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nique. Dupineau tâche de la justifier, en disant que dans cette coûtume le seigneur de fief succede par droit de consolidation & de redintégration.

Mais malgré les raisons de cet auteur & celles de Dargentré, qui ne conviennent que dans leurs coûtumes ; malgré tout ce que l’on peut alléguer pour les seigneurs de fief en général, il est certain que suivant le droit commun, le droit de deshérence appartient aux seigneurs hauts-justiciers, auxquels ce droit a été attribué comme un droit de justice & de fisc, & en récompense des charges de la haute justice, aussi-bien que le droit de confiscation.

On dit que c’est un droit de haute justice, car les seigneurs moyens & bas-justiciers ne l’ont pas.

Au surplus, le droit de deshérence attribué au seigneur haut-justicier, ne préjudicie pas au seigneur féodal dans la directe duquel se trouvent les biens ; car le seigneur haut-justicier est tenu de le reconnoître, & de lui payer un droit de relief pour les fiefs, comme feroit un autre détenteur.

Mais si le seigneur haut-justicier est en même tems seigneur direct des héritages qui lui échéent par deshérence, il ne doit pour cela aucun relief au seigneur supérieur ; parce que la réunion de la seigneurie utile à la directe ne produit point de droits, ainsi que l’établissent les commentateurs sur l’article 51. de la coûtume de Paris.

Si les biens échûs au Roi par deshérence étoient dans la directe d’un autre seigneur, il faudroit ou que le Roi vuidât ses mains de ces biens, ou qu’il indemnisât le seigneur de la directe, n’étant pas séant que le Roi releve d’un de ses sujets, conformément à l’ordonnance de Philippe-le-Bel.

La succession vacante des évêques & autres bénéficiers, soit titulaires ou commendataires, & autres ecclésiastiques séculiers, appartient au Roi ou aux seigneurs hauts-justiciers, à l’exclusion de l’évêque, de l’église, ou monastere.

Quand le défunt laisse des biens en différentes justices royales & seigneuriales, le Roi & les seigneurs hauts justiciers prennent chacun par deshérence les biens qui sont dans leur haute justice.

Les meubles & effets mobiliers ne suivent même point en ce cas la personne ni le domicile ; de sorte que s’ils sont dans une autre justice que celle du domicile, ou s’il s’en trouve dans différentes justices, le Roi & les autres seigneurs hauts justiciers prennent chacun les meubles qui sont dans leur justice : à quoi est conforme le 346 article de la coûtume de Rheims, & le 4 article du titre des droits de haute justice, qui fut proposé lors de la réformation de la coûtume de Paris.

Dans quelques coûtumes où les parens d’une ligne ne succedent pas au défaut de l’autre, il n’est pas permis de disposer de ses propres au préjudice du seigneur, au-delà de la quotité ordinaire fixée par la coûtume. On rapporte encore l’origine de cette prohibition, à la loi de la concession des héritages ; & c’est sur ce principe que par arrêt du parlement de Flandre, du 17 Décembre 1717, une disposition testamentaire fut réduite au tiers des propres, conformément au texte de la coûtume de Bergue-saint-Winocq.

Mais suivant le droit commun, le fisc ne peut faire réduire les dispositions des propres quand elles en comprendroient la totalité ; ainsi que l’observent Choppin, de dom. lib. I. tit. viij. n. 19. Renusson, tr. des propr. ch. iij. sect. 6. & quelques autres auteurs.

Les dettes de celui dont les biens sont recueillis par deshérence, se payent par le Roi & les autres seigneurs, chacun pro modo emolumenti ; & ils n’en sont tenus que jusqu’à concurrence de ce qu’ils amendent, pourvû qu’ils ayent eu la précaution de faire inventaire.

