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notes sur la premiere collection, se sont servis avec le plus grand succès.

Grégoire IX. en confirmant le nouveau recueil de decrétales, défendit par la même constitution qu’on osât en entreprendre un autre sans la permission expresse du saint siége, & il n’en parut point jusqu’à Boniface VIII. ainsi pendant l’espace de plus de 70 ans le corps de droit canonique ne renferma que le decret de Gratien & les decrétales de Grégoire IX. Cependant après la publication des decrétales, Grégoire IX. & les papes ses successeurs donnerent en différentes occasions de nouveaux rescrits ; mais leur authenticité n’étoit reconnue ni dans les écoles, ni dans les tribunaux : c’est pourquoi Boniface VIII. la quatrieme année de son pontificat, vers la fin du treizieme siecle, fit publier sous son nom une nouvelle compilation ; elle fut l’ouvrage de Guillaume de Mandagotto archevêque d’Embrun, de Berenger Fredoni évêque de Beziers, & de Richard de Senis vice-chancelier de l’Eglise romaine, tous trois élevés depuis au cardinalat. Cette collection contient les dernieres épîtres de Grégoire IX. celles des papes qui lui ont succédé ; les decrets des deux conciles généraux de Lyon, dont l’un s’est tenu en l’an 1245 sous Innocent IV. & l’autre en l’an 1274 sous Grégoire X. & enfin les constitutions de Boniface VIII. On appelle cette collection le Sexte, parce que Boniface voulut qu’on la joignît au livre des decrétales, pour lui servir de supplément. Elle est divisée en cinq livres, soûdivisée en titres & en capitules, & les matieres y sont distribuées dans le même ordre que dans celle de Grégoire IX. Au commencement du quatorzieme siecle, Clément V. qui tint le saint siége à Avignon, fit faire une nouvelle compilation des decrétales, composée en partie des canons du concile de Vienne, auquel il présida, & en partie de ses propres constitutions ; mais surpris par la mort, il n’eut pas le tems de la publier, & ce fut par les ordres de son successeur Jean XXII. qu’elle vit le jour en 1317. Cette collection est appellée Clémentines, du nom de son auteur, & parce qu’elle ne renferme que des constitutions de ce souverain pontife : elle est également divisée en cinq titres, qui sont aussi soûdivisés en titres & en capitules, ou Clémentines. Outre cette collection, la même pape Jean XXII. qui siégea pareillement à Avignon, donna différentes constitutions pendant l’espace de dix-huit ans que dura son pontificat, dont vingt ont été recueillies & publiées par un auteur anonyme, & c’est ce qu’on appelle les extravagantes de Jean XXII. Cette collection est divisée en quatorze titres, sans aucune distinction de livres, à cause de son peu d’étendue. Enfin l’an 1484 il parut un nouveau recueil qui porte le nom d’extravagantes communes, parce qu’il est composé des constitutions de vingt-cinq papes, depuis le pape Urbain IV. (si l’inscription du cap. 1. de simoniâ, est vraie) jusqu’au pape Sixte IV. lesquels ont occupé le saint siége pendant plus de deux cents vingt ans, c’est-à-dire depuis l’année 1262 jusqu’à l’année 1483. Ce recueil est divisé en cinq livres ; mais attendu qu’on n’y trouve aucune decrétale qui regarde le mariage, on dit que le quatrieme livre manque. Ces deux dernieres collections sont l’ouvrage d’auteurs anonymes, & n’ont été confirmées par aucune bulle, ni envoyées aux universités ; c’est par cette raison qu’on les a appellées extravagantes, comme qui diroit vagantes extra corpus juris canonici, & elles ont retenu ce nom, quoique par la suite elles y ayent été insérées. Ainsi le corps du droit canonique renferme aujourd’hui six collections ; savoir, le decret de Gratien, les decrétales de Grégoire IX. le Sexte de Boniface VIII. les Clémentines, les Extravagantes de Jean XXII. & les Extravagantes communes. Nous avons vû dans l’article

Decret de quelle autorité est le recueil de Gratien, nous allons examiner ici quelle est celle des diverses collections des decrétales.

