Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/872

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contemnere, est ne faire aucun cas d’une chose : dépriser, depretiare, dans la basse latinité, & dans Cicéron deprimere, c’est ôter du prix, du mérite, de la valeur d’une chose : mépriser dit donc infiniment plus que dépriser. Un acheteur peut dépriser une bonne marchandise que le vendeur prise trop haut. On peut dépriser les choses au-delà de l’équité, mais on méprise les vices bas & honteux. On déprise souvent les choses les plus estimables, mais on ne sauroit les mépriser. Tout le monde méprise la sordide avarice, & quelques gens seulement déprisent les avantages de la science ; le premier sentiment est fondé dans la nature, l’autre est une folle vengeance de l’ignorance. En vain une parodie tenteroit de jetter du ridicule sur une belle scene de Corneille ; tous ses traits ne sauroient la dépriser. En vain s’attache-t-on quelquefois à dépriser certaines personnes, pour faire croire qu’on les méprise ; cette affectation est au contraire le langage de la jalousie, un chagrin de ne pouvoir mépriser ceux contre lesquels on déclame avec hauteur. La grandeur d’ame méprise la vengeance ; l’envie s’efforce à dépriser les belles actions ; l’émulation les prise, les admire, & tâche de les imiter.

Notre langue dit estimer & estime, mépriser & mépris ; mais elle ne dit que dépriser, & n’a point adopté dépris. Cependant ce substantif nous manque dans quelques occasions où il seroit nécessaire, pour désigner le sentiment qui tient le milieu entre l’estime & le mépris, & pour exprimer comme fait le verbe cette différence. Par exemple, le dépris des richesses, des honneurs, &c. seroit un terme plus juste, plus exact, que celui de mépris des richesses, des honneurs, &c. que nous employons, parce que le mot de mépris ne doit tomber que sur des choses basses, honteuses, & que ni les richesses ni les honneurs ne sont point dans ce cas, quoiqu’on puisse les trop estimer & les priser au-delà de leur valeur. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DÉPURATION, s. f. (Pharm.) ce terme qui est proprement synonyme de purification, de clarification, est cependant particulierement consacré pour les sucs exprimés des plantes & des fruits.

La dépuration se fait pour séparer du suc exprimé, ou la partie colorante verte de la plante, ou une partie du parenchime du fruit, qui s’y sont mêlées & qui le troublent.

La dépuration ordinaire des sucs des fruits, comme coings, oranges, citrons, groseilles, &c. se fait par défécation. Voyez Défécation.

Quant au suc des plantes, la dépuration s’en fait par divers moyens. Les sucs des plantes purement extractives, par exemple, c’est-à-dire de celles qui no contiennent aucun principe volatil, se dépurent en leur faisant prendre un bouillon, qui sur le champ amene sur la liqueur les parties hétérogenes ou non dissoutes qui la troubloient ; & il n’est plus question alors que de les en séparer, en versant le tout sur une étamine (voyez Étamine). Si au contraire les plantes étoient aromatiques ou alkalines, il faudroit avoir recours à la défécation (voy. Défécation), ou bien à la filtration (voyez Filtration). Voyez aussi Suc de plantes.

DÉPUTATION, s. f. (Hist. mod.) est l’envoi de quelques personnes choisies d’une compagnie ou d’un corps, vers un prince ou à une assemblée, pour traiter en leur nom ou poursuivre quelqu’affaire. Voyez Député.

Les députations sont plus ou moins solennelles, suivant la qualité des personnes à qui on les fait, & les affaires qui en font l’objet.

Députation ne peut point être proprement appliqué à une seule personne envoyée auprès d’une autre pour exécuter quelque commission, mais seulement lorsqu’il s’agit d’un corps. Le parlement en An-

gleterre députe un orateur & six membres pour présenter

sés adresses au roi. Le chapitre députe deux chanoines pour solliciter ses affaires au conseil.

En France l’assemblée du clergé nomme des députés pour complimenter le Roi. Le parlement fait aussi par députés ses remontrances au souverain ; & les pays d’états, Languedoc, Bourgogne, Artois, Flandres, Bretagne, &c. font une députation vers le Roi à la fin de chaque assemblée. Chambers. (G)

Députation, (Histoire mod.) sorte d’assemblée des états de l’empire, différente des dietes. C’est un congrès où les députés ou commissaires des princes & états de l’empire discutent, reglent & concluent les choses qui leur ont été renvoyées par une diete ; ce qui se fait aussi quand l’électeur de Mayence, au nom de l’empereur, convoque les députés de l’empire, à la priere des directeurs d’un ou de plusieurs cercles, pour donner ordre à des affaires, ou pour assoupir des contestations auxquelles ils ne sont pas eux-mêmes en état de remédier.

Cette députation ou forme de regler les affaires, fut instituée par les états à la diete d’Augsbourg en 1555. On y nomma alors pour commissaires perpétuels celui que l’empereur y envoyeroit, les députés de chaque électeur, excepté celui du roi de Boheme, parce qu’il ne prenoit part aux affaires de l’empire, qu’en ce qui concernoit l’élection d’un empereur ou d’un roi des Romains ; mais les choses ont changé à cet égard depuis l’empereur Joseph. On y admet aussi ceux de divers princes, prélats & villes impériales. Chaque député donne son avis à part, soit qu’il soit de la chambre des électeurs, ou de celle des princes. Que si les suffrages de l’une & de l’autre chambre s’accordent avec celui du commissaire de l’empereur, alors on conclud, & l’on forme un résultat qui se nomme constitution, comme on fait dans les dietes ; mais une seule chambre qui s’accorde avec le commissaire de l’empereur, ne peut pas faire une conclusion, si l’autre est d’un avis contraire. Heiss. hist. de l’Empire, tome III. (G)

* DÉPUTÉ, AMBASSADEUR, ENVOYÉ. L’ambassadeur & l’envoyé parlent au nom d’un souverain, dont l’ambassadeur représente la personne, & dont l’envoyé n’explique que les sentimens. Le député n’est que l’interprete & le représentant d’un corps particulier, ou d’une société subalterne. Le titre d’ambassadeur se présente à notre esprit avec l’idée de magnificence ; celui d’envoyé, avec l’idée d’habileté ; & celui de député, avec l’idée d’élection. On dit le député d’un chapitre, l’envoyé d’une république, l’ambassadeur d’un souverain.

Député, adj. pris subst. (Hist. mod.) est une ou plusieurs personnes envoyées ou députées au nom & en faveur d’une communauté. Voyez Député.

Plusieurs provinces de France envoyent tous les ans des députés au Roi, pour lui présenter le cahier des états. Ces députés sont toûjours au nombre de trois ; un pour le clergé, l’autre pour la noblesse, & le dernier pour le peuple ou le tiers-état. Le député du clergé porte toûjours la parole.

Dans toutes les villes de Turquie il y a toûjours des députés, pour traiter ainsi avec les officiers du grand-seigneur, des impôts & de toutes leurs autres affaires. Ces députés sont trois ou quatre des plus riches & des plus considérables d’entre les bourgeois.

Nous avons de même en France des députés du Commerce, qui sont des négocians extrèmement versés dans cette matiere, résidans à Paris, de la part des principales villes maritimes & commerçantes du royaume, telles que Nantes, Bordeaux, Lyon, avec des appointemens de la part de ces villes, pour veiller aux intérêts & poursuivre les affaires de ces négocians au conseil du Commerce.