Mais comme les créanciers peuvent ne pas savoir précisément la part dont amende chaque seigneur, & que pour le savoir il faudroit faire une ventilation, ce qui seroit sujet à de grands inconvéniens, on tient que chaque créancier, soit chirographaire ou hypothécaire, peut agir solidairement contre chaque seigneur, sauf le recours de celui-ci contre les autres ; & la raison qui autorise cette action solidaire, est qu’en ce cas les dettes sont proprement une charge fonciere universelle qui s’étend sur tout le bien, & par conséquent est de sa nature solidaire & individuelle, quand même le créancier n’auroit point d’hypotheque expresse. Voyez le traité du droit de deshérence, par Bacquet ; Loyseau, des seigneuries, ch. xij. n. 83. & suiv. Le Bret, tr. de la souveraineté, liv. III. ch. xij. Despeisses, tom. III. pag. 133. Lapeirere, Bouchel, & Lauriere, au mot deshérence ; l’ancienne coûtume de Reims, tit. des succ. art. 9. La coûtume d’Anjou, art. 268. Paris, art. 330. Dufail, liv. I. ch. clij. & liv. II. ch. cxlviij. D’Argentré, sur l’art. 44 de Bret. gloss. 1. n. 8. Chopin, sur Paris, l. I. tit. j. n. 4. Brodeau sur Louet, lett. R. som. 31. (A)

DESHERITANCE, s. f. ou DESHÉRITEMENT, (Jurispr.) signifie dessaisine ou dépossession d’un héritage. Ce terme est opposé à celui d’adhéritance ou adhéritement, qui signifie saisine, possession. Adhériter, c’est mettre en possession. Ce terme est usité dans les coûtumes de Hainaut, chap. lxxij. lxxjv. lxxvij. lxxx. lxxxij. Mons, chap. v. & xxjv. Cambrai, tit. j. art. 2. 3. 37. & ailleurs. Valenciennes, art. 54. 56. 65. 79. 73. Namur, art. 7. Les actes d’adhéritance & de deshéritance se font par le ministere des seigneurs, ou par les officiers de la bassejustice. Ils ont lieu en cas de vente & achat d’héritages ou de charge sur les biens. Voyez le gloss. de M. de Lauriere, au mot adhéritance. (A)

DESHERITER, v. act. (Jurisprud.) c’est priver quelqu’un d’une succession à laquelle il étoit appellé par la loi. Voyez Exhérédation. (A)

DESHONNÊTE, MALHONNÊTE, (Gramm.) Il ne faut pas confondre ces deux mots : le premier est contre la pureté : le second est contre la civilité, & quelquefois contre la droiture. Par exemple, un jeune homme malhonnête, signifie un jeune homme qui peche contre l’usage du monde ; & un malhonnête homme désigne un homme qui manque à la probité : de même, des actions, des manieres malhonnêtes, sont des actions, des manieres qui choquent la bienséance ou la probité naturelle. Des pensées, des paroles deshonnêtes, sont des pensées, des paroles qui blessent la chasteté & la pudeur.

Les Cyniques prétendent qu’il n’y a point de mots deshonnêtes : car, selon eux, ou l’infamie vient des choses, ou elle est dans les paroles ; elle ne vient pas des choses, disent-ils, puisqu’il est permis de les exprimer en d’autres termes qui ne passent point pour deshonnêtes ; elle n’est pas aussi dans les paroles, ajoûtent-ils, puisqu’un même mot qui signifie diverses choses, est estimé deshonnête dans une signification, & ne l’est point dans un autre.

Il est vrai cependant qu’une même chose peut être exprimée honnêtement par un mot, & deshonnêtement par un autre : honnêtement, si l’on y joint quelqu’autre idée qui en couvre l’infamie : & malhonnêtement, si au contraire le mot la présente à l’esprit d’une maniere obscene ; c’est pourquoi l’on doit sans contredit se servir de certains termes plûtôt que d’autres, quoiqu’ils marquent au fond la même chose. Le digne & estimable auteur de l’art de penser a mis cette vérité dans un si beau jour (prem. part. ch. xjv), qu’on me saura gré de transcrire ici ses réflexions. Les mots d’adultere, d’inceste, dit-il, ne sont pas infames, quoiqu’ils représentent des actions très-infames, parce qu’ils ne les représen-