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stitués n’en ont pas besoin. Tous les obstacles sont dans le nœud, toutes les solutions dans le dénouement. Dans la Comédie l’action finit heureusement par un trait de caractere. Et moi, dit l’Avare, je vais revoir ma chere cassette. J’aurois mieux fait, je crois, de prendre Célimene, dit l’Irrésolu. La tragédie qui n’est qu’un apologue devroit finir par un trait frappant & lumineux, qui en seroit la moralité ; & nous ne craignons point d’en donner pour exemple cette conclusion d’une tragédie moderne, où Hécube expirante dit ces beaux vers :

Je me meurs : rois, tremblez, ma peine est légitime ;
J’ai chéri la vertu, mais j’ai souffert le crime.


Article de M. Marmontel.

DENRÉE, (Hist. mod. & Jurisprud.) est une certaine mesure ou étendue de terre, usitée dans quelques pays, comme en Champagne. Ce terme vient du latin denarium, denier ; d’où on a fait denariatæ, denrées ; nom que l’on a donné à certaines marchandises, parce qu’on les achetoit au prix de quelques deniers. On a aussi donné ce nom, en quelques endroits, à une certaine quantité de terre, qui n’est ordinairement chargée que d’un ou deux deniers de cens ou redevance. La denrée de terre est une portion d’une plus grande mesure, qui contient plus ou moins de denrées selon l’usage du pays. Dans la prevôté de Vitry-le-François le journal ou journel de terre ne contient que six denrées : en d’autres endroits, comme dans le comté de Brienne, dans celui de Rosnay, & ailleurs, il en contient huit. La denrée est de 80 perches. Voyez le glossaire de Ducange, au mot Denariatæ. (A)

Denrées, esculenta, s. f. pl. (Comm.) est le nom qu’on donne aux plantes propres à notre nourriture, comme artichaux, carotes, navets, panets, choux.

On peut distinguer de grosses & de menues denrées : les grosses, comme le blé, le vin, le foin, le bois ; les menues, comme les fruits, les légumes, &c. Ce sont ordinairement les Regrattiers qui vendent les menues denrées. Les grosses ont des marchands considérables qui en font le négoce. Voyez le dictionn. du Comm. & Chambers. (G)

DENSE, adj. (Phys.) ce mot est relatif. On dit en Physique qu’un corps est plus dense qu’un autre, lorsqu’il contient plus de matiere sous un même volume. Le mot dense s’employe pourtant quelquefois absolument, lorsqu’il s’agit des corps qui ont beaucoup plus de matiere que la plûpart des autres. Ainsi on dit que l’or, le mercure, le plomb, sont des corps denses : mais tout cela bien entendu, n’a qu’un sens relatif. Voyez Densité. (O)

DENSITÉ, s. f. (Physique.) est cette propriété des corps, par laquelle ils contiennent plus ou moins de matiere sous un certain volume, c’est-à-dire dans un certain espace. Ainsi on dit qu’un corps est plus dense qu’un autre, lorsqu’il contient plus de matiere sous un même volume. La densité est opposée à la rareté, Voyez Rareté & Condensation.

Par conséquent, comme la masse est proportionnelle au poids, un corps plus dense est d’une pesanteur spécifique plus grande qu’un corps plus rare ; & un corps est d’autant plus dense, qu’il a une plus grande pesanteur spécifique. La densité & le volume des corps sont deux des points principaux sur lesquels sont appuyées les lois de la méchanique : c’est un axiome, que les corps d’une même densité contiennent une quantité de masse égale sous un même volume. Si les volumes de deux corps sont égaux, leurs densités sont comme leurs masses ; par conséquent les densités de deux corps d’un égal volume, sont entr’elles comme leur poids. Si deux corps ont la même densité, leurs masses sont comme leurs volu-

mes ; & par conséquent les poids des corps de même

densité, sont entr’eux comme leurs volumes. Les masses de deux corps sont entr’elles en raison composée de leurs densités & de leurs volumes : par conséquent leurs poids sont aussi entr’eux dans ce même rapport ; & si leurs masses ou leurs poids sont les mêmes, leurs densités sont en raison inverse de leurs volumes. Les densités de deux corps sont entr’elles en raison composée de la directe de leurs masses & de l’inverse de leurs volumes. Toutes ces propositions sont aisées à démontrer par les équations suivantes. La densité d’un corps est le rapport de sa masse (c’est à-dire de l’espace qu’il occuperoit, s’il étoit absolument sans pores) à son volume, c’est-à-dire à l’espace qu’il occupe réellement. Donc nommant D la densité, M la masse, V le volume, on a  ; donc pour un autre corps on a  ; donc , &  ; d’où l’on tire toutes les propositions précédentes. Voyez Masse.

Les Péripatéticiens définissent la densité une qualité secondaire, par laquelle un corps est plein de lui-même, ses parties étant adhérentes les unes aux autres sans aucun interstice. Ainsi la forme de la densité consiste, selon ces philosophes, dans l’adhérence immédiate que les parties ont entr’elles : c’est pour cela que Porphyre dans ses prédicamens définit un corps dense, celui dont les parties sont si près l’une de l’autre, qu’on ne peut interposer aucun corps entr’elles : mais il n’y a point de tel corps.

Ces philosophes attribuent ordinairement la cause de la densité au froid ; Scaliger & quelques autres l’attribuent à l’humidité. Ne seroit-il pas plus sage d’avoüer son ignorance ? Plusieurs d’entre les philosophes modernes prétendent que la petitesse des parties des corps contribue beaucoup à leur densité, parce que les pores deviennent par ce moyen plus petits. Cependant ces philosophes ajoûtent que la densité des corps ne dépend pas seulement de la petitesse des pores, mais aussi de leur petit nombre, &c.

En effet, on est si éloigné aujourd’hui d’admettre des corps absolument denses dans le sens des anciens, que l’or même, qui est le plus dense & le plus pesant de tous les corps, contient, selon l’observation de M. Newton, beaucoup plus de vuides & de pores, que de substance. Voyez Pore, Or, &c.

Quand les pressions de deux liquides contenus dans des vases cylindriques sont égales, les quantités de matiere sont égales : par conséquent si les colonnes ont des bases égales, les volumes des fluides, c’est-à-dire les hauteurs des colonnes sont en raison réciproque des densités. On peut déduire de ce principe une méthode pour comparer ensemble des liqueurs différentes ; car si on verse différens fluides dans des tuyaux qui communiquent entr’eux, & que ces fluides s’y mettent en équilibre, leurs pressions sont égales ; & on trouve par conséquent le rapport des densités, en mesurant les hauteurs.

On peut comparer aussi les densités des fluides, en y plongeant un corps solide ; car si on plonge successivement dans les liquides qu’on veut comparer un corps solide qui soit plus leger qu’aucun de ces liquides, les parties de ce solide s’enfonceront entr’elles en raison inverse des densités des liquides. En effet il est évident par les principes de l’Hydrostatique, que la partie déplacée dans chaque fluide sera toûjours d’un poids égal au solide qui y est plongé ; ainsi cette partie déplacée, qui est égale à la partie enfoncée du corps, sera du même poids dans tous ces fluides, & sera par conséquent en raison inverse de la densité. Voyez Fluide, Aréometre, Balance hydrostatique.

La densité de l’air a été l’objet des recherches des Philosophes depuis l’expérience de Toricelli &