Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/858

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas l’or à l’antimoine pour le porter au plus haut titre, on regle le départ de façon que ce métal en sorte au titre des ducats ; ainsi le marc contient souvent jusqu’à 23 karats 10 grains de fin.

Le bon ordre, l’œconomie, & la plus grande perfection de cette opération, consistent 1°. en ce qu’on exécute toutes les manœuvres particulieres avec toute l’exactitude possible : par exemple, qu’on réduit l’argent en grenailles très-menues & transversalement creuses (voyez Grenailles.) 2°. Qu’on prend toutes les précautions nécessaires contre les inconvéniens de la fracture des vaisseaux & de la perte de l’eau-forte, en luttant exactement les cucurbites dans lesquelles on fait les dissolutions, & en y adaptant un chapiteau avec son récipient, dans lequel on a mis suffisante quantité d’eau de fontaine, afin de ne pas perdre les vapeurs acides qui s’échappent de la dissolution. 3°. En appliquant successivement des eaux-fortes diversement concentrées ; de façon qu’après avoir décanté l’eau-forte saoulée d’argent, on verse une meilleure eau-forte sur la matiere non dissoute, jusqu’à ce qu’on en vienne au dissolvant le plus actif, appellé eau-forte double, qui, lorsqu’il a agi un quart-d’heure sur cette matiere, l’a dépouillée assez exactement de l’argent, pour que la chaux d’or soit restée au titre ci-dessus énoncé. On verra dans la suite de cet article, ce que c’est que cette eau-forte double.

Comme on ne passe point cet or à l’antimoine, ainsi qu’il a été observé, après l’avoir bien lavé ou édulcoré, séché, & rougi au feu dans un creuset, on le fond dans un nouveau creuset avec le flux noir.

Schlutter a donné une méthode de procéder au départ par la voie humide, qui differe de la méthode ordinaire, en ce que cet artiste se servoit de vaisseaux de verre à fond plat & large, dont les parois se rapprochoient en s’élevant ; ensorte que leur ouverture étoit comme celle d’une bouteille, & qu’il chauffoit ces vaisseaux au bain-marie, dans un chauderon de cuivre, sur une petite croix de bois. pour empêcher que le verre ne touchât le fond du chauderon. Ici finit l’extrait de Schlutter.

Nous avons exposé jusqu’à-présent la maniere d’appliquer l’eau-forte à l’argent aurifere ou tenant or ; d’en séparer la chaux d’or ; de laver cette chaux, & de la fondre. Il nous reste à retirer l’argent de départ, c’est-à-dire à séparer ce métal du menstrue auquel il est uni. On procede à cette séparation par deux moyens, savoir la précipitation & la distillation.

Pour retirer l’argent de départ par le premier moyen, on se sert du cuivre, qui a plus d’affinité avec l’eau-forte que l’argent, & qu’on sait par expérience être le précipitant qu’on peut employer dans ce cas avec le plus d’avantage. Voy. Précipitant.

Cette maniere de retirer l’argent de l’eau-forte, est la plus sûre & la plus courte, quoique peut-être la plus chere, parce qu’on perd communément toute l’eau-forte par cette méthode. La précipitation de l’argent se fait ou à chaud dans des bassines de cuivre, ou à froid dans des vaisseaux de verre ou de grais, avec des lames de cuivre.

Ce qui suit est tiré de l’ouvrage de Schlutter, déjà cité.

La précipitation à chaud est la plus expéditive, elle rend beaucoup d’argent en un jour ; car avec un chauderon ou bassine contenant la dissolution de vingt marcs, on peut faire trois précipitations par jour, & par conséquent précipiter soixante marcs en vingt-quatre heures. Les chauderons qui sont les plus forts en cuivre, & en même tems les moins profonds, sont les meilleurs ; ils doivent être de bon cuivre rouge, & battus d’une égale épaisseur, afin

qu’il ne s’y fasse point de crevasses, autrement on ne s’en serviroit pas long-tems : je n’en ai jamais vu de plus grand que pour la précipitation de vingt marcs. Un chauderon de cette sorte a deux piés & demi de diametre en haut ; sa profondeur au milieu est d’un pié, & il pese cinquante-cinq à soixante livres : on peut y mettre environ quarante-cinq pintes de liqueur : on y verse l’eau-forte chargée d’argent, de deux cucurbites, ou de deux vaisseaux imaginés par Schlutter, dont nous avons parlé.

