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plus ancienne compagnie du régiment. Ce drapeau ne se porte jamais dans aucune garde, à moins que le colonel ne la monte lui-même pour le Roi ou pour monseigneur le Dauphin : alors il est d’usage de joindre au drapeau blanc un autre drapeau de couleur.

Les enseignes & les sous-lieutenans, lorsqu’il y en a, portent les drapeaux de leurs compagnies, & en leur absence les moins anciens du bataillon ; on en excepte les sous-lieutenans attachés aux compagnies des grenadiers. La même regle s’observe entre les lieutenans, lorsque les enseignes & les sous-lieutenans sont absens, ou qu’il n’y en a point : s’il n’y a point de lieutenant, le dernier capitaine porte le drapeau blanc lorsqu’on marche à l’ennemi. L’enseigne, ou celui qui porte le drapeau, ne doit jamais l’abandonner. Le malheur avenant d’un desavantage, dit l’auteur de l’alphabet militaire, le taffetas lui doit servir de linceueil pour l’ensevelir.

Il est d’usage de benir les drapeaux neufs que l’on donne aux régimens Voyez l’article suiv. (Q)

* Drapeaux, (bénédiction des) Hist ecclésiast. & cérém. relig. Cette cérémonie se fait avec beaucoup d’éclat, au bruit des tambours, des trompettes, & même de la mousqueterie des troupes qui sont sous les armes. Si la bénédiction a lieu dans une ville, elles se rendent en corps en l’église cathédrale, ou du moins à la plus considérable du lieu : là l’évêque ou quelqu’ecclésiastique de marque benit & consacre les drapeaux, qui y ont été portés pliés, par des prieres, des signes de croix, & l’aspersion de l’eau benite : alors on les déploie, & les troupes les remportent en cérémonie. Voyez le détail dans les élemens de l’art militaire, par M. d’Héricourt.

Drapeau, (Medec.) maladie des yeux, en latin panniculus.

Le drapeau est une espece d’ongle ou d’excroissance variqueuse sur l’œil, entrelacée de veines & d’arteres gonflées d’un sang épais, & accompagnée d’inflammation, d’ulcération, de prurit & de douleur. C’est proprement le sebet des Arabes, & le plus fâcheux des trois especes d’ongles. Voyez Ongle.

Il provient ordinairement d’inflammation sur les yeux, de quelqu’épanchement de sang entre les membranes du blanc de l’œil, d’un ulcere, ou d’autres semblables maladies du grand angle, qui par la rupture des vaisseaux capillaires, ont donné occasion au sang de s’amasser insensiblement dans les vaisseaux voisins ; de les gonfler par son séjour, & de les rendre variqueux.

Si ce mal est récent, & qu’il n’ait aucune malignité, ce qui est assez rare, on l’extirpera de la même maniere que l’ongle ordinaire ; mais quand il est accompagné d’une cuisson & d’une demangeaison incommode, d’inflammation, de croûte, d’ulcere, flux de larmes acres ; quand les vaisseaux sont gros & durs, rouges ou noirs ; quand le drapeau est fort élevé, que la cornée transparente est trouble, que les paupieres sont tuméfiées, que le malade ressent une grande douleur à l’œil, & qu’il ne peut souffrir le jour ; soit que tous ces symptomes se rencontrent en même tems, ou seulement en partie, il vaut mieux alors ne point entreprendre l’opération, & se contenter d’employer les collyres rafraîchissans & anodins, pour appaiser ou pour adoucir la violence des symptomes, pendant qu’on travaillera par les remedes généraux à corriger la masse du sang, & à détourner l’humeur qui se jette sur les yeux. Voilà les seuls secours de l’art dans ce triste état. Heureux ceux qui y joindront les ressources de la patience ! Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

Drapeaux, terme de Papeterie ; ce sont les drilles ou vieux morceaux de toile de chanvre ou de lin

que les chiffonniers ramassent, & dont on fabrique le papier. Voyez Papier.

Drapeau, terme de Doreur-relieur de livres ; c’est un linge avec lequel on essuie le dos & les bords, ou les parties où l’on a mis de l’or sur la couverture.

Drapeau, en terme de Tireur d’or, est un petit morceau de drap que le batteur tient entre ses doigts pour y faire passer le battu.

DRAPERIE, s. f. terme de Peinture. Dans l’art de la Peinture, dont le but est d’imiter tous les corps qui tombent sous le sens de la vûe, l’objet le plus noble & le plus intéressant est la représentation de l’homme. L’homme, par un sentiment qui naît ou de la nécessité ou de l’amour propre, a l’usage de couvrir différentes parties de son corps ; l’imitation des différens moyens qu’il employe pour cela, est ce qu’on désigne plus ordinairement par le mot draperie : mais comme les Peintres qui choisissent la figure humaine pour le terme de leurs imitations, sont divisés en plusieurs classes, l’art de draper me paroît susceptible d’une division par laquelle je vais commencer.

Peindre la figure est une façon générale de s’exprimer, qui s’applique à tous ceux qui s’exercent à peindre le corps humain. Les uns entreprennent d’imiter particulierement les traits du visage & l’habitude du corps, qui nous font distinguer les uns des autres, & cela s’appelle faire le portrait. Les autres s’attachent à imiter les actions des hommes, plûtôt que le détail exact de leurs traits différens ; mais ces actions sont de plusieurs genres : elles sont ou nobles ou communes, ou véritables & historiques, ou fabuleuses & chimériques, ce qui exige des différences dans la maniere de draper. Les draperies doivent donc en premier lieu être convenables au genre qu’on traite ; & cette loi de convenance qui, en contribuant à la perfection des beaux-arts, est destinée à retenir chaque genre dans des bornes raisonnables, ne peut être trop recommandée aujourd’hui à ceux qui les exercent. Il seroit à souhaiter que gravée dans l’esprit du peintre de portrait, elle le fût aussi dans l’esprit de ceux qui se font peindre : ces derniers choisissant un vêtement convenable à l’état qu’ils exercent, éviteroient des inconséquences & des contrastes bisarres & ridicules, tandis que le peintre assortissant les étoffes, les couleurs & l’habillement à l’âge, au tempérament & à la profession de ceux qu’il représente, ajoûteroit une plus grande perfection à ses ouvrages, par cet ensemble sur lequel il doit fonder leur succès.

Le second genre dont j’ai parlé, & qui s’exerce à représenter des actions communes, mais vraies, se sous-divise en une infinité de branches qu’il est inutile de parcourir. En général les peintres de cette classe doivent conformer leurs draperies aux modes regnantes, en donnant aux vêtemens qui sont à l’usage des acteurs qu’ils font agir, toute la grace dont ils sont susceptibles, & la vérité qui peut en indiquer les différentes parties.

Je passe à l’ordre le plus distingué : c’est celui des artistes qui représentent des actions nobles, vraies ou fabuleuses ; on les appelle peintres d’histoire. Cette loi de convenance que j’ai recommandée, les oblige à s’instruire dans la science du costume. Cette exactitude historique fera honneur à leurs lumieres, & rejaillira sur leur talent ; car sans entrer dans une trop longue digression, je dois dire à l’avantage des artistes qui se soûmettent à la sévérité du costume, que très-souvent la gêne qu’il leur prescrit, s’étend sur l’ordonnance de leur composition : le génie seul est capable de surmonter cette difficulté, en alliant l’exactitude de certains habillemens peu favorables aux figures, avec la grace qu’on est toûjours en droit d’exiger dans les objets imités.