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garde le poëte ; ce qui regarde le musicien, c’est de trouver un chant convenable au sujet, & distribué de telle sorte, que chacun des interlocuteurs parlant alternativement, toute la suite du dialogue ne forme qu’une mélodie, qui sans changer de sujet, ou du moins sans altérer le mouvement, passe dans son progrès d’une partie à l’autre, sans cesser d’être une & sans enjamber. Quand on joint ensemble les deux parties, ce qui doit se faire rarement & durer peu, il faut trouver un chant susceptible d’une marche par tierces ou par sixtes, dans lequel la seconde partie fasse son effet sans distraire l’oreille de la premiere. Il faut garder la dureté des dissonnances, les sons perçans & renforcés, le fortissimo de l’orchestre pour des instans de desordre & de transport, où les acteurs semblant s’oublier eux-mêmes, portent leur égarement dans l’ame de tout spectateur sensible, & lui font éprouver le pouvoir de l’harmonie sobrement ménagée. Mais ces instans doivent être rares & amenés avec art. Il faut par une musique douce & affectueuse avoir déjà disposé l’oreille & le cœur à l’émotion, pour que l’un & l’autre se prêtent à ces ébranlemens violens, & il faut qu’ils passent avec la rapidité qui convient à notre foiblesse ; car quand l’agitation est trop forte, elle ne sauroit durer ; & tout ce qui est au-delà de la nature ne touche plus.

En disant ce que les duo doivent être, j’ai dit précisément ce qu’ils sont dans les opéra italiens.

Mais sans insister sur les duo tragiques, genre de Musique dont on n’a pas même l’idée à Paris, je puis citer un duo comique qui y est connu de tout le monde, & je le citerai hardiment comme un modele de chant, d’unité de mélodie, de dialogue & de goût, auquel, selon moi, rien ne manquera, quand il sera bien exécuté, s’il a des auditeurs qui sachent l’entendre : c’est celui du premier acte de la Serva Padrona, Lo conosco a quegl’occhietti, &c. Lettre sur la Musique Françoise. (S)

DUODENAL, adj. en Anat épithete de quelques parties relatives au duodenum. Voyez Duodenum.

L’artere & la veine duodénale. L’une est la branche d’une artere que le duodenum reçoit de la céliaque, à laquelle répond une veine du même nom, qui renvoie le sang à la veine-porte. Voyez Veine & Artere. (L)

DUODENUM, s. m. terme d’Anatomie ; c’est le premier des intestins greles ou petits boyaux, celui qui reçoit de l’estomac les alimens dont la chylification est à moitié faite. Voyez l’article Intestins.

On l’appelle duodenum, à cause qu’il est long de douze doigts ; c’est pourquoi quelques-uns le nomment dodecadactilum.

Le duodenum vient du pylore ou de l’orifice droit de l’estomac ; de-là descendant vers l’épine de droit à gauche, il se termine où commencent les circonvolutions du reste.

Ses tuniques sont plus épaisses, & sa cavité ou canal moindre que ceux des autres intestins : à son extrémité la plus basse sont deux canaux qui s’ouvrent dans sa cavité ; l’un qui vient du foie & de la vésicule du fiel, appellé le canal commun cholidoque ; & l’autre qui vient du pancréas, appellé pancréatique. Voyez Cholidoque & Pancreatique.

Le duodenum est parfaitement droit ; mais l’intestin jejunum fait différens tours & inflexions. La raison en est que la bile & le suc pancréatique se mêlant au commencement de ces intestins ou à l’extrémité du duodenum, précipiteroient trop rapidement sans ces circonvolutions non-seulement les parties grossieres des excrémens, mais encore le chyle lui-même. Voyez Bile, Excrément, &c. Chambers. (L)

Maladies du duodenum. Cette premiere portion du canal intestinal est regardée par quelques auteurs, & particulierement par Frédéric Hoffman, comme

un estomac succenturial, c’est-à-dire un substitut de ce viscere, en tant qu’il semble que l’ouvrage de la digestion qui a été bien avancé dans le ventricule se perfectionne principalement dans le duodenum.

