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très-petite quantité des parties susdites : car l’eau poussée par la concentration de la même eau de pluie, faite en distillant, ayant été pareillement exposée à une égale chaleur du soleil, ne laissa pas appercevoir le moindre mouvement, bien loin d’éprouver la putréfaction & la séparation des parties terrestres.

» Cent mesures d’eau de neige recueillie avec les précautions dont nous venons de parler pour l’eau de pluie, fournirent à M. Marggraf, par les mêmes moyens, soixante grains d’une véritable terre calcaire, & quelques grains de sel qui tenoient plus du sel de cuisine que du sel nitreux ; en quoi il différoit du sel extrait de l’eau de pluie, lequel avoit plus de rapport avec le nitre. Toute la différence donc entre l’eau de pluie & l’eau de neige, n’est d’aucune importance, & se réduit à ce que l’acide de l’eau de pluie est plus nitreux, & qu’elle renferme plus de terre calcaire ; au lieu que l’eau de neige a plûtôt un acide salin que nitreux, & contient une moindre quantité de terre calcaire. Au reste le peu de sel que j’avois tiré de l’eau de neige, étoit pareillement d’une couleur brunâtre ; ce qui est un indice qu’il y a aussi des parties mucilagineuses & huileuses. Ayant exposé mon eau de neige à la chaleur du soleil pendant l’été de cette année, il lui arriva exactement les mêmes accidens qu’à l’eau de pluie, & elle vint aussi à putréfaction ».

Vanhelmont rapporte, & c’est un fait très-connu à-présent, que l’eau la plus pure dont on approvisionne nos navires, éprouve sous la ligne une véritable putréfaction ; qu’elle devient roussâtre, ensuite verdâtre, & enfin rouge ; que dans ce dernier degré d’altération elle répand une puanteur insupportable, & qu’elle se rétablit ensuite d’elle-même en peu de jours. Le même phénomene observé par M. Marggraf sur l’eau de neige & sur l’eau de pluie, l’une & l’autre beaucoup plus pure que celle qu’on charge sur nos vaisseaux, rend le premier beaucoup moins singulier. La putrescibilité de nos meilleures eaux est toûjours cependant une de leurs propriétés qui mérite le plus d’attention. Voyez Putréfaction.

Voilà des expériences exactes, qui établissent une grande analogie entre l’eau de pluie & l’eau de neige ; ensorte que l’on doit au moins douter que l’opinion qui fait regarder l’eau de pluie comme très-salutaire pour la boisson, & l’eau de neige très-insalubre au contraire ; que cette opinion, dis-je, soit suffisamment fondée : ou penser au moins que l’insalubrité, la prétendue dureté, crudité, &c. des eaux des neiges ou des glaces fondues, dépendent de certains accidens arrivés à la neige pendant qu’elle couvroit la surface de la terre, qu’elle étoit retenue sur-tout pendant de longs hyvers sur le sommet des montagnes.

Au reste il est trés-raisonnable de penser que la composition de la pluie & de la neige doivent varier dans les différens pays, dans les différentes saisons, par les différens vents, & par les autres circonstances qui modifient diversement l’état de l’athmosphere. M. Hellot recueillit au mois d’Aout 1735, dans des terrines isolées avec soin, de l’eau d’orage qui avoit une odeur sulphureuse, & qui précipitoit l’huile de chaux, comme auroit fait un esprit de vitriol très affoibli. M. Grosse a eu du tartre vitriolé, en faisant dissoudre du sel de tartre pur dans de l’eau d’orage qu’il avoit ramassée à Passy en 1724. Voyez mémoire sur le phosphore de Kunckel, &c. à la fin ; mém. de l’académie royale des Sciences, année 1737.

L’eau de pluie & l’eau de neige se conservent très bien, si on les ramasse avec les précautions rapportées à l’article Citerne.

L’eau distillée de pluie ou de neige est inaltérable,

si on l’expose même à la chaleur du soleil & à l’abord libre de l’air, selon l’expérience de M. Marggraf, que nous avons rapportée ci-dessus en passant, & dont nous faisons mention ici plus expressément, pour confirmer ce que nous avons avancé de la pureté de cette eau dans l’article Eau, (Chimie.)

Eau de fontaine. Les variétés des eaux de fontaine sont très-considérables, parce que les entrailles de la terre que ces eaux parcourent, renferment une grande quantité de diverses matieres dont l’eau peut se charger par une vraie dissolution. Si quelques-uns de ces principes sont contenus dans une eau de source en une proportion suffisante pour altérer sensiblement les qualités extérieures de l’eau pure, une pareille eau est appellée minérale, voyez Minérale, (Eau.) Si au contraire elle n’est altérée par aucun principe qui se manifeste par des caracteres sensibles, tels que l’odeur, la saveur, la couleur, certains dépôts, des vertus medicinales évidentes, &c. elle est rangée parmi les eaux douces.

On trouve des eaux de fontaine qui sont autant ou plus pures que l’eau de neige : celles-ci naissent ordinairement dans les contrées où les pierres de la nature des grais, des quartz, des cailloux, sont dominantes. Les sources d’eau douce qui sortent d’un banc d’argile pure, sont aussi communément assez simples. Les pays où l’on ne trouve que des pierres & des terres calcaires, comme marbre, pierres coquilleres, craie, marne, &c. fournissent au contraire des eaux chargées d’une terre de ce genre, qui s’y trouve en partie nue, & en partie combinée avec un peu d’acide vitriolique sous la forme de selenite. La raison de ceci, c’est que la terre vitrifiable & la terre argilleuse ne sont que peu solubles, peut-être même absolument insolubles, par l’élément aqueux & par l’acide dont il peut être chargé, au lieu que les terres calcaires sont soûmises à l’action de ces menstrues.

Eau de puits. Il paroît que l’eau de puits ne doit pas différer originairement de l’eau de fontaine, & que si on la trouve plus communément chargée de terre & de diverses substances salines, c’est qu’étant ramassée dans une espece de bassin où elle est peu renouvellée, elle se charge de tout ce que l’eau qui vient de la surface de la terre, lui amene par une espece de lixiviation, & des ordures que l’air peut lui apporter sous la forme de poussiere. Cette conjecture est d’autant plus fondée, que c’est une ancienne observation que l’eau de puits devient d’autant plus pure, qu’elle est plus tirée.

L’eau des puits varie considérablement dans les différens pays, & dans les différens lieux du même pays ; nouvelle preuve que sa composition lui vient principalement des couches de terre supérieures à celle dans laquelle se trouvent les sources du toît. Quoi qu’il en soit, on trouve des puits qui fournissent une eau aussi pure que la meilleure eau de riviere, mais toûjours avec la circonstance de les tirer sans interruption.

L’eau des puits de Paris est prodigieusement seleniteuse & chargée de terre calcaire ; dans quelques puits même, au point d’en être trouble. M. Marggraf a trouvé l’eau des puits de Berlin très-chargée de terre calcaire, & d’une petite portion de terre gypseuse : ces eaux lui ont fourni aussi du vrai sel marin & du nitre. Ce dernier produit mérite une considération particuliere, relativement à une prétention sur l’origine du nitre, contredite par un fait rapporté dans les mémoires de l’académie royale des Sciences, & par celui-ci. Voyez Nitre.

Eau de riviere. La composition de l’eau de riviere, en exceptant toûjours les matieres qui la troublent après les inondations, est dûe 1°. aux principes dont