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employoient contre ceux qu’ils avoient dessein de perdre. Ils évoquoient pour cet effet par des sacrifices abominables les ombres malheureuses de ceux qui venoient de faire une fin tragique, & prétendoient les obliger par des promesses encore plus affreuses à exécuter leur vengeance. On croyoit que les gens ainsi dévoüés ou ensorcelés périssoient malheureusement, les uns par des maladies de langueur, les autres par une mort subite ou violente. Mais il y a bien de l’apparence que les différentes qualités des poisons qu’ils employoient pour appuyer leurs charmes, étoient la véritable cause de ces événemens.

Nous sommes, comme on voit, graces aux historiens du premier ordre, exactement instruits de toutes les particularités qui concernent les dévouemens des Romains. L’exposition de ceux qui se pratiquent aux Indes, au Tonquin, en Arabie, & dans d’autres pays du monde, mériteroit d’avoir ici sa place, si l’on en avoit des relations fideles ; mais les rapports singuliers qu’en font les voyageurs sont trop suspects pour en charger cet ouvrage. Il est vrai que nous connoissons assez les effets de la superstition pour concevoir qu’il n’est point d’extravagances qu’elle ne puisse inspirer aux peuples qui vivent sous son empire ; mais il ne faut pas par cette raison transcrire des faits très-incertains, & peut-être des contes, pour des vérités authentiques.

Les lumieres du Christianisme ont fait cesser en Europe toutes sortes de dévouemens semblables à ceux qui ont eu cours chez les Payens, ou qui regnent encore chez les nations idolatres. La religion chrétienne n’admet, n’approuve que les dévouemens qui consistent dans une entiere consécration au culte qu’elle recommande, & au service du souverain maître du monde. Heureux encore si sur ce sujet on ne fût amais tombé dans des extrèmes qui ne sont pas selon l’esprit du Christianisme !

Enfin les dévouemens, si j’ose encore employer ce mot au figuré, ont pris tant de faveur dans la république des lettres, qu’il n’est point de parties, ni d’objets de science où l’on ne puisse citer des exemples, d’admirables, d’utiles, d’étranges, ou d’inutiles dévouemens. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DEVOYEMENT, s. m. Voyez Diarrhée, &c.

DEVOYER, v. act. (Hydr.) c’est détourner un tuyau de son aplomb perpendiculaire, soit d’une cheminée ou d’une chausse d’aisance. Dans les pompes foulantes, on est obligé de dévoyer le tuyau montant, à cause des tringles de la manivelle qui descendent en ligne droite. (K)

DEUTÉROCANONIQUE, adj. (Théol.) est le nom que l’on donne en Théologie à certains livres de l’Ecriture qui ont été mis plûtard que les autres dans les canons, soit parce qu’ils ont été écrits après que les autres y étoient déjà, soit parce qu’il y a eu quelques doutes au sujet de leur canonicité. Voyez Canon. Ce mot est grec, & composé de δεύτερος, second, & κανονικὸς, canonique.

Les Juifs reconnoissent dans leur canon des livres qui n’y ont été mis qu’après les autres. Ils disent que sous Esdras une grande assemblée de leurs docteurs, qu’ils appellent par excellence la grande synagogue, fit le recueil des livres saints que nous avons encore aujourd’hui dans l’ancien Testament hébreu. Ils conviennent qu’elle y mit des livres qui n’y étoient point avant la captivité de Babylone, comme ceux de Daniel, d’Ezéchiel, d’Aggée, & ceux d’Esdras & de Néhényias.

De même l’Eglise en a mis quelques-uns dans le canon, qui ne sont point dans celui des Juifs, & qui n’ont pû y être, puisque plusieurs n’ont été composés que depuis le canon fait du tems d’Esdras. Tels

sont ceux de la Sagesse, l’Ecclésiastique, les Macchabées, &c. D’autres n’y ont pas été mis si-tôt, parce que l’Eglise n’avoit point encore examiné leur canonicité ; ainsi jusqu’à son examen & son jugement on a pû en douter.

