Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/773

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soit par la tempête, soit par le canon de l’ennemi. On dit dégréé du mât d’artimon, dégréé du mât d’avant, &c. (Q)

* DÉGROSSIR, v. act. se dit dans plusieurs Arts méchaniques des premieres façons que l’on donne préliminairement à un ouvrage, & qui le disposent à d’autres façons qui se succedent & qui le conduisent à sa perfection. Ainsi les ouvriers qui travaillent les glaces, les dégrossissent d’abord ou débrutissent. Voyez Débrutissement. Les ouvriers qui travaillent le fer, le dégrossissent avant que de le polir ; les Couteliers dégrossissent les rasoirs sur la meule, &c.

Dégrossir, en terme d’Architecture, c’est dans le travail d’un bloc de pierre ou de marbre qu’il s’agit d’équarrir, faire la premiere ébauche. (P)

Dégrossir l’acier, terme d’Aiguillier ; c’est passer un cylindre d’acier par les différens trous de la filiere jusqu’à ce qu’il soit parvenu au degré de finesse nécessaire pour en faire des aiguilles.

Dégrossir ou Dégrosser l’or & l’argent. C’est en faire passer les lingots par les divers pertuis ou trous d’une sorte de moyenne filiere appellée ras, pour les réduire à la grosseur d’un ferret de lacet.

Le dégrossage se fait par le moyen d’une espece de banc scellé en plâtre, qu’on appelle banc à dégrossir, qui est une espece de petite argue que deux hommes font tourner.

Dégrossir, terme de Batteur d’or, qui signifie battre les feuilles d’or ou d’argent dans une sorte de moule de vélin, appellé petit moule à gaucher. C’est par cette façon qu’on commence à étendre le métal. Voyez Batteur d’or.

Dégrossir, (à la Monnoie.) Lorsque le métal a été fondu en lames, on le recuit ; ensuite on le fait passer à-travers le premier laminoir, dont les deux rouleaux ou cylindres, sont mûs par des axes de fer, passant à-travers les roues dentées, & sont susceptibles par ce moyen d’une plus grande action : l’espace des cylindres étant plus considérable au laminoir qu’aux autres, il ne fait que commencer à unir & préparer la lame à acquérir l’épaisseur de l’espece pour laquelle elle est destinée. (Voyez Laminoir), & c’est ce qu’on appelle la dégrossir.

Dégrossir, v. act. (Orfévrerie.) c’est donner aux métaux leur premier travail en mettant au marteau les pieces d’épaisseur, en corroyant & épaillant à la lime ou à l’échope les lingots, & les purgeant des impuretés provenues de la fonte. Voyez Epailler.

Dégrossir la glace, (Verrerie) Voyez l’article Verrerie.

DÉGUELLEUX, s. m. (Hydr.) ce sont de gros masques de pierre ou de plomb dont on orne les cascades, & qui vomissent l’eau dans un bassin. (K)

DÉGUERPISSEMENT, s. m. (Jurisprud.) est le délaissement d’un héritage fait par le détenteur à celui auquel il est redevable de quelque charge fonciere, pour s’exempter de cette charge.

Loyseau qui a fait un excellent traité sur cette matiere, trouve dans le castor un exemple naturel du déguerpissement & des autres sortes de délaissemens usités parmi nous : il observe qu’au rapport des anciens, le castor ou bievre a cet instinct, qu’étant poursuivi des chasseurs & ne pouvant se sauver par la course, il s’arrache avec les dents les génitoires pour lesquelles il sent qu’il est poursuivi, à cause qu’elles servent à plusieurs médicamens, & qu’en sacrifiant cette partie, il sauve le reste & se garantit de la mort.

Le déguerpissement a quelque rapport avec cette conduite ; ceux qui sont poursuivis pour quelque charge fonciere qu’ils trouvent trop onéreuse, déguerpissent l’héritage, & se soûmettent volontaire-

ment à cette perte pour se préserver d’une qui seroit

selon eux plus considérable.

On ne doit pas confondre le déguerpissement avec les diverses autres sortes de délaissemens qui ont été inventées pour se délivrer de toutes poursuites, telles que la cession de bien ou l’abandonnement, la renonciation, le désistement, & le délaissement par hypotheque.

La cession ou abandonnement se fait de tous biens sans réserve, & néanmoins elle n’anéantit pas l’obligation, elle modere seulement les poursuites ; la renonciation se fait à des biens que l’on n’a point encore acceptés ; le désistement est d’une chose qui appartient à autrui : dans le délaissement par hypotheque, celui qui abandonne son immeuble en demeure propriétaire jusqu’à la vente, & retire le surplus du prix ; au lieu que dans le déguerpissement on abandonne dès-lors au bailleur la propriété & la possession de l’héritage que l’on tenoit de lui à rente.

Le terme de déguerpissement vient de l’Allemand werp ou querp, qui signifie prise en possession ; de sorte que déguerpissement qui est le contraire signifie délaissement de la possession.

Les ordonnances ont exprimé le déguerpissement par le terme de renonciation à l’héritage ; quelques coûtumes par celui d’exponsion ; celle de Paris le nomme déguerpissement, de même que la plûpart des autres coûtumes.

Le déguerpissement, tel que nous le pratiquons, étoit peu usité chez les Romains, d’autant qu’il y avoit chez eux fort peu de rentes entre particuliers ; ou s’il y en avoit, elles étoient fort petites, & seulement pour reconnoissance du domaine direct, chaque détenteur n’en étoit tenu qu’à proportion de ce qu’il possedoit ; c’est pourquoi il arrivoit rarement qu’il quittât l’héritage pour se décharger de la rente.

Cependant cette espece de délaissement n’étoit pas absolument inconnue aux Romains, & l’on trouve plusieurs de leurs lois qui peuvent s’y adapter, notament la loi rura au code de omni agro deserto, & les lois 3 & 5 cod. de fundis patrimon. où l’on voit que relinquere & refundere signifient déguerpir.

Les dettes personnelles & hypothéquaires ne sont point l’objet du déguerpissement proprement dit ; on ne le fait que pour se délibérer des charges foncieres, soit seigneuriales, ou autres, telles que sont le cens, sur-cens, le champart, terrage agrier, & autres redevances semblables ; l’emphitéose, les simples rentes foncieres, & de bail d’héritage.

On peut aussi par la voie du déguerpissement se libérer des charges foncieres, casuelles, & extraordinaires, telles que sont les réparations & entretien de l’héritage, les tailles réelles, & autres impositions semblables, telles que le dixieme, vingtieme, cinquantieme ; l’entretien du pavé des villes, & de leurs fortifications ; l’imposition pour les bouës & lanternes ; les droits seigneuriaux, ou profits de fiefs, casuels, & autres charges semblables.

L’héritier soit pur & simple ou bénéficiaire ne peut déguerpir la succession entiere pour se délibérer des charges à cause de la maxime semel hæres, semper hæres ; mais il peut déguerpir l’héritage, charges, & rentes foncieres ; & par ce moyen il se libere de la rente.

Les autres successeurs à titre universel, tels que sont les donataires & légataires universels, les seigneurs qui succedent à titre de confiscation, deshérence, ou autrement, peuvent déguerpir toute la succession, pourvû qu’ils ayent fait inventaire, quand même ils auroient déjà vendu une partie des biens, pourvû qu’ils en rapportent la véritable valeur & les fruits.