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les héritiers du mari doivent fournir à la femme des habits & équipages de deuil pour elle & ses domestiques, selon la condition & les facultés du défunt.

Ce que l’on donne à la femme pour son deuil, n’est point considéré comme un gain de survie, mais comme une indemnité & une créance pour laquelle elle a hypotheque du jour de son contrat de mariage : cette reprise est même privilégiée, étant réputée faire partie des frais funéraires, excepté au parlement de Bordeaux, où la femme n’a point de privilége à cet égard.

Pour ce qui est du mari, il n’est point obligé de porter le deuil de sa femme, suivant ce que dit Tacite en parlant des mœurs des Germains, dont les François tirent leur origine ; feminis lugere honestum est, viris meminisse : de sorte que si le mari porte le deuil de sa femme, comme cela se pratique ordinairement parmi nous, c’est par bienséance, & sans y être obligé. Il n’y a que dans le ressort du parlement de Dijon où le mari y est obligé ; aussi les héritiers de la femme lui doivent-ils fournir des habits de deuil.

Outre l’obligation dans laquelle sont les femmes, de porter le deuil de leurs maris, il y a encore une observation essentielle à faire à cet égard ; c’est que dans les pays de droit écrit la femme qui vit impudiquement pendant l’année du deuil, ou qui se remarie avant la fin de cette année, perd non-seulement son deuil, mais tous les avantages qu’elle pouvoit prétendre sur les biens de son mari, à quelque titre que ce soit : elle est privée de la succession de ses enfans & de ses parens au-delà du troisieme degré, incapable de toutes dispositions, & ne peut donner à son second mari plus du tiers de ses biens.

Il y avoit même autrefois peine d’infamie contre les femmes qui se remarioient avant la fin du deuil ; mais le droit canonique a levé cette tache.

A l’égard des autres peines, elles étoient autrefois observées dans tout le royaume, comme il paroît par différentes dispenses accordées à des femmes pour se remarier avant la fin de l’an du deuil ; il y en a au thresor des chartres du tems de Philippe-le-Long. M. Bretonnier en ses questions, rapporte même une semblable dispense accordée sous Louis XIV. mais il falloit que ce fût par rapport aux droits que la femme avoit à prendre dans quelques pays de droit écrit ; car présentement les peines des secondes noces contractées pendant l’an du deuil, n’ont plus lieu que dans quelques-uns des parlemens de droit écrit.

Suivant les arrêtés de M. de Lamoignon, la veuve qui se remarie dans l’année du deuil, devoit être privée de son doüaire ; mais ce projet de lois n’a point reçu le caractere d’autorité publique, que méritoit la sagesse de leurs dispositions.

Les personnes qui se remarient après l’an du deuil, sont seulement sujettes aux peines ordinaires des secondes noces. Voyez Secondes noces.

On a déjà vû ci-devant que l’année du deuil pour les femmes, qui n’étoit anciennement que de dix mois, fut mise sous les empereurs à douze mois, comme l’année civile.

En France l’ordonnance du 23 Juin 1716 a réduit à moitié le tems des deuils de cour & de famille ; & depuis, par une autre ordonnance du 8 Octobre 1730, ils ont encore été réduits à moitié du tems réglé par l’ordonnance de 1716 ; ensorte que les plus longs deuils ne doivent durer que trois mois, excepté les deuils de mari & femme, pere, mere, ayeuls & ayeules, & autres dont on est héritier ou légataire, pour lesquels seuls on peut drapper, & qui demeurent fixes, suivant l’ordonnance de 1716.

Les commensaux de la maison du Roi, de la Reine, des enfans de France, & des princes du sang

qui ont une maison couchée sur l’état du Roi, ont droit de manteaux ou habits de deuil lors du décès des Rois & Reines. Les officiers de la chambre des comptes & ceux de la cour des monnoies ont pareillement droit de deuil, comme étant réputés commensaux de la maison du Roi. Voyez les lois 1. 8. & 9. ff. de his qui not. infam. & la loi 15. au code ex quibus causis infam. irrog. l. 1. cod. de secund. nupt. Loisel, instit. coût. liv. I. tit. ij. regl. 29. & 33. le traité des peines des secondes nôces, de Dupin ; le traité des gains nupt. ch. 11. (A)

DEVIRER, (Marine.) Le cable devire de dessus le cabestan, c’est quand le cable recule par quelqu’accident, au lieu d’avancer. (Z)

DEVIS, s. m. en Architecture, est un mémoire général des quantités, qualités & façons d’un bâtiment, fait sur des desseins cottés & expliqués en détail, avec des prix à la fin de chaque article & espece d’ouvrage par toise ou par tâche, sur lequel un entrepreneur marchande avec le propriétaire, & convient d’exécuter l’ouvrage moyennant une certaine somme ; c’est pourquoi lorsque cet ouvrage est fait, on l’examine pour voir s’il est conforme au devis, avant que de satisfaire au parfait payement. (P)

Devis, (Marine.) c’est le détail que donne un charpentier de toutes les parties du vaisseau qu’il entreprend de construire, dont il regle les proportions, & auquel il s’engage de se conformer dans l’exécution ; & ce moyennant un certain prix dont l’adjudication se fait au rabais.

Chaque vaisseau, suivant sa force & sa grosseur, exige un devis différent ; il suffit d’en donner un pour faire connoître le détail dans lequel on est obligé d’entrer en pareil cas. C’est le devis d’un vaisseau du Roi de cinquante canons construit depuis quelques années dans un de nos ports.

Devis & proportions du vaisseau du Roi le Jason de cinquante pieces de canon.
Piés. Pouces.
Longueur de l’étrave à l’étambot de rablure en rablure, 124
Elancement de l’étrave, 14
Quête de l’étambot, 4
Longueur de la quille, 107 6
Largeur de dehors en-dehors des membres, 33
Creux à prendre sur la quille à droite ligne du maître ban, 15 6
Longueur de la lisse d’hourdi, 22
Hauteur d’entre deux ponts du dessus du bordage à l’autre, 6 3
Hauteur du gaillard, 6

Il sera percé au premier pont onze sabords de chaque côté.

Sur le second pont douzes sabord de chaque côté.

Sur le gaillard d’arriere deux sabords de chaque côté.

Dans la voûte un sabord de chaque côté.

Dans la grande chambre un sabord de chaque côté.

Faire toutes les fenêtres des chambres nécessaires, deux écubiers de chaque côté.

Echantillon des bois. Sera fait quatre pieces de quilles plus ou moins, selon que lesdites pieces se trouveront être longues de seize pouces de largeur sur quatorze pouce d’épaisseur, avec des écarts doubles de sept à huit piés de longueur.

Un ringeau de même échantillon & les mêmes écarts, deux pieces d’étrave bien esquervées & faites à la façon ordinaire.

Un étambot avec deux tenons, la rablure & les reprises ordinaires.

Une lisse d’hourdi de quatorze à seize pouces endenté dans l’étambot.