Mais depuis qu’elle a prononcé sur la canonicité de ces livres, il n’est pas plus permis d’en douter, qu’il sut permis aux Juifs de douter de ceux du canon d’Esdras ; & les deutérocanoniques ne sont pas moins canoniques que les proto-canoniques, puisque la seule différence qu’il y a entre les uns & les autres, c’est que la canonicité de ceux-là n’a pas été reconnue généralement, examinée & décidée par l’Eglise, aussi-tôt que celle des autres.

Les livres deutérocanoniques sont, les livres d’Esther, ou tout entiers, ou pour le moins les sept derniers chapitres ; l’épitre aux Hébreux ; celle de S. Jacques & de S. Jude ; la seconde de S. Pierre ; la seconde & la troisieme de S. Jean, avec son apocalypse. Les parties deutérocanoniques de livres sont dans Daniel, l’hymne des trois enfans, & l’oraison d’Azarie ; les histoires de Suzanne, de Bel, & du dragon ; le dernier chapitre de S. Marc ; la sueur de sang qu’eut Jesus-Christ, rapportée dans le chap. xxij. de S. Marc, & l’histoire de la femme adultere qu’on lit au commencement du vüj. chap. de l’évangile selon S. Jean. Dict. de Trév. & Chambers. (G)

DEUTÉRONOME, s. m. (Théol.) un des livres sacrés de l’ancien Testament, & le dernier de ceux qu’a écrit Moyse. Voyez Pentateuque.

Ce mot est grec, composé de δεύτερος, second, & de νόμος, regle ou loi, parce qu’en effet le deutéronome contient une repétition des lois comprises dans les premiers livres de Moyse, & c’est pour cette raison que les Rabbins le nomment quelquefois misna, c’est-à-dire répétition de la loi.

Il ne paroît pas que Moyse ait divisé en livres les ouvrages qu’il a écrits, ni qu’il ait donné des noms & des titres différens aux diverses parties qui les composent. Aujourd’hui même, les Juifs ne mettent point ces divisions aux livres répandus dans leurs synagogues ; ils les écrivent de suite comme on feroit un même ouvrage, sans les distinguer autrement que par grands ou petits parasches. Il est vrai que dans les autres copies dont se servent les particuliers, ils sont divisés en cinq parties, comme parmi nous, mais ils n’ont point d’autre nom que le premier mot par lequel commence chaque livre : on divisoit à-peu-près comme nous faisons en citant une loi ou un chapitre du droit canon. Ainsi ils appellent la genese beresith ou bereschith, parce qu’elle commence par ce mot. Par la même raison l’exode est appellé veellesemoth ; le lévitique, vaïcra ; les nombres, vaicdabber ; & le deuteronome, elle haddebarim. Cette coûtume est fort ancienne parmi les rabbins, comme il paroît par les anciens commentaires faits sur ces livres, & qui sont intitulés, Bereschith Rabba, veelle semoth Rabba ; & par l’ouvrage de S. Jerôme intitulé, Prologus galcatus, qu’on trouve à la tête de toutes les bibles. Ce furent les Septante qui donnerent aux cinq parties du pentateuque les noms de genese, d’exode, de lévitique, des nombres, & de deutéronome, qui sont grecs (excepté celui de lévitique qui est originairement hébreu) & qui expriment en général ce qu’il y a de plus remarquable contenu dans ces livres, suivant la forme des titres que les Grecs avoient coûtume de mettre à la tête de leurs ouvrages.

Le livre du deutéronome, comme nous l’avons insinué, fut ainsi nommé, parce qu’il renferme une récapitulation de la loi. Les Juifs le nomment encore le livre des reprimandes, à cause du xxviij chapitre qui contient les bénédictions promises à ceux qui