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considérable de toutes manieres, soit par ses richesses, soit par son commerce : mais celles de Wetzlar, de Gelnhausen, & de Friedberg, le sont beaucoup moins.

Enfin il y avoit le cercle de Bourgogne, qui comprenoit la Franche-Comté & les Pays-bas : mais aujourd’hui tous ces états sont indépendans de l’Empire, & n’entrent plus aux dietes, & par conséquent ne forment aucun cercle.

Des lois de l’Empire. Les lois de l’Empire d’Allemagne se divisent en deux classes, savoir en lois qui regardent les états du corps germanique en général, & en lois qui regardent les affaires des particuliers.

La premiere des lois générales de l’Empire est la bulle d’or, ainsi nommée à cause du sceau d’or dont elle est scellée. C’est un édit ou constitution que l’empereur Charles IV. de la maison de Luxembourg publia en 1356, du consentement de l’Empire, pour l’utilité du corps germanique. L’acte authentique & original qui est en latin, fut déposé dans les archives de la ville de Francfort sur le Mein. Cet empereur y a renfermé les droits, charges & prérogatives des électeurs : son intention étoit, lorsqu’il fit cette loi si respectable, de jetter les fondemens inébranlables des électeurs, & de conserver en même tems la dignité impériale purement & librement élective à perpétuité. Cependant depuis quelques siecles il semble qu’on ait voulu attenter à cette liberté. Il est vrai que quelques Allemands assûrent que c’est plus pour l’avantage de l’Empire que de l’auguste maison d’Autriche, qui a soûtenu plus que les autres la dignité du corps germanique. Charles IV. qui s’étoit montré si zélé pour le maintien de cette loi, fut lui-même le premier à y contrevenir, parce qu’il s’agissoit de l’intérêt particulier de sa famille : il engagea les électeurs à lui faire succéder son fils Wenceslas qui n’avoit que dix ans, & il leur promit à chacun cent mille ducats pour leur suffrage. Tout le monde sait que depuis Albert II prince de la maison d’Autriche, on a élu jusqu’à ces derniers tems tous les empereurs de la même famille : on a même donné aux empereurs vivans une espece de coadjuteur & successeur nécessaire sous le titre de roi des Romains, contre la défense expresse de la bulle d’or, quoiqu’on ne l’ait fait cependant en cette occasion & en quelques autres, que du consentement du corps germanique.

La deuxieme de ces lois sont les capitulations impériales. Elles ne sont pas anciennes : elles tirent leur origine de la juste appréhension où s’est trouvé l’Empire de se voir asservi à un prince trop puissant. Cette loi doit ou son établissement ou son renouvellement au tems de l’empereur Charles-quint, en 1520. J’ai dit que ce pouvoit être un renouvellement d’une loi plus ancienne. On sait que l’an 860 il se fit une fameuse convention à Coblentz, par laquelle Louis le Germanique promit de ne rien décerner dans les matieres importantes qui regardoient les états ecclésiastiques & séculiers, sans le conseil & le consentement des premiers membres de ce vaste corps ; & ce fut à l’imitation de cette premiere loi qu’on a formé depuis environ 250 ans les capitulations impériales. La grande puissance de Charles-quint y donna lieu. Cette loi est un contrat écrit que les électeurs font avec celui qu’ils veulent mettre sur le throne impérial ; & il s’oblige par serment à l’observation de tous les articles de ce contrat sous un nouvel empereur. On les change quelquefois selon les tems & les circonstances ; on en retranche ou on y ajoûte ce qui convient aux conjonctures. Le chef que le corps germanique a choisi sous ces conditions, est toûjours responsable de leur observation ; & le corps germanique a toûjours le droit, ou de l’obliger à les observer, ou de le déclarer déchû de l’empire s’il vient à y manquer.

Une troisieme loi est celle de la paix publique. L’idée que les princes & seigneurs allemands ont toûjours eue de leur liberté & de leur indépendance, étoit cause des différends qui s’élevoient quelquefois entre eux, & qui souvent ne se terminoient qu’à main armée ; ce qui arrivoit souvent ou dans les tems de trouble ou dans les interregnes, & ne pouvoit tourner qu’au détriment de l’Empire. Aussi dès le xij. siecle les états de l’Empire convinrent avec l’empereur d’empêcher ces voies de fait, & de terminer le tout dans les dietes ou dans les assemblées du corps germanique ; & l’on décida en conséquence de faire administrer aux divers particuliers la justice selon le droit & l’équité. Les ordonnances émanées en vertu de cet accord sont connues sous le nom de paix prophane, civile, ou publique ; & l’on a puni en effet, ou par le ban impérial, ou par des amendes pécuniaires, ceux qui avoient la témérité d’y contrevenir. Cette convention si nécessaire fut renouvellée par Maximilien I. dans la diete de Wormes, l’an 1495, & confirmée depuis à Augsbourg l’an 1500 ; & depuis ce tems-là il est rare que les membres de l’Empire y ayent manqué.

La quatrieme loi est connue sous le nom de paix religieuse. C’est une suite des mouvemens & des révolutions de religion arrivées dans les premieres années du xvj. siecle. Cette convention se fit à Passau en 1552, & depuis elle fut confirmée à Augsbourg en 1555. L’empereur & les membres de l’Empire, catholiques & protestans, s’obligerent alors à ne faire aucune violence aux princes & états qui auroient embrassé les nouvelles opinions de Luther, ou qui persisteroient dans l’ancienne & véritable religion : ils se promirent que leur union ne pourroit être troublée par la diversité de communion. Charles-quint fut soupçonné dans ces premiers troubles de vouloir saisir cette occasion pour ses intérêts propres, & pour asservir les états & rendre l’Empire héréditaire dans sa maison : & peut-être y auroit-il réussi sans le roi de France Henri II. dont les princes de l’Empire implorerent le secours, & sans la valeur du prince Maurice électeur de Saxe. Les deux partis las de la guerre, firent en 1552 le traité de paix, par lequel l’empereur, outre la liberté du landgrave de Hesse qu’il avoit arrêté prisonnier contre la foi publique, accorda beaucoup de choses aux Luthériens nommés protestans, pour avoir protesté contre le recès de l’Empire de la diete de Spire. On vouloit par ce recès obliger tous les membres du corps germanique à se conformer à l’ancienne doctrine de l’Eglise catholique ; & cette transaction de Passau en 1552 fut affermie & confirmée à Augsbourg l’an 1555. Et c’est ce double traité qui est devenu si célebre sous le nom de paix religieuse, qu’on a étendu aux prétendus réformés ou Calvinistes par la paix de Westphalie, en 1648. Et comme la France avoit concouru dans cette occasion à maintenir la liberté des princes de l’Empire, ils crurent devoir céder au roi Henri II. & à ses successeurs les trois évêchés de Metz, Toul & Verdun, pour être toûjours en état de se voir secouru par nos rois dans les tems de trouble ; ce qui depuis a été confirmé par la paix de Westphalie & par les autres traités.

Ce traité est la cinquieme loi de l’Empire ; & vint après cette longue guerre nommée la guerre de trente années, commencée par le grand Gustave roi de Suede en 1618, & qui ne fut terminée qu’en 1648, long-tems après la mort de ce prince. Elle fut traitée en même tems à Munster & à Osnabruck ; & c’est ce qu’on appelle la paix de Westphalie, où l’on rétablit la liberté chancellante du corps germanique, lequel depuis Charles-quint & Ferdinand I. son frere ne laissoit pas d’avoir souffert beaucoup d’atteinte, par les infractions qu’on avoit faites aux