Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/857

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’eau-forte ne paroisse plus travailler, la dissolution de cette partie d’argent est achevée ; mais pour en être plus certain, on ôte la cucurbite de dessus le sable. Si l’on remarque encore dans la liqueur des filets de globules partant du fond, & si cette liqueur n’est pas parfaitement limpide, c’est une marque que l’eau-forte travaille encore sur un reste d’argent ; par conséquent il faut remettre le vaisseau sur le sable chaud. Si cependant ces filets de petits globules d’air sont accompagnés de grosses bulles d’air, & que la dissolution soit claire, l’eau-forte a suffisamment dissous, & l’on ne doit pas s’embarrasser que cette liqueur, qui est saturée d’argent, soit de couleur verte. Mais si, malgré la proportion employée d’une livre d’eau-forte par marc d’argent, il restoit encore quelques grenailles non dissoutes, il faudroit décanter cette eau-forte & en remettre de la nouvelle ; car souvent la livre d’eau-forte ne suffit pas, quand l’argent contient fort peu d’or.

Lorsqu’on a dessein de précipiter l’argent de cette dissolution dans une bassine de cuivre, on peut verser cette eau-forte saoulée d’argent & toute chaude, dans cette bassine, où l’on aura mis auparavant de l’eau de riviere bien pure. On pose ensuite la cucurbite contenant la chaux d’or, sur un rond ou valet de paille un peu chauffé ; mais si l’on veut précipiter l’argent dans des vaisseaux de verre ou de grais, par le moyen de lames de cuivre ; ou si l’on veut faire la reprise de l’argent par la distillation de l’eau-forte, on peut la verser par inclination dans d’autres vaisseaux, & la garder jusqu’à ce qu’on la distille. Il faut observer que si c’est dans des vaisseaux de verre qu’on décante cette dissolution, on ne peut le faire que lorsqu’elle est froide ; car quand même on les chaufferoit auparavant, il y auroit toûjours risque de les rompre.

Quand tout est refroidi, & que l’eau forte saoulée d’argent est décantée, on remet de nouveau six marcs d’argent en grenaille, & recuit dans les mêmes cucurbites, avec six livres d’eau-forte ; on les replace sur les bains de sable ; on rallume le feu dans le fourneau, & l’on procede comme on a dit ci-dessus. Si l’on se sert de la bassine de cuivre dont on parlera dans un moment, on avance beaucoup les opérations, parce qu’on y verse les dissolutions d’argent à mesure qu’elles finissent. Les cucurbites sont bien plûtôt froides quand il n’y reste que la chaux, d’or, que lorsqu’on y laisse l’eau forte chargée d’argent ; & aussi-tôt qu’on a décanté ces dissolutions, on y remet de l’argent en grenaille & de nouvelle eau-forte : on ôte le sable chaud des capsules pour y en mettre de froid, & l’on replace les cucurbites sur ce sable, qui est bientôt échauffé par la capsule de fer & par le feu qui est dessous ; par ce moyen les opérations se suivent presque sans interruption.

Après que tout l’argent qu’on avoit mis en grenaille est dissous, & qu’il y a tant de chaux d’or accumulée dans les cucurbites, qu’il faut cesser, on sonde avec la baguette de bois blanc ; & si l’on y sent encore quelque grenaille, on remet de l’eau-forte par-dessus, ce qu’il faut répeter non-seulement jusqu’à ce qu’on ne sente plus de grenaille, mais même jusqu’à ce que regardant avec une bougie la surface de la liqueur, on n’y apperçoive plus le moindre petillement, ni la plus petite bulle d’air.