Nous avons dit en parlant du decret de Gratien, qu’il n’a par lui-même aucune autorité, ce qui doit s’étendre aux Extravagantes de Jean XXII. & aux Extravagantes communes, qui sont deux ouvrages anonymes & destitués de toute autorité publique. Il n’en est pas de même des decrétales de Grégoire IX. du Sexte & des Clémentines, composées & publiées par ordre de souverains pontifes ; ainsi dans les pays d’obédience, où le pape réunit l’autorité temporelle à la spirituelle, il n’est point douteux que les decrétales des souverains pontifes, & les recueils qu’ils en ont fait faire, n’ayent force de loi ; mais en France & dans les autres pays libres, dans lesquels les constitutions des papes n’ont de vigueur qu’autant qu’elles ont été approuvées par le prince, les compilations qu’ils font publier ont le même sort, c’est-à-dire qu’elles ont besoin d’acceptation pour qu’elles soient regardées comme lois. Cela posé, on demande si les decrétales de Grégoire IX. ont jamais été reçues dans le royaume. Charles Dumoulins dans son commentaire sur l’édit de Henri II. vulgairement appellé l’édit des petites dates, observe, glose xv. num. 250. que dans les registres de la cour on trouve un conseil donné au roi par Eudes duc de Bourgogne, de ne point recevoir dans son royaume les nouvelles constitutions des papes. Le même auteur ajoûte qu’en effet elles ne sont point admises dans ce qui concerne la jurisdiction séculiere, ni même en matiere spirituelle, si elles sont contraires aux droits & aux libertés de l’Eglise gallicane ; & il dit que cela est d’autant moins surprenant, que la cour de Rome elle-même ne reçoit pas toutes les decrétales insérées dans les collections publiques. Conformément à cela, M. Florent, dans sa préface de auctoritate Gratiani & aliarum collectionum, prétend que les decrétales n’ont jamais reçu en France le sceau de l’autorité publique, & quoiqu’on les enseigne dans les écoles, en vertu de cette autorité, qu’il n’en faut pas conclure qu’elles ont été admises, mais qu’on doit les regarder du même œil que les livres du droit civil qu’on enseigne publiquement par ordre de nos Rois, quoiqu’ils ne leur ayent jamais donné force de loi. Pour preuve de ce qu’il avance, il cite une lettre manuscrite de Philippe-le-Bel adressée à l’université d’Orléans, où ce monarque s’exprime en ces termes : Non putet igitur aliquis nos recipere vel primogenitores nostros recepisse consuetudines quaslibet sive leges, ex eo quod eas in diversis locis & studiis regni nostri per scholasticos legi sinatur ; multa nempe namque eruditioni & doctrinæ proficiunt, licet recepta non fuerint, nec ecclesia recipit quamplures canones qui per desuetudinem abierunt, vel ab initio non fuêre recepti, licet in scholis à studiosis propter eruditionem legantur. Scire namque sensus, ritus & mores hominum diversorum, locorum & temporum, valdè proficit ad cujuscumque doctrinam. Cette lettre est de l’année 1312. On ne peut nier cependant qu’on ne se soit servi des decrétales, & qu’on ne s’en serve encore aujourd’hui dans les tribunaux, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux libertés de l’église gallicane ; d’où l’on peut conclure que dans ces cas-là elles sont reçues, du moins tacitement, par l’usage, & parce que nos rois ne s’y sont point opposés : & il ne faut point à cet égard séparer le Sexte de Boniface VIII. des autres collections, quoique plusieurs soûtiennent que celle-là spécialement n’est point admise, à cause de la fameuse querelle entre Philippe le Bel & ce pape. Ils se fondent sur la glose du capitule xvj. de elect. in sexto, où il est dit nommément que les constitutions du Sexte ne sont point reçues dans le royaume ; mais nous croyons avec M. Doujat, lib. IV. prænot. ca-