Enfin lorsqu’on s’en sert, il faut qu’il y ait à-peu-près six à sept fois autant d’eau douce que d’eau-forte saoulée d’argent. On place ce chauderon ou bassine avec son trépié, sur un foyer muré de briques ; on y fait du feu, pour faire bouillir l’eau & la dissolution. Aussi-tôt qu’elle a commencé à bouillir, l’argent se dépose sur le cuivre, puis s’en détache par floccons qui surnagent d’abord ; mais lorsque l’argent tombe au fond, & que l’eau, qui est de couleur verte, s’éclaircit & devient limpide, c’est une marque que la précipitation est presque finie. Pour être assûré qu’il ne reste plus d’argent à précipiter, on jette quelques grains de sel dans l’eau du chauderon ; si elle blanchit, & que ces grains de sel, en se dissolvant, fassent des filets blancs, c’est une marque que tout l’argent n’est pas précipité : ainsi il faut encore faire bouillir l’eau jusqu’à ce qu’elle ne donne plus la moindre teinte de blanc, avec le sel, dont les grains doivent tomber au fond sans changer la couleur de l’eau. Ensuite on y jette par surcroit une ou deux petites poignées de sel, & on ôte le chauderon de dessus le feu.

Il faut autant de tems pour la précipitation d’une quantité quelconque d’argent, qu’il en a fallu pour le dissoudre : ainsi aussi tôt que la précipitation de la premiere mise est finie, on peut verser dans la bassine de cuivre la dissolution d’une autre quantité d’argent qui vient d’être achevée. On y ajoûte en même tems l’eau chaude du bain-marie, où l’on avoit mis le vaisseau contenant cette dissolution ; observant seulement que la bassine servant à précipiter ne soit pas trop remplie, afin qu’il y ait de la place pour la dissolution, ou eau-forte chargée d’argent. Si l’on se sert souvent d’un vaisseau de cuivre pour précipiter l’argent, il faut le visiter, pour voir s’il ne s’affoiblit point trop dans quelques endroits, & s’il ne laisse pas transpirer de la liqueur ; ce qui ne peut pas manquer d’arriver tôt ou tard, puisqu’il y a érosion de cuivre à chaque précipitation : ainsi pour prévenir les accidens, il faut toûjours avoir une autre bassine toute prête, dans laquelle on puisse recevoir ce qui fuit par quelque trou de la premiere. On s’en apperçoit avant qu’elle soit percée tout-à-fait, par de petites gouttes d’eau qui se forment ordinairement au dehors de la bassine : alors il est tems d’empêcher qu’une partie de la précipitation ne se perde dans les cendres.

Quand le chauderon est retiré du feu, & que la chaux d’argent s’est totalement déposée, l’eau s’éclaircit, & l’on voit le fond de ce vaisseau ; alors il faut verser l’eau par inclinaison, & prendre garde qu’elle n’emporte de l’argent avec elle ; ce qui cependant arrive rarement, parce que cette chaux est assez pesante. Si l’on veut continuer de précipiter, il faut ôter cette chaux, & la mettre dans une autre bassine de cuivre, où l’on verse de l’eau claire par-dessus. On remet, comme auparavant, de l’eau douce dans le chauderon à précipiter ; on y ajoûte l’eau-forte chargée d’argent avec l’eau chaude du bain-marie, & l’on procede comme on vient de l’enseigner.

On peut mettre la chaux d’argent de quatre précipitations dans la même bassine, pour l’édulcorer toute à la fois.

A l’égard de la précipitation à froid, elle ne coûte