Lorsque la derniere eau-forte ne travaille plus, on la décante comme la précedente, & l’on édulcore la chaux d’or. Pour aller plus vîte, il faut avoir de l’eau de fontaine chaussée au même degré de chaleur que la cucurbite, & la verser sur cette chaux aussi-tôt qu’on a vuidé l’eau-forte, Si l’on a fait le départ dans plusieurs cucurbites à la fois, & que cependant il n’y ait pas beaucoup d’or dans chacune,

on peut réunir toutes ces petites parties de chaux dans une seule cucurbite, afin que l’édulcoration ne soit pas si embarrassante. Il faut verser de l’eau chaude nouvelle jusqu’à trois fois au moins sur cette chaux, agitant le vaisseau à chaque fois, & laissant bien déposer l’or au fond, avant que de décanter l’eau à chaque fois qu’on la change. A la quatrieme ou cinquieme lotion, on pose la cucurbite avec l’eau dans le sable chaud, & on la fait bien chauffer, pour mieux enlever l’acidité de la chaux d’or. Cette derniere eau ayant été versée par inclinaison, on remplit la cucurbite d’eau tiede, pour faire sortir la chaux & rincer le vaisseau : on met cette chaux d’or dans un vaisseau de verre, ou dans une jatte de fayence ou de porcelaine.

Comme l’eau des lotions de la chaux d’or contient beaucoup d’argent, il n’en faut rien perdre ; & si l’on a dessein de retirer l’eau-forte de dessus l’argent par distillation, il ne conviendroit pas d’y mêler cette eau des lotions, parce que ce seroit en augmenter inutilement le volume : mais il faut la verser dans un chauderon ou bassine de cuivre rouge, ou dans un autre vaisseau où l’on aura mis des lames de cuivre.

Après avoir bien égoutté la chaux d’or rassemblée au fond de la jatte de fayence, on la verse dans un creuset de Hesse, ayant soin de n’en rien perdre : on le couvre d’un couvercle de terre : on construit sur le foyer un fourneau avec des briques, sans terre & sans grille ; on place le creuset au milieu sur un morceau de brique, & on l’entoure de charbon qu’on allume par-dessus, afin que le feu descende peu-à-peu, & fasse évaporer l’humidité de la chaux d’or à un feu très-doux ; car un feu violent & subit pourroit en faire sauter quelques parties en l’air. Aussitôt que l’or est séché, on le fait rougir autant qu’il est nécessaire pour lui faire reprendre sa couleur naturelle. La raison pourquoi on ne met pas le creuset au fourneau à vent, c’est que le feu y descend trop vîte & devient trop violent, ce qui pourroit faire fondre l’or ; & comme outre cela les creusets mouillés se fendent aisément lorsqu’on les expose à un feu trop subit, on courroit le risque de perdre l’or.

La chaux d’or ayant rougi, si l’on ne veut pas que ce métal soit à un plus haut titre que celui où il est sorti du départ, on le met dans un creuset de Hesse, & on le place devant la tuyere du soufflet, ou au fourneau à vent : on jette autour du charbon non allumé, & par-dessus des charbons ardens. Aussi-tôt que le feu a descendu, on souffle, si l’opération se fait devant le soufflet ; mais il est mieux de faire cette fonte au fourneau à vent, sur-tout quand il y a beaucoup d’or. Après que le feu a fait rougir l’or, on jette dessus un peu de borax, pour aider la fusion : dès qu’il est bien en fonte, & qu’il affine ou circule, il est suffisamment fondu. Alors on sort le creuset, & l’on verse l’or dans une lingotiere, ou bien on le laisse figer dans le creuset, quand il y a beaucoup d’or, & l’on casse ensuite ce creuset, pour l’avoir en culot. Soit qu’on veuille avoir un lingot ou un culot, on chauffe assez fort la lingotiere, ou le cone, si l’on en fait usage, pour qu’on puisse à peine les tenir avec la main ; car il ne faut jamais verser de l’or, de l’argent, ou d’autres métaux en fusion, dans des vaisseaux froids, autrement on risque de les faire pétiller & sauter.

Ce qui suit est un extrait très-abrégé des ch. xlij. & xliij. de l’ouvrage de Schlutter déjà cité.

Le départ se fait en Hongrie par la voie humide. Comme les départs sont considérables en ces pays-là, on y a établi un très-bon ordre. Entr’autres laboratoires de Hongrie & de Transilvanie destinés pour les départs des matieres d’or & d’argent, il y en a un très-beau à Schemnitz. Comme on n’y passe