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Anglois, & Normans. Il ordonna, dit-on, qu’elles fussent écrites en langage normand ; ce furent l’archevêque d’Yorck & l’évêque de Londres qui les écrivirent de leur propre main : il voulut même que les causes fussent plaidées en langue normande, usage qui a subsisté jusqu’en 1361, que le parlement tenu à Westminster ordonna que tous actes de justice & plaidoiries se feroient en langue angloise.

Polydore Virgile dit, en parlant des nouvelles lois données à l’Angleterre par Guillaume le Conquérant, & qui étoient rédigées en langage normand, que c’étoit une chose étrange, vû que ces lois qui devoient être connues de tout le monde, n’étoient cependant entendues ni des François ni des Anglois.

Quelques-uns tiennent que Guillaume le Conquérant ne donna point proprement de nouvelles lois à l’Angleterre, & qu’il ne fit que confirmer les anciennes, principalement la loi d’Edoüard II, à laquelle il fit seulement quelques additions ; qu’à la vérité son intention étoit de donner la préférence aux lois des Bavarrois & des Danois, parce que lui & ses principaux barons de Normandie tiroient leur origine de Danemark ; mais que les Anglois l’ayant prié de les laisser vivre suivant leurs anciennes lois, c’est-à-dire suivant la loi d’Edoüard, il leur accorda, sans néanmoins que l’on eût abrogé tout-à-fait les anciennes lois des Merciens, des Saxons occidentaux, & des Danois, dont on retint beaucoup de choses, sur-tout par rapport aux amendes & compositions, comme il paroît par différens chapitres de la loi d’Edoüard, & par les lois que Guillaume fit.

Il est certain, en effet, que ce prince en donna de nouvelles aux Anglois, qui sont écrites en vieux langage françois, à l’exception de quelques chapitres qui se trouvent en latin. Le premier qui les ait données au public est Selden, dans ses notes sur Edmer, & ensuite Weloc dans sa collection des lois anglicanes, avec une traduction latine de Selden, laquelle n’étant point parfaitement exacte ni conforme au texte, fut dans la suite corrigée par le célebre Ducange, à la priere de D. Gabriel Gerberon bénédictin, qui travailloit sur Selden.

Henri I. donna aussi de nouvelles lois à ses sujets, qui ont été publiées par Weloc.

Les différentes ordonnances, tant de ce prince que des autres rois d’Angleterre, ont depuis été recueillies en un volume appellé la grande charte, imprimé à Londres en 1618. Voyez ce qui a été dit de la grande charte au mot Chartre, pag. 222. col. 2.

Le droit observé présentement en Angleterre, est composé de ce qu’ils appellent le droit commun, des statuts, du droit civil, du droit canon, des lois forestieres, des lois militaires, & des coûtumes & ordonnances particulieres.

Ils entendent par droit commun ou loi commune, la coûtume générale du royaume, à laquelle le tems a donné force de loi : on l’appelle aussi loi non écrite, quoiqu’elle se trouve rédigée en vieux langage normand, parce qu’elle est fondée sur d’anciens usages, qui dans l’origine n’étoient point écrits. Edoüard II. & ses successeurs ont confirmé ce droit par diverses ordonnances dont nous avons parlé, & ils y ont ajoûté des statuts pour expliquer ce que cette loi ou coûtume n’avoit pas prêvû ou décidé nettement.

On supplée encore ce qui manque à ces deux sortes de lois, par ce qu’ils appellent le droit civil, qui est un précis de ce que les autres nations ont de plus équitable ; ou pour parler plus juste, ce n’est autre chose que le droit romain, lequel étoit autrefois fort cultivé en Angleterre ; mais présentement ce droit n’est plus observé que dans les cours ecclésiastiques, dans l’amirauté, dans l’université, & dans la cour du lord maréchal.

Le droit canon d’Angleterre, qu’on appelle le droit

ecclésiastique du roi, est composé de divers canons des conciles, de plusieurs decrets des papes, & de passages tirés des écrits des peres, que les Anglois ont accommodés à leur créance dans le changement qui s’est fait dans leur église. Suivant la vingt-cinquieme ordonnance d’Henri VIII, les lois ecclésiastiques ne doivent être contraires ni à l’écriture, ni aux droits du roi, ni aux statuts & coûtumes ordinaires de l’état.

Les lois forestieres concernent la chasse & les crimes qui se commettent dans les bois, & il y a sur cette matiere des ordonnances d’Edoüard III, & le recueil qu’il appellent charta de foresta.

La loi militaire n’a de force qu’en tems de guerre, & ne s’étend que sur les soldats & sur les matelots ; elle dépend de la volonté du roi ou de son lieutenant général.

Le roi donne aussi pouvoir aux magistrats de quelques villes, de faire des lois particulieres pour l’avantage des habitans, pourvû qu’elles ne soient point contraires aux lois du royaume ; du reste il ne peut faire aucune autre loi, ni ordonner aucune levée d’argent sur son peuple, que conjointement avec le parlement assemblé.

Le gouvernement d’Angleterre est en partie monarchique & en partie républicain, le parlement devant concourir avec le roi lorsqu’il s’agit de faire de nouvelles lois, ou d’ordonner de nouvelles levées. Le roi a un conseil d’état, où il regle ce qui regarde le bien public & la défense du royaume, sans juger ce qui peut être décidé par les lois dans les cours de justice.

Ces cours sont au nombre de cinq ; savoir, celle de la chancellerie, celle du banc du roi, des plaidoyers communs, de l’échiquier, & du duché de Lancastre.

Quand il s’agit de fraudes & de complots, la chancellerie juge selon l’équité, & non selon la rigueur des lois.

Chaque ville ou bourg a haute, moyenne, & basse justice.

Nous ne nous étendrons pas davantage ici sur ce qui concerne les offices de judicature d’Angleterre, attendu que l’on parlera de chacun en son lieu.

Suivant la jurisprudence des Saxons, on punissoit rarement de mort les criminels ; ils étoient condamnés à une amende, ou bien on les mutiloit de quelque membre.

Présentement les crimes que l’on punit de mort, sont ceux de haute trahison, de petite trahison, & de félonie.

Ceux qui sont coupables de haute trahison, sont traînés sur la claie, & ensuite pendus ; mais avant qu’ils expirent on coupe la corde, on leur arrache les entrailles, qu’on brûle, & l’on sépare leurs membres pour être exposés en différens endroits.

Le crime de fausse monnoie y est aussi réputé de haute trahison, il n’est cependant pas puni si séverement ; on laisse mourir le criminel à la potence.

Dans le cas de haute trahison, tous les biens du coupable sont confisqués au roi ; la femme perd son doüaire, & les enfans la noblesse : la peine des autres crimes ne s’étend pas sur les héritiers des criminels.

La misprision ou crime de haute trahison que l’on commet en ne déclarant pas à l’état celui que l’on sait être coupable de haute trahison, n’est puni que de la prison perpétuelle.

Le crime de petite trahison a lieu lorsqu’un valet tue son maître, une femme son mari, un clerc son prélat, un sujet son seigneur : ces crimes sont punis du gibet, la femme est brûlée vive ; on punit de même les sorciers.

Les autres crimes capitaux, tels que le vol & le