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dette, a fait une plus éclatante fortune que la branche aînée, qui est celle de Brunswick-Wolfembutel, laquelle cependant est à la tête des princes de l’Empire. Depuis 1714, Georges I. deuxieme électeur d’Hannovre, est monté sur le throne d’Angleterre ; & l’an 1727, Georges II. son fils lui a succédé ; & ses états ont été extrèmement augmentés par l’achat de plusieurs principautés, que Georges I. a eu soin d’acquérir du roi de Danemark, qui les avoit conquises sur le roi Charles XII. Ainsi on le peut regarder aujourd’hui comme un des plus puissans princes de l’Empire.

Outre la dignité électorale, & les divers états possédés par ces princes, ils ont encore des titres, c’est-à-dire des charges héréditaires, qu’on nomme aujourd’hui charges de l’Empire ; mais anciennement elles étoient, sur-tout celles des électeurs séculiers, attachées aux anciens empereurs comme domestiques, dont ils font les fonctions au festin du couronnement de l’empereur. Et pour peu qu’on ait lû nos histoires, on sait que la qualité de domestiques des anciens empereurs étoit un titre très-honorable, & ne s’accordoit qu’aux plus grands seigneurs. C’est ce qui leur procuroit les grands gouvernemens qu’ils ont eus, tant en France qu’en Allemagne, & qu’ils se sont enfin attribués à eux & à leur postérité.

Les trois électeurs ecclésiastiques sont archi-chanceliers de l’Empire ; savoir, celui de Mayence en Allemagne ; celui de Treves dans les Gaules, c’est-à-dire dans le royaume d’Arles, ce qui comprend seulement cette partie de la Gaule qui étoit du royaume de Bourgogne, & qui fut jointe à l’Allemagne dans l’onzieme siecle. Enfin, l’électeur de Cologne est archi-chancelier pour l’Italie. Le premier de ces trois a conservé les fonctions de cette charge, mais les deux autres n’en ont que le titre, titre même qui est sans aucun exercice.

Le roi de Bohème est archi-échanson, & dans les cérémonies il donne à boire à l’empereur la premiere fois. L’électeur de Baviere est archi-maître-d’hôtel, & dans les fonctions publiques il porte la pomme impériale, comme au festin de l’élection il sert le premier plat sur la table du nouvel empereur ; Saxe, comme archi-maréchal, porte l’épée nue devant l’empereur.

Celui de Brandebourg, comme archi-chambelland, présente de l’eau à l’empereur, & porte le sceptre impérial dans les cérémonies. Le comte Palatin du Rhin en qualité d’archi-thrésorier jette des pieces d’or & d’argent au peuple, quand on conduit l’empereur après son couronnement ; & le duc d’Hannovre est archi-porte-enseigne. On voit que tous ces offices, à l’exception des trois premiers & du dernier, tiennent quelque chose de l’ancienne domesticité des seigneurs qui étoient auprès des empereurs de la race de Charlemagne, & des premiers d’entre les Allemans. C’est pour cela qu’aux repas de cérémonies ces officiers ne mangent point avec l’empereur, mais sur des tables rangées des deux côtés de la salle du festin, & qui sont d’un degré moins élevées que celles où mange le chef de l’Empire. Mais la dignité de ces grands officiers étant augmentée avec le tems, on en a fait des charges de l’état ; ce qui est aussi arrivé en France, où les suprèmes dignités de connétable, de maréchaux, de grand-maîtres, de grand écuyers, & plusieurs autres, sont passées de la fonction d’offices domestiques, à celle de charges de la couronne.

J’ai qualifié toutes ces charges des électeurs du titre d’archi-chancelier, archi-échanson, &c. parce que c’est le terme dont on se sert dans l’Empire pour les distinguer des mêmes charges, qui sont aussi en titre d’offices chez tous les électeurs, & même chez tous les princes de l’Empire, qui ont chacun leur

grand-chancelier, leur grand-échanson, leur grand-maître, qui exercent auprès de leurs souverains les mêmes fonctions que les électeurs auprès de l’empereur : & lorsque les princes ne sauroient assister aux cérémonies impériales, ils sont remplacés par un substitut qui les représente ; c’est ainsi que l’électeur de Mayence nomme lui-même son vice-chancelier, qu’il met & change suivant sa volonté ; mais les autres sont représentés par des lieutenans qui sont en titre d’offices. Ainsi le roi de Bohème a pour lieutenant le comte de Limbourg, l’électeur de Baviere le comte de Valbourg, celui de Saxe le comte de Pappenheim ; Brandebourg a le comte de Hohenzollern, & le Palatin est représenté par le comte de Suitzendorf. Tous ces lieutenans font auprès de l’empereur, dans les grandes cérémonies, ce que feroient les princes dont ils sont comme les substituts.

L’électeur de Saxe & le comte Palatin étoient autrefois les deux seuls vicaires de l’Empire pendant l’inter-regne ; mais ce dernier ayant été mis au ban impérial & dépouillé de sa dignité électorale, l’empereur Ferdinand II. en revêtit le duc de Baviere en 1623 : & dans le traité de Munster, en 1648, il fut arrêté « que la dignité électorale que les princes Palatins avoient ci-devant possédée, demeureroit au seigneur Maximilien comte palatin, duc de Baviere, & à ses enfans ». En conséquence l’électeur de Baviere prétendit que le vicariat de l’Empire lui appartenoit à l’exclusion du comte Palatin. D’un autre côté l’électeur Palatin nouvellement rétabli, soûtint que le vicariat ne dépendoit point de la dignité électorale, mais de celle de comte Palatin du Rhin, suivant l’ancien usage & la bulle d’or, chapitre v, où il est marqué expressément que le comte Palatin du Rhin est vicaire de l’empire à cause de sa principauté & du privilége du comte Palatin. Ce prince en vertu du vicariat a pouvoir d’administrer la justice, de nommer aux bénéfices ecclésiastiques, de recevoir les