Ce sentiment est fondé sur les considérations suivantes : cet intestin a de plus fortes tuniques ; & il est plus large que les autres intestins grêles, selon l’observation de plusieurs grands anatomistes, tels que Vesale, Weslingius, Diemerbroeck. Il a une courbure en forme de cul-de-sac propre à retarder le cours des matieres qui y sont contenues, telle qu’il ne s’en trouve point de semblable dans toute la suite des petits boyaux : il est garni d’un plus grand nombre de glandes qui fournissent une grande quantité de suc digestif salivaire, semblable au suc gastrique, plus fluide que la lymphe qui se sépare dans les autres glandes intestinales ; il n’a point de veines lactées ; il n’est point flotant dans la duplicature du mesentere, comme tous les autres boyaux.

Par tous ces caracteres le duodenum a beaucoup de rapport avec l’estomac : il a de plus que ce viscere trois différens menstrues qui s’y répandent abondamment : savoir la bile hépatique, la cystique, & le suc pancréatique, qui en se mêlant avec la pâte alimentaire fournie par l’estomac, dissolvent les matieres grasses, résineuses, qui ont éludé l’action des sucs digestifs de l’estomac, qui n’ont pas les qualités propres pour les pénétrer. Les matieres salines, gommeuses, sont aussi ultérieurement dissoutes par la lymphe des glandes de Brunner & du pancréas ; ensorte que le chyle, après avoir éprouvé aussi l’action des parois musculeux de cet intestin qui exerce une sorte de trituration, qui tend à broyer & à mêler plus intimement les matieres inquilines avec les étrangeres, sort du duodenum en état de commencer à fournir à la secrétion du chyle, dans les premieres veines lactées qui se trouvent dans le jejunum ; & la matiere alimentaire paroît avoir été plus changée, plus élaborée depuis qu’elle est sortie de l’estomac, qu’elle ne l’avoit été par toutes les puissances dont elle avoit précédemment éprouvé l’action combinée.

Ainsi autant que la fonction de cet intestin est importante dans l’œconomie animale saine, autant ses lésions peuvent-elles influer pour la troubler. C’est sur ce fondement que Vanhelmont & Sylvius Deleboë ont voulu en tirer la cause de presque toutes les maladies, & qu’ils ont tenté d’en rendre raison d’après leur système : ils raisonnoient sur de faux principes, en supposant l’effervescence de la bile avec le suc pancréatique ; mais les conséquences qu’ils en inféroient étoient conformes à l’expérience de tous les tems, qui a fait regarder le duodenum comme le foyer, le siége d’un grand nombre de causes morbifiques, par la disposition qui s’y trouve à ce que les matieres qui y sont contenues, y soient retenues, y croupissent, y contractent de mauvaises qualités, s’y pourrissent ; l’air dont elles sont imprégnées, s’en dégage, se gonfle, & y cause des flatuosités si ordinaires aux mélancholiques, aux hypocondriaques, aux hystériques : ce qui arrive sur-tout par la stagnation de la bile, ensuite du relâchement, ou même du resserrement spasmodique de ce boyau. D’où résultent quelquefois des douleurs très-vives qui répondent aux lombes, & que l’on prend souvent pour l’effet d’une colique néphrétique, des constipations opiniâtres, des suppressions de bile qui donnent lieu à la jaunisse ; des vertiges, des mouvemens convulsifs, des attaques d’épilepsie, des fievres intermittentes, &c. La matiere de la transpiration diminuée ou supprimée, celle de la goutte rentrée dans la masse des humeurs, se portent aussi souvent par les pores biliaires ou pancréatiques dans la cavité du duodenum, dont elles irritent les tuniques par leur acri-