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sont les organes qui doivent travailler à la digestion, qui sont affectés ; ainsi on ne doit accorder que très-peu d’alimens, & fort legers, à plus forte raison s’il y a fievre ; ce qui doit être observé sur-tout pendant les trois premiers jours, après lesquels, si rien ne contre-indique, on peut donner du lait, qui non-seulement est une bonne nourriture, mais encore un bon remede pour la dyssenterie, sur-tout si on y ajoûte quelque qualité dessiccative, comme d’y éteindre une pierre, un morceau de fer rougi au feu ; si on le rend détersif, dessiccatif, en y délayant du miel, en le coupant avec la seconde eau de chaux : le petit-lait peut être aussi donné dans la même vûe ; l’un & l’autre sont très-propres pour adoucir toutes les humeurs âcres qui se trouvent dans les boyaux, & pour en émousser l’activité corrosive. Le lait de chevre doit être préféré, & à son défaut le lait de vache. S’il y a beaucoup de fievre, on pourra couper le lait avec égale quantité d’eau de riviere ; de cette maniere il pourra être employé sans crainte de mauvais effets : s’il n’y a pas de fievre, on pourra faire prendre au malade différentes préparations alimentaires, avec le lait, des soupes de différentes manieres, avec de la farine du ris, &c. On peut aussi mêler des œufs avec du lait. Les légumes, comme les lentilles, les pois cuits dans le bouillon de viande, sont une bonne nourriture dans cette maladie ; si elle est opiniâtre, on peut avoir recours aux alimens astringens. Si les forces sont bien diminuées, il faut employer des consommés, des gelées de vieux coq : on peut dans ce cas accorder un peu de bon vin, qui ne soit cependant pas violent, & assez modérément trempé. On conseille aussi le vin blanc avec l’eau ferrée, pour déterminer les humeurs âcres vers les couloirs des urines, & les évacuer par cette voie.

Venons à l’autre partie de la curation, qui doit être opérée par le moyen des remedes. Pour remplir les indications qui se présentent, on doit, selon Sydenham, employer la saignée, pour faire révulsion aux humeurs qui se portent dans les entrailles, & qui engorgent les vaisseaux de leurs membranes ; il faut par conséquent détourner la fluxion avant que de travailler à la guérison de l’exulcération, à moins que le transport de l’humeur ne soit critique, & non symptomatique.

Ainsi dans le cas où le malade a des forces, paroît d’un tempérament sanguin, robuste, on doit tirer du sang dès le commencement de la maladie, avec ménagement & en petite quantité, parce que les fréquentes déjections, l’insomnie & l’inflammation qui accompagnent souvent la dyssenterie, affoiblissent beaucoup & promptement le malade : si elle provient d’une suppression d’hémorroïdes ou de menstrues, on doit donner la préférence à la saignée du pié : en un mot, ce n’est qu’en tirant du sang que l’on peut arrêter efficacement les progrès de la phlogose qu’excite dans les boyaux l’irritation causée par les humeurs âcres, rongeantes.

On doit ensuite s’occuper, aussi dès les premiers jours de la maladie, du soin d’évacuer les humeurs ; car il seroit trop long de les corriger, sur-tout lorsqu’elles abondent : en restant appliquées à la partie souffrante, elles ne cesseroient pas de l’irriter jusqu’à ce qu’elles fussent entierement adoucies. D’ailleurs on doit encore se proposer par le moyen de la purgation, de diminuer l’engorgement des vaisseaux, & d’emporter les humeurs surabondantes. S’il y a quelque disposition au vomissement, on doit tenter de purger par cette voie, parce que non-seulement on diminue la matiere morbifique, mais on fait une puissante diversion : c’est ce qu’enseigne Hippocrate, aph. xv. sect. 6. « Pendant le cours de ventre opiniâtre, si le vomissement survient, il termine

heureusement la maladie ». C’est, dit Gallien sur ce même aphorisme, un des exemples de ce que la nature s’efforce de faire utilement, que le medecin doit suivre : il doit donc placer dès le commencement les remedes purgatifs, ou par haut ou par bas ; & s’il ne peut pas les répeter tous les jours, il doit le faire de deux en deux jours, ou de trois en trois jours au moins. L’hypécacuanha & la rhubarbe sont principalement en usage pour remplir ces indications. Le premier de ces médicamens a la propriété de faire vomir, & même de purger par le bas, & le second produit sûrement ce dernier effet ; mais outre ce, l’un & l’autre ont une vertu astringente sur la fin de leur action, qui est très-salutaire dans cette maladie, dans laquelle on regarde l’hypécacuanha comme un remede spécifique. Le simarouba n’est pas moins recommandable, parce qu’il a les mêmes propriétés, & qu’il a de plus celle de calmer les douleurs ; ainsi il peut satisfaire presqu’à toutes les indications que l’on doit se proposer de remplir dans cette maladie.

Car Sydenham, qui en a si bien traité, conseille expressément de ne pas manquer d’employer un remede parégorique chaque nuit, soit après la saignée, soit après la purgation ; il préfere pour cet effet le laudanum liquide, auquel seul il veut qu’on ait recours pour achever la curation, après avoir purgé le malade trois ou quatre fois.

On peut administrer quelques lavemens dans cette maladie, mais on ne doit les employer que par grands intervalles & à petite dose, sur-tout si le vice est dans les gros intestins, parce qu’en dilatant les boyaux ils augmentent la douleur : Sydenham conseille de les composer avec le lait & la thériaque. On peut aussi en employer qui ne sont qu’adoucissans, lénitifs & détersifs ; on use dans cette vûe du lait, du bouillon de tripes, de l’eau d’orge avec le beurre frais, l’huile d’olive bien douce, le miel, &c. sur la fin de la maladie on peut les rendre corroborans, astringens ; on les prépare pour cela avec différentes décoctions appropriées, auxquelles on peut ajoûter avec succès une certaine quantité de vin.

La diete satisfait, comme il a été dit, à l’indication d’adoucir l’acrimonie des humeurs, par l’usage du lait diversement employé. Si le malade ne peut pas le supporter, on aura recours à l’eau de poulet, ou d’orge, ou de ris, &c. aux tisannes émulsionnées. On s’est quelquefois bien trouvé de faire boire de la limonade dans cette maladie, lors sur-tout qu’elle ne provient que d’une effervescence de bile.

Si la maladie résiste aux remedes ci-dessus mentionnés, & qu’elle affoiblisse beaucoup le malade, on doit employer la diete analeptique, les cordiaux, les astringens, en poudre, en opiate, en décoctions, juleps, auxquelles on joindra toûjours le laudanum liquide, si rien ne contre-indique. On peut aussi faire usage de fomentations, d’épithemes appropriés.

Baglivi dit avoir employé avec succès dans les cours de ventre, dyssenteries, tenesme, chûte de boyaux invétérée, la fumée de la térébenthine jettée sur les charbons ardens, & reçûe par le fondement. Il recommande aussi en général de ne pas user de beaucoup de remedes dans cette maladie, & de ne pas recourir trop tôt aux astringens, qui peuvent produire de très-mauvais effets lorsqu’ils sont employés mal-à-propos, comme le prouve fort au long Sennert, en alléguant l’expérience de tous les tems, & les observations des plus habiles praticiens. Au reste la dyssenterie admet presque tous les remedes de la diarrhée bilieuse. Voyez Diarrhée. (d)

DYSTOCHIE, s. f. (Med.) accouchement difficile, laborieux, ou absolument impossible. Tout cela