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pas sujette à celle de l’échiquier général de Normandie.

On voit dans l’échiquier général, qui fut tenu en 1336 au nom de Jean dauphin de France, & duc de Normandie (qui fut depuis le roi Jean), que l’on fit lecture de lettres patentes que le dauphin avoit données à Pierre, archevêque de Rouen, pour la jurisdiction de Louviers.

Dix-sept ans après (en 1353) s’étant mû procès touchant la jurisdiction temporelle du palais archiépiscopal de Roüen, Jean, qui depuis trois ans avoit été sacré roi de France, accorda la jurisdiction toute entiere, & sans aucune restriction, à Pierre de la Forest, qui avoit été son chancelier : mais ce privilége ne fut alors accordé que pour lui personnellement, & pour le tems seulement qu’il tiendroit cet archevêché.

Le dauphin Charles, auquel le roi Jean son pere avoit donné en 1355 le duché de Normandie, & qui fut depuis le roi Charles V. surnommé le Sage, confirma ce privilége, & le continua tant pour l’archevêque, que pour ses successeurs, par lettres patentes données à Roüen le 5 Octobre 1359. C’est de-là que les archevêques ont encore la jurisdiction appellée les hauts jours, où l’on juge les appellations des sentences des justices de Déville, Louviers, Gaillon, Dieppe, &c. jurisdiction qui ressortit au parlement de Roüen.

Lorsque l’édit de 1499 déclara l’échiquier général de Normandie perpétuel, le cardinal d’Amboise archevêque de Roüen, remontra que ses prédécesseurs avoient toûjours prétendu qu’il leur appartenoit par chartres ou droits anciens, un échiquier particulier & cour souveraine, pour les causes qui pouvoient se mouvoir devant leurs officiers dépendans du temporel & aumône de l’archevêché, sans ressortir en aucune maniere en la cour de l’échiquier de Normandie.

Louis XII. déclara à cette occasion, qu’il ne vouloit faire aucun préjudice aux droits du cardinal & des archevêques ses successeurs, ni aux siens propres, consentant qu’ils pussent faire telle poursuite qu’ils aviseroient bon être, soit en la cour de l’échiquier, ou ailleurs.

Mais il ne paroît pas que les archevêques de Roüen ayent profité de cette clause ; on voit au contraire que le 2 Juillet 1515, le parlement de Roüen ordonna à ceux que l’archevêque commettroit pour tenir la jurisdiction temporelle de son archevêché, de qualifier cette jurisdiction du titre de hauts jours, & non de celui d’échiquier, comme ils avoient fait auparavant, & qu’il lui fût permis de faire expédier & juger extraordinairement par ces juges commis des hauts jours, ou par aucuns d’entre eux, les matieres provisoires : & qu’en ce cas les juges intituleroient leurs actes, les gens commis à tenir pour l’archevêque de Roüen l’extraordinaire de ses hauts jours, pour le fait & regard de ses matieres provisoires, & en attendant la tenue d’iceux. Voyez le recueil d’arrêts de M. Froland. (A)

Echiquier (Barons de l’), voyez ce qui en a été dit ci-dev. à l’article Echiquier d’Angleterre.

Echiquier de Beaumont-le-Roger, étoit un échiquier particulier qui avoit été accordé à Robert d’Artois III. du nom, prince du sang, pour les terres de Beaumont-le-Roger, & autres situées en Normandie ; ce qui fut fait probablement en 1328, lorsqu’on lui donna ces terres à titre d’apanage. Cet échiquier ne devoit plus subsister depuis 1331, que les biens de ce même comte d’Artois, furent confisqués. On voit cependant qu’en 1338, il fut encore tenu, mais au nom du roi, & par les mêmes commissaires qui tinrent l’échiquier général de Normandie ; dans celui de 1346, où présida Jean alors duc de Normandie, qui fut depuis le roi Jean, on fit lec-

ture de lettres patentes de Philippe de Valois, qui

enjoignoient à l’échiquier général de renvoyer toutes les causes du comté de Valois, Beaumont-le-Roger, Pontorson, & autres terres que possédoit en Normandie Philippe second fils du roi, aux hauts jours des mêmes terres qui se tenoient à Paris. Voyez l’hist. de la ville de Roüen, t. I. part. II. c. jv. p. 29. n. 30. (A)

Echiquier (chambellans de l’), voy. Echiquier d’Angleterre.

Echiquier (cour de l’), voyez Echiquier d’Angleterre & Echiquier de Rouen.

Echiquier du comté d’Evreux, voyez ci-devant Echiquier des Apanagers, & ci-apr. Echiquier du Roi de Navarre.

Echiquier (maitres de l’), étoient les juges commis pour tenir la jurisdiction de l’échiquier. Il en est parlé dans une ordonnance du roi Jean du 5 Avril 1350, article 12, qui défend aux maîtres du parlement, de ses échiquiers, requêtes de son hôtel, de faire aucune prise pour eux dans tout le duché de Normandie. Voyez Echiquier & Prise. (A)

Echiquier du Roi de Navarre, étoit un échiquier particulier, que Charles I. comte d’Evreux, roi de Navarre, dit le mauvais, força le roi de lui donner, pour les grands domaines qu’il possédoit en la province de Normandie. (A)

Echiquier de Normandie, voyez ci-après Echiquier de Rouen.

Echiquier (petit), voyez ci-devant Echiquier d’Angleterre.

Echiquier de Rouen, étoit la cour souveraine de Normandie, instituée par Rollo ou Raoul, premier duc de cette province, au commencement du dixieme siecle.

L’appel des premiers juges étoit porté à l’échiquier, qui décidoit en dernier ressort, tant au civil qu’au criminel ; mais comme cet échiquier ne se tenoit qu’en certains tems de l’année, quand il y avoit des matieres provisoires, c’étoit au grand sénéchal de la province à les décider, en attendant la tenue de l’échiquier.

Pendant plusieurs siecles, cet échiquier fut ambulatoire à la suite du prince, comme le parlement de Paris.

M. Froland en son recueil d’arrêts, part. I. ch. ij. pag. 48, dit avoir lû un abregé historique manuscrit du parlement de Roüen, ouvrage d’un procureur général de ce parlement, où il est dit que cet échiquier ambulatoire s’assembloit deux fois l’année, savoir à Pâques & à la Saint-Michel ; qu’il tenoit ses séances pendant six semaines ; que le grand-sénéchal de la province y présidoit ; qu’on y appelloit les principaux du clergé & de la noblesse des sept bailliages, lesquels y avoient voix délibérative ; que les baillifs & les officiers de ces mêmes siéges, ainsi que les avocats, étoient obligés d’y assister, afin de recorder l’usance & style de la coûtume de Normandie, qui n’étoit point encore rédigée par écrit, ou du moins de l’autorité du prince, & que les jugemens de ce tribunal étoient sans appel & en dernier ressort.

Mais M. Froland craint que l’on n’ait confondu la forme de ces premiers échiquiers avec celle des échiquiers, qui ont été tenus depuis la réunion de la Normandie à la couronne ; & en effet il n’y a guere d’apparence que la forme fût d’abord la même qu’elle a été long-tems après, soit pour la qualité des personnes, soit pour l’ordre de la séance, la dignité des terres, & la nature des affaires : d’autant que Rollo qui ne fut baptisé qu’en 912, & mourut en 917, n’eut pas le tems de donner à ce nouvel établissement toute la perfection dont il étoit susceptible.

Il ne nous reste rien des registres ou actes des anciens échiquiers, tenus sous le ducs de Normandie ;