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composé l’entablement : car on doit savoir en général, que la plûpart des ornemens dont on décore les cimaises des corniches ne servent qu’à corrompre les formes des moulures, à les subdiviser, & au bout d’un certain tems à les noircir par leur cavité & le mouvement réitéré que leur donnent ces ornemens, principalement lorsque ces moulures se trouvent employées dans les dehors, tels qu’on les remarque au palais des Thuileries, dans la cour du Louvre, à la fontaine des SS. Innocens, &c. considération qui devroit faire reserver cette prodigalité pour l’intérieur des églises, le dedans des galeries, les péristyles, les escaliers, & les vestibules, ainsi qu’on l’a pratiqué avec succès aux Invalides, aux châteaux de Versailles, de Maisons, de Meudon, &c. Ces lieux moins spacieux, fermés de toutes parts, & plus près de l’œil du spectateur, autorisent en quelque sorte cette multiplicité de richesses, dont néanmoins il faut user avec beaucoup de prudence. (P)

Denticules, s. m. pl. (Lutherie.) ce sont les parties saillantes K (fig. 2. pl. d’orgue) que les entailles HF laissent entr’elles. Les denticules doivent suivre le diapason, aussi-bien que les entrailles. Voyez Sommier.

DENTIFRICE, s. m. terme de matiere médicale externe, médicament qui sert à nettoyer & à blanchir les dents. La base des dentifrices sont des remedes détersifs & dessiccatifs : comme le corail, la corne de cerf, l’os de seche, l’alun, la pierre de ponce, toutes les coquilles pulvérisées lorsqu’elles ont été calcinées au soleil ou au feu. Elles contractent assez souvent une odeur desagréable par cette calcination artificielle ; c’est pourquoi on ne les prépare pas ordinairement par cette opération, ou bien on y ajoûte quelques médicamens aromatiques, comme la poudre de canelle, de cloux de gérofles, de noix muscade, & autres. On se sert de ces poudres avec une petite éponge fine moüillée & exprimée avant de la mettre dans la composition. Pour les personnes qui aiment mieux se servir de ces remedes en consistance d’opiate, on mêle ces poudres dans du miel, ou on les incorpore avec quelque sirop, de l’oximel scillitique, ou du mucillage de gomme adragant ou arabique.

On se sert aussi d’une racine de mauve ou de guimauve qu’on prépare en en faisant boüillir dans de l’eau salée, ou dans de l’eau alumineuse, puis on les fait secher au four.

On raffermit les dents chancelantes & on nettoye les gensives, en mettant quelques gouttes d’esprit de cochléaria dans un demi-verre d’eau.

Le sieur Lécluze, expert pour les dents, ayant remarqué qu’il n’étoit presque pas possible de nettoyer les dents à leur partie postérieure, a inventé un gratte-langue, dont le manche forme une pincette courbe, au moyen de laquelle on porte aisément une éponge au-dedans de la bouche & aux surfaces extérieures des dents les plus éloignées, pour enlever le limon que forme le tartre, si préjudiciable à leur durée & à celle des gencives. (Y)

DENTITION, s. f. (Médecine.) c’est la sortie naturelle des dents, qui se fait en différens tems, depuis la naissance jusqu’à l’adolescence. V. Dents, pour tout ce qui regarde leur génération, leur structure, leur accroissement, leur maladie, &c.

L’homme naît ordinairement sans dents : il est très rare d’en voir naître avec des dents. Harris rapporte avoir vû une femme, qui dans toute sa vie n’en avoit jamais eu aucune : on peut regarder ces cas comme des écarts de la nature. Les enfans n’ont pas besoin de dents, parce qu’il ne doivent d’abord être nourris que de lait : elles ne sont nécessaires que pour concourir à l’élaboration des alimens solides, pour les disposer à la digestion : elles ne commen-

cent par conséquent à paroître que dans le tems où

les organes destinés à cette fonction ont acquis assez de force pour digérer des alimens qui ont plus de consistance que le lait : ainsi elles ne sortent des alvéoles des gencives, où elles sont renfermées, que vers le sixieme, le septieme, ou le huitieme mois ; rarement avant ce tems ; quelquefois cependant plûtôt ou plûtard, selon que les sujets sont plus ou moins robustes.

Cette sortie des dents est presque toûjours accompagnée de douleurs, à cause du sentiment très-délicat dont sont doüées les gencives qui recouvrent l’alvéole, & qui doivent par conséquent être percées, déchirées, pour leur donner issue : c’est pourquoi la sage nature a établi qu’elles ne poussent pas toutes à la fois, pour éviter la trop vive douleur que causeroit infailliblement la déchirure des gencives dans toute l’étendue des mâchoires, & les symptomes violents & mortels qui auroient pû s’ensuivre : les dents canines sortent les premieres, d’autant plus aisément qu’elles sont figurées de maniere à ne faire que pénétrer entre les fibres de la gencive par leur pointe ; que les écarter, pour ainsi dire, sans les déchirer ; ensuite viennent les incisives, qui par leur tranchant coupent & séparent la gencive avec plus de facilité que ne font les molaires, qui se font jour les dernieres, parce qu’elles sont les moins propres par leur tête applatie à forcer la résistance de la gencive, & qu’elles causent de plus grandes ruptures qu’aucune autre : leur sortie est conséquemment accompagnée d’une plus forte douleur & plus continuée, l’ouvrage devant nécessairement être plus long, à cause de la plus grande résistance, causée par la plus grande étendue de surface à rompre dans la gencive, & par la plus grande solidité de cette même gencive acquise par un âge plus avancé.

On observe communément que les dents sortent successivement dans l’espace de deux années, dans l’ordre qui vient d’être décrit : environ à sept ans il vient d’autres dents à la place des premieres qui ont garni les mâchoires ; & environ à vingt-un ans, pour l’ordinaire, & quelquefois plûtôt ou plûtard, on voit paroître les deux dernieres dents molaires, qui n’avoient été précedées d’aucune autre à la place qu’elles occupent ; ce sont celles que l’on nomme dents de sagesse.

Les signes qui annoncent l’éruption des dents, sont la chaleur contre nature de la bouche, la demangeaison, & ensuite l’enflure & la douleur des gencives, l’écoulement abondant de salive ; ces symptomes accompagnent ordinairement la dentition : mais lorsque les gencives sont d’un tissu plus ferme, qui résiste davantage aux efforts des dents, ou lorsque plusieurs sortent à la fois, sur-tout d’entre les molaires, les accidens qui s’ensuivent sont encore plus violens : il survient des inflammations dans la bouche, des insomnies, des inquiétudes, des frayeurs, des tourmens, des coliques : la fievre se met de la partie ; elle est accompagnée de dégoûts, de vomissemens, de flux de ventre avec des déjections verdâtres, de constipation, quelquefois de convulsions, d’accès épileptiques, & de plusieurs autres fâcheux symptomes. Ceux qui dépendent des nerfs doivent être attribués, selon Hoffmann, à la communication des nerfs de la cinquieme paire (dont une branche se distribue aux mâchoires) avec le grand nerf sympathique ou intercostal, & la huitieme paire ; ensorte que, conséquemment à l’irritation lancinante des gencives, le cerveau, la poitrine, l’estomac & les entrailles peuvent être affectés de différens mouvemens spasmodiques, qui causent, entr’autres effets, des constrictions dans les boyaux, y retiennent les alimens qui se corrompent, deviennent âcres, dégénerent en mauvais