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tre, j’y prens arbitrairement la grandeur d’un degré ; mais ensuite je puis diviser ce degré en quatre, six, huit portions égales, que j’envisagerai comme de moindres degrés, qui font partie de l’autre.

Les parties qui constituent les qualités, ne sont pas comme celles de l’étendue, l’une hors de l’autre : un degré de vîtesse ne sauroit être coupé en tant de morceaux, comme une planche ou un fil ; mais il peut s’augmenter ou se diminuer, sans qu’il arrive aucun changement à l’étendue du sujet dans lequel il existe. Mais en comparant les parties de l’espace parcouru par deux mobiles en même tems, ou par le même mobile dans des tems égaux, nous attribuons aux forces les mêmes proportions que nous trouvons entre les espaces & le tems ; & nous disons que la vîtesse de ce mobile dans la premiere seconde étoit à sa vîtesse dans la seconde suivante, comme tel nombre à un autre, ou telle ligne à une autre. Ces notions imaginaires ne sont point chimériques, & elles sont les plus efficaces pour nous conduire aux idées distinctes ; il faut seulement prendre garde de ne leur pas préter une réalité d’existence dans les sujets même. Article de M. Formey.

Suivant ces principes, il faut, 1° être attentif à n’employer le mot degré qu’à propos, pour une plus grande précision ou clarté du discours, & pour exprimer simplement des rapports, & non pas des quantités absolues : 2° il faut ne s’en servir que lorsqu’il est question de quantités qu’on peut mesurer, & par conséquent comparer entr’elles, & non pas lorsqu’il est question de quantités purement métaphysiques & incomparables. Ainsi on peut dire qu’un corps a tant de degrés de mouvement ou de vîtesse, parce que le mouvement ou la vîtesse d’un corps se détermine par l’espace parcouru en un certain tems donné, & que cet espace est une quantité qui peut se mesurer. Il faut même ajoûter qu’on ne doit se servir du mot de degré de vîtesse ou de mouvement, que lorsqu’il s’agit de comparer le mouvement de deux ou plusieurs corps, & non pas lorsqu’il est question d’un corps isolé ; car le mouvement d’un corps isolé n’a point en lui-même de grandeur absolue, ni qu’on puisse représenter par des degrés. Mais on ne peut pas dire, par exemple, en comparant deux sensations ou deux affections entr’elles, que l’une de ces deux sensations ou affections est plus grande que l’autre d’un certain nombre de degrés ; car on ne peut jamais dire qu’une sensation soit double, triple, moitié, &c. d’une autre ; on sent seulement qu’elle est plus ou moins vive ; mais nous n’avons point de mesure pour comparer exactement nos sensations les unes aux autres.

Ceci suffira pour faire sentir le ridicule des degrés d’être, que l’auteur de la Prémotion physique imagine dans notre ame. Selon cet auteur, toute modification, toute idée de notre ame, est un degré d’être de plus ; comme si la substance de notre ame s’augmentoit réellement par de pareilles modifications, & comme si d’ailleurs ces augmentations (fussent-elles aussi réelles qu’elles sont chimériques) pouvoient se comparer & se mesurer. C’est pourtant sur cette idée si peu vraie & si peu philosophique, que l’auteur a bâti toutes ses propositions sur la prémotion physique ; propositions qu’il a honorées des noms de théoremes & de démonstrations ; mais, comme l’observe très bien M. de Voltaire, il ne faut juger, ni des hommes, ni des livres par les titres. V. Application de la méthode des Géometres à la Métaphysique ; V. aussi le traité des Systèmes de M. l’abbé de Condillac, où l’on a fait à ce système sur les degrés d’être l’honneur de le réfuter.

Nous ne croyons pas devoir nous étendre ici sur ce qu’on a appellé dans l’école degrés métaphysiques, & qui ne sont autre chose que les attributs généraux,

désignés par les mots d’être, de substance, de modification, &c. ou, comme d’autres les définissent, les propriétés essentielles d’un être, depuis son genre suprème jusqu’à sa différence spécifique ; comme être, substance, vivant, sentant, pensant, &c. On demande quelle distinction il faut admettre entre ces degrés ; question frivole. Il est évident que ce sont autant d’abstractions de notre esprit, qui n’indiquent rien de réel & d’existant dans l’individu. En effet qu’est-ce que l’être & la substance en général ? Y a-t-il autre chose que des individus dans la Nature ? L’esprit, il est vrai, opere sur ces individus ; il y remarque des propriétés semblables ; celle d’exister, qui constitue ce qu’on appelle être ; celle d’exister isolé, qui constitue la substance ; celle d’exister de telle maniere, qui constitue la modification. Mais l’erreur consiste à s’imaginer qu’il y ait hors de l’esprit même, quelque chose qui soit l’objet réel de ces abstractions. (O)

Degré. Ce mot, en Géométrie, signifie la 360° partie d’une circonférence de cercle. Voy. Cercle.

Toute circonférence de cercle grande & petite est supposée divisée en 360 parties qu’on appelle degrés. Le degre se subdivise en 60 parties plus petites, qu’on nomme minutes, la minute en 60 autres appellées secondes, la seconde en 60 tierces, &c. d’où il s’ensuit que les degrés, les minutes, les secondes, &c. dans un grand cercle sont plus grands que dans un petit. Voyez Minute, Seconde, &c.

Il y a apparence qu’on a pris 360 pour le nombre des degrés du cercle, parce que ce nombre, quoiqu’il ne soit pas fort considérable, a cependant beaucoup de diviseurs ; car il est égal à , & par conséquent il peut se diviser par 2, par 4, par 5, par 6, par 8, par 9, par 10, & par beaucoup d’autres nombres. Voyez Diviseur.

Les subdivisions des degrés sont des fractions, dont les dénominateurs procedent en raison de 1 à 60, c’est-à-dire que la minute est de degré, la seconde , la tierce  ; mais comme ces dénominateurs sont embarrassans, on substitue à leur place des expressions plus simples dans l’usage ordinaire pour les indiquer.

Ainsi un degré étant l’unité ou un entier, est exprimé par d, la minute ou prime par ′, la seconde par ″, la tierce par ‴ ; c’est pourquoi 3 degrés, 25 minutes, 16 tierces, s’écrivent ainsi 3d 251 16‴. Stevin, Ougthred, Wallis, ont desiré que l’on proscrivît cette division sexagésimale du degré, pour mettre la décimale à sa place. Il est certain que cela abrégeroit les opérations. Car si au lieu de diviser, par exemple, le degré en 60 minutes, on le divisoit en 100, la minute en 100 secondes, &c. on réduiroit plus promptement les fractions de degrés en minutes. Ainsi pour réduire de degré en minutes, il faudroit simplement diviser 5100 par 72, au lieu qu’il faut d’abord multiplier 51 par 60, & diviser ensuite par 72 : on s’épargneroit donc une multiplication. En général il seroit à souhaiter que la division décimale fût plus en usage. Voyez Decimal.

La grandeur des angles se désigne par les degrés ; ainsi on dit un angle de 90 degrés, de 70 degrés, 50 minutes, de 25 degrés, 15 minutes, 49 secondes. Voy. Angle. On dit aussi : Telle étoile est montée de tant de degrés au-dessus de l’horison ; décline de l’équateur de tant de degrés, &c. V. Hauteur & Declinaison.

La raison pourquoi on mesure un angle quelconque par les degrés ou parties d’un cercle, c’est 1° que la courbure du cercle est uniforme & parfaitement la même dans toutes ses parties ; ensorte que des angles égaux dont le sommet est au centre d’un cercle, renferment toûjours des arcs parfaitement égaux de ce cercle ; ce qui n’arriveroit pas dans une autre courbe, par exemple, dans l’ellipse dont la courbure n’est pas uniforme : 2° deux angles égaux ren-