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sent, il y a toûjours un écho, quoiqu’on ne l’entende pas toûjours, soit que le son direct soit trop foible pour revenir jusqu’à celui qui l’a formé, ou qu’il lui revienne si foible qu’il ne puisse le discerner ; soit que le corps réfléchissant soit à trop peu de distance pour qu’on puisse distinguer le son direct d’avec le son réfléchi, ou que la personne qui fait le bruit se trouve mal placée pour recevoir le son réfléchi.

Si l’obstacle ou le corps réfléchissant est éloigné de celui qui parle, de 90 toises, le tems qui se passe entre le premier son & le son réfléchi, est d’une seconde, parce que le son fait environ 180 toises par seconde ; desorte que l’écho repétera toutes les paroles ou les syllabes qui auront été prononcées dans le tems d’une seconde : ainsi lorsque celui qui parle aura cessé de parler, l’écho paroîtra répéter toutes les paroles qu’on aura prononcées. Si l’obstacle se trouve trop proche, l’écho ne redira qu’une syllabe.

Notre ame ne sauroit distinguer, à l’aide de l’organe de l’ouie, des sons qui se succedent les uns aux autres avec une grande célérité ; il faut, pour qu’on puisse les entendre, qu’il y ait quelqu’intervalle entre les deux sons. Lorsque d’habiles joüeurs de violon jouent très-vîte, ils ne peuvent joüer dans une seconde que dix tons que l’on puisse entendre distinctement ; par conséquent on ne sauroit distinguer l’écho, lorsque le son réfléchi succede au son direct avec plus de vîtesse qu’un ton n’est suivi d’un autre dans le prestissimo. On voit aussi pourquoi les grandes chambres & les caves voûtées resonnent si fort lorsqu’on parle, sans former cependant d’écho. Cela vient de la trop grande proximité des murailles, qui empêche de distinguer les sons réfléchis.

Tout ce qui réfléchit le son, peut être la cause d’un écho ; c’est pour cela que les murailles, les vieux remparts de ville, les bois épais, les maisons, les montagnes, les rochers, les hauteurs élevées de l’autre côté d’une riviere, peuvent produire des échos. Il en est de même des rocs remplis de cavernes, des nuées, & des champs où il croît certaines plantes qui montent fort haut ; car ils forment des échos : de-là viennent ces coups terribles du tonnerre qui gronde, & dont les échos répétés retentissent dans l’air.

Les échos se produisent avec différentes circonstances ; car,

1°. Les obstacles plans réfléchissent le son dans sa force primitive avec la seule diminution que doit produire la distance.

2°. Un obstacle convexe réfléchit le son avec un peu moins de force & de promptitude qu’un obstacle plan.

3°. Un obstacle concave renvoie en général un son plus fort ; car il en est à-peu-près du son comme de la lumiere. Les miroirs plans rendent l’objet tel qu’il est, les convexes le diminuent, les concaves le grossissent.

4°. Si on recule davantage le corps qui renvoye l’écho, il réfléchira plus de sons que s’il étoit plus voisin.

5°. Enfin on peut disposer les corps qui font écho, de façon qu’un seul fasse entendre plusieurs échos qui different tant par rapport au degré du ton, que par rapport à l’intensité ou à la force du son : il ne faudroit pour cela que faire rendre les échos par des corps capables de faire entendre, par exemple, la tierce, la quinte & l’octave d’une note qu’on auroit joüée sur un instrument.

Telle est la théorie générale donnée par les auteurs de Physique sur les échos ; mais il faut avoüer que toute cette théorie est encore vague, & qu’il restera toûjours à expliquer pourquoi des lieux qui, suivant ces regles, paroîtroient devoir faire écho, n’en font point ; pourquoi d’autres en font, qui pa-

roîtroient n’en devoir point faire, &c. Il semble aussi

que le poli de la surface réfléchissante, n’est pas aussi nécessaire à l’écho qu’à la réflexion des rayons de lumiere : du moins l’expérience nous montre des échos dans des lieux pleins de rochers & de corps très brutes & très-remplis d’inégalités. Il semble enfin que souvent des surfaces en apparence très-polies, ne produisent point d’écho ; car quand elles réfléchiroient le son, il n’y a de véritable écho que celui qu’on entend. La comparaison des lois de la réflexion du son avec celles de la lumiere, peut être vraie jusqu’à un certain point, mais elle ne l’est pas sans restriction, parce que le son se propage on tout sens, & la lumiere en ligne droite seulement.

Echo se dit aussi du lieu où la répétition du son est produite & se fait entendre.

On distingue les échos pris en ce sens, en plusieurs especes.

1°. En simples, qui ne répetent la voix qu’une fois, & entre ceux-là il y en a qui sont toniques, c’est-à-dire qui ne se font entendre que lorsque le son est parvenu à eux dans un certain degré de ton musical ; d’autres syllabiques, qui font entendre plusieurs syllabes ou mots. De cette derniere espece est le parc de Woodstock en Angleterre, qui, suivant que l’assûre le docteur Plott, répete distinctement dix-sept syllabes le jour, & vingt la nuit.

2°. En multiples, qui répetent les mêmes syllabes plusieurs fois différentes.

Dans la théorie des échos on nomme le lieu où se tient celui qui parle, centre-phonique ; & l’objet ou l’endroit qui renvoye la voix, centre-phonocamptique, c’est-à-dire centre qui réfléchit le son. Voyez ces mots.

Il y avoit. dit-on, au sépulchre de Metella femme de Crassus, un écho qui répétoit cinq fois ce qu’on lui disoit. On parle d’une tour de Cyzique, où l’écho se répétoit sept fois. Un des plus beaux dont on ait fait mention jusqu’ici, est celui dont parle Barthius dans ses notes sur la Thébaïde de Stace, liv. VI. v 30. & qui répétoit jusqu’à dix-sept fois les paroles que l’on prononçoit : il étoit sur le bord du Rhin, proche Coblents : Barthius assûre qu’il en a fait l’épreuve, & compté dix-sept répétitions ; & au-lieu que les échos ordinaires ne répetent la voix que quelque tems après qu’on a entendu celui qui chante ou qui parle, dans celui-là on n’entendoit presque point celui qui chantoit, mais la répetition qui se faisoit de sa voix, & toûjours avec des variations surprenantes : l’écho sembloit tantôt s’approcher, & tantôt s’éloigner : quelquefois on entendoit la voix très-distinctement, & d’autres fois on ne l’entendoit presque plus : l’un n’entendoit qu’une seule voix, & l’autre plusieurs : l’un entendoit l’écho à droite, & l’autre à gauche. Des murs paralleles & élevés produisent aussi des échos redoublés, comme il y en a eu autrefois dans le château Simonette, dont Kircher, Schott & Misson ont donné la description. Il y avoit dans un de ces murs une fenêtre d’où on entendoit répéter quarante fois ce qu’on disoit. Adisson & d’autres personnes qui ont voyagé en Italie, font mention d’un écho qui s’y trouve, & qui est encore bien plus extraordinaire. puisqu’il répete cinquante-six fois le bruit d’un coup de pistolet, lors même que l’air est chargé de brouillard. Nous rapportons tous ces faits sans prétendre les garantir.

Dans les mémoires de l’académie des Sciences de Paris, pour l’année 1692, il est fait mention d’un écho qui a cela de particulier, que la personne qui chante n’entend point la répétition de l’écho, mais seulement sa voix ; au contraire ceux qui écoutent n’entendent que la répétition de l’écho, mais avec des variations surprenantes, car l’écho semble tantôt s’approcher, & tantôt s’éloigner : quelquefois on