus des ames, des ames au-dessus des hommes, des hommes au-dessus des animaux, ce n’est ni par choix ni par prédilection ; la nature de son ouvrage l’exigeoit, ainsi que l’enchaînement & la nécessité des transmutations le démontrent.

17. Le monde renfermant tout ce qui est possible, ne pouvant ni rien perdre ni rien acquérir, il durera éternellement tel qu’il est.

18. Le ciel & tout ce qu’il contient est éternel. Les astres brillent d’un feu inépuisable, uniforme, & tranquille. Il n’y a dans la nature aucun lien aussi fort que l’ame, qui lie toutes ces choses.

19. C’est l’ame des cieux qui peuple la terre d’animaux ; elle imprime au limon une ombre de vie, & le limon sent, respire, & se meut.

20. Il n’y a dans les cieux que du feu ; mais ce feu contient de l’eau, de la terre, de l’air, en un mot toutes les qualités des autres élémens.

21. Comme il est de la nature de la chaleur de s’élever, la source des feux célestes ne tarira jamais. Il ne s’en peut rien dissiper sans effort, & le mouvement circulaire y ramene tout ce qui s’en dissipe.

22. Les astres changent dans leurs aspects & dans leurs mouvemens ; mais leur nature ne change point.

23. C’est parce que les astres annoncent l’avenir, que leur marche est reglée, & qu’ils portent les empreintes des choses. L’univers est plein de signes ; le sage les connoît & en tire des inductions : c’est une suite nécessaire de l’harmonie universelle.

24. L’ame du monde est le principe des choses naturelles, & elle a parsemé l’étendue des cieux de corps lumineux qui l’embellissent & qui annoncent les destinées.

25. L’ame qui s’éloigne du premier principe, est soûmise à la loi des cieux dans ses différens changemens de domicile ; il n’en est pas ainsi de l’ame qui s’en rapproche ; elle fait elle-même sa destinée.

26. L’univers est un être vivant qui a son corps & son ame ; & l’ame de l’univers, qui n’est attachée à aucun corps particulier, exerce une influence générale sur les ames attachées à des corps.

27. L’influence céleste n’engendre point les choses ; elle dispose seulement la matiere aux phénomenes, & la raison universelle les fait éclore.

28. La raison universelle des êtres n’est point une intelligence, mais une force intestine & agitatrice qui opere sans dessein, & qui exerçant son énergie de quelque point central met tout en mouvement, comme on voit des ondulations naître dans un fluide les unes des autres, & s’étendre à l’infini.

29. Il faut distinguer dans le monde les dieux des démons. Les dieux sont sans passions, les démons ont des passions : ils sont éternels comme les dieux,

mais inférieurs d’un degré ; dans l’échelle universelle des êtres, ils tiennent le milieu entre nous & les dieux.

30. Il n’y a point de démon dans le monde intelligible : ce qu’on y appelle des démons sont des dieux.

31. Ceux qui habitent la région du monde sensible, qui s’étend jusqu’à la Lune, sont des dieux visibles, des dieux du second ordre : ils sont aux dieux intelligibles, ce que la splendeur est aux étoiles.

32. Ces démons sont des sympathies émanées de l’ame qui fait le bien de l’univers ; elle les a engendrées, afin que chaque partie eût dans le tout la perfection & l’énergie qui lui conviennent.

32. Les démons ne sont point des êtres corporels, mais ils mettent en action l’air, le feu, & les élémens : s’ils étoient corporels, ce seroient des animaux sensibles.

33. Il faut supposer une matiere générale intelligible, qui soit un véhicule, un intermede entre la matiere sensible & les êtres auxquels elle est subordonnée.

34. Il n’y a point d’élémens que la terre ne contienne. La génération des animaux & la végétation des plantes démontrent que c’est un animal ; & comme la portion d’esprit qu’elle renferme est grande, on est bien fondé à la prendre pour une divinité ; elle ne se meut point d’un mouvement de translation, mais elle n’est pas incapable de se mouvoir. Elle peut sentir, parce qu’elle a une ame, comme les astres en ont une, comme l’homme a la sienne.

Principes de la Théologie éclectique, tels qu’ils sont répandus dans les ouvrages de Jamblique, le théologien par excellence de la secte.

1. Il y a des dieux : nous portons en nous-mêmes la démonstration de cette vérité. La connoissance nous en est innée : elle existe dans notre entendement, antérieure à toute induction, à tout préjugé, à tout jugement. C’est une conscience simultanée de l’union nécessaire de notre nature avec sa cause génératrice ; c’est une conséquence immédiate de la coexistence de cette cause avec notre amour pour le bon, le vrai, & le beau.

2. Cette espece de contact intime de l’ame & de la divinité ne nous est pas subordonné ; notre volonté ne peut ni l’altérer, ni l’éviter, ni le nier ni le prouver. Il est nécessairement en nous ; nous le sentons, & il nous convainc de l’existence des dieux par ce que nous sommes, quelque chose que nous soyons.

3. Mais l’idée des compagnons immortels des dieux ne nous est ni moins intime, ni moins innée, ni moins perceptible que celle des dieux. La connoissance naturelle que nous avons de leur existence est immuable, parce que leur essence ne change point. Ce n’est point non plus une vérité de conséquence & d’induction : c’est une notion simple, pure, & premiere, puisée de toute éternité dans le sein de la divinité, à laquelle nous sommes restés unis dans le tems par ce lien indissoluble.

4. Il y a des dieux, des démons, & des héros, & ces êtres célestes sont distribués en différentes classes. Les ressemblances & les différences qui les distinguent & qui les rapprochent, ne nous sont connues que par analogie. Il faut, par exemple, que la bonté leur soit une qualité commune, parce qu’elle est essentielle à leur nature. Il en est autrement des ames, qui participent seulement à cet attribut par communication.

5. Les dieux & les ames sont les deux extrèmes des choses célestes. Les héros constituent l’ordre intermédiaire. Ils sont supérieurs en excellence, en nature, en puissance, en vertu, en beauté, en grandeur, & généralement en toute bonne qualité, aux ames qu’ils touchent immédiatement, & avec les-