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Le nom d’échiquier vient de ce que le premier échiquier, qui fut celui de Normandie, se tenoit dans une salle dont le pavé étoit fait de pierres quarrées noires & blanches alternativement, comme les tabliers ou échiquiers qui servent à joüer aux échecs ; d’autres prétendent que le nom d’échiquier, donné à ce tribunal, vient de ce qu’il y avoit sur le bureau un tapis échiqueté de noir & de blanc.

Les échiquiers ont quelque rapport avec les assises, avec cette différence néanmoins, que les jugemens des échiquiers sont en dernier ressort ; ainsi ils ont plus de rapport avec les grands jours qui se tenoient par ordre du roi, & qui jugeoient aussi en dernier ressort.

Il y a plusieurs échiquiers en Normandie. Le roi de Navarre avoit le sien. Il y en a encore un en Angleterre, ainsi qu’on l’expliquera dans les subdivisions suivantes. Voyez le glossaire de Ducange, au mot scacarium, & celui de Lauriere, au mot Echiquier. (A)

Echiquier d’Alençon, étoit un échiquier particulier pour le bailliage d’Alençon, & indépendant de l’échiquier général de Normandie, qui se tenoit à Roüen. Ce tribunal fut établi lorsque le comté d’Alençon fut donné en apanage à des princes de la maison de France, ou peut-être même dès le tems que les comtes d’Alençon étoient vassaux des ducs de Normandie.

Lors de l’érection de l’échiquier de Normandie en cour de parlement, laquelle fut faite en 1515, le bailliage d’Alençon n’étoit point du ressort de l’échiquier de Normandie. Charles de Valois duc d’Alençon, qui en joüissoit à titre d’apanage, y faisoit tenir son échiquier indépendant de celui de Roüen.

Ce prince étant mort en 1525 sans enfans, la duchesse sa veuve, qui étoit Marguerite sœur unique de François I, demeura en possession de son échiquier jusqu’à sa mort, arrivée en 1548.

Le parlement de Roüen révendiqua alors son ancien ressort sur le bailliage d’Alençon, & députa au roi Henri II, pour demander la réunion de l’échiquier d’Alençon à celui de Roüen ; mais il y eut opposition de la part du parlement de Paris à cause qu’Alençon étoit une pairie, & de la part des habitans d’Alençon, qui furent jaloux de conserver leur échiquier avec le droit de juger souverainement.

Le roi, sur le vu des titres produits par le parlement de Roüen, ordonna de faire une assemblée dans le bailliage d’Alençon, ce qui fut suivi de lettres patentes du mois de Juin ou Juillet 1550, par lesquelles toutes les causes du bailliage d’Alençon furent renvoyées au parlement de Roüen, pour y être jugées souverainement ; le duché d’Alençon étoit alors retourné à la couronne, & réduit au ressort du parlement de Roüen. Les lettres y furent registrées, avec injonction aux juges du bailliage d’Alençon de faire tous les ans leur comparence en la cour, comme il se pratiquoit à l’égard des autres siéges.

Charles IX. ayant donné, en 1566, à François de France son frere, le duché d’Alençon pour son apanage, le parlement de Paris se donna des mouvemens pour se faire attribuer la connoissance des appels de ce bailliage, sur le fondement que ce duché étoit une pairie.

Le parlement de Roüen de sa part fit des remontrances au roi & une députation, pour représenter qu’Henri II, en 1550, avoit retabli ce parlement dans ses anciens droits sur le bailliage d’Alencon ; & l’on tient que le roi les assûra qu’il ne changeroit point l’état des choses, & que cela fut exécuté en 1570.

Il paroît néanmoins que le duc d’Alençon ayant voulu rétablir son apanage sur le même pié qu’il étoit sous Charles dernier duc, mort en 1525, obtint du

roi son frere, qu’il pourroit faire tenir un échiquier pour juger les procès en dernier ressort.

Le parlement de Roüen qui en fut informé, arrêta par une délibération du mois d’Août 1571, qu’il seroit fait de très-humbles remontrances au roi sur cette distraction de ressort : on ne voit point dans les registres du parlement, si ces remontrances furent faites, ni quel en fut le succès : ce qui est de certain, est que le parlement de Roüen ne rentra dans son droit de ressort sur le bailliage d’Alençon, qu’après la mort du duc, sous le regne d’Henri III. L’échiquier d’Alençon fut alors supprimé par des lettres patentes du mois de Juin 1584, qui énoncent que le duc avoit toujours joüi du droit d’échiquier pour son apanage ; par ce moyen le bailliage d’Alençon revint dans son premier état, c’est-à-dire que depuis ce tems il ressortit au parlement de Roüen. Voyez le commentaire de Beraut, à la fin ; le glossaire de Lauriere au mot échiquier, le recueil des arrêts de Froland, p. 76. (A)

Echiquier d’Angleterre ou Cour de l’Echiquier, est une cour souveraine d’Angleterre, où l’on juge les causes touchant le thrésor & les revenus du roi, touchant les comptes, déboursemens, impôts, doüannes, & amendes ; elle est composée de sept juges, qui sont le grand thrésorier, le chancelier ou sous-thrésorier de l’échiquier, qui a la garde du sceau de l’échiquier, le lord chef baron, les trois barons de l’échiquier, & le cursitor baron. Les deux premiers se trouvent rarement aux affaires que l’on doit juger suivant la rigueur de la loi ; ils en laissent la décision aux cinq autres juges, dont le lord chef baron est le principal, il est établi par lettres patentes.

Le cursitor baron fait prêter serment aux sherifs & sous-sherifs des comtés, aux baillis, aux officiers de la doüanne, &c.

Cette cour de l’échiquier est divisée en deux cours : l’une, qu’on appelle cour de loi, où les affaires se jugent selon la rigueur de la loi ; l’autre, qu’on appelle cour a équité, où il est permis aux juges de s’écarter de la rigueur de la loi pour suivre l’équité. Les évêques & les barons du royaume avoient autrefois séance à la cour de l’échiquier ; présentement les deux cours de l’échiquier sont tenues par des personnes qui ne sent point pairs, & qu’on appelle pourtant barons.

Sous le chancelier, sont deux chambellans de l’échiquier, qui ont la garde des archives & papiers, ligues & traités avec les princes étrangers, des titres des monnoies, des poids & des mesures, & d’un livre fameux appellé le livre de l’échiquier ou le livre noir, composé en 1175 par Gervais de Tilbury neveu d’Henri II. roi d’Angleterre. Ce livre contient la description de la cour d’Angleterre de ce tems-là, ses officiers, leurs rangs, priviléges, gages, pouvoir & jurisdiction, les revenus de la couronne : ce livre est enfermé sous trois clés ; on donne six schellings huit sous pour le voir, & quatre sous pour chaque ligne que l’on transcrit.

Outre ces deux cours de l’échiquier, il y en a encore une autre qu’on appelle le petit échiquier ; celui-ci est le thrésor royal & la thrésorerie ; on y reçoit & on y débourse les revenus du roi : le grand thrésorier en est le premier officier. (A)

Echiquier des Apanagers, ce sont les grands jours des princes, auxquels on avoit donné pour apanage des terres situées en Normandie. Chacun de ces échiquiers avoit son nom propre. Tels étoient les échiquiers particuliers des comtés d’Evreux, d’Alençon, & de Beaumont-le-Roger. Ces échiquiers étoient indépendans du grand échiquier de Normandie.

Echiquier de l’Archevêque de Rouen ; les archevêques de cette ville ont prétendu avoir un échiquier particulier, & que leur jurisdiction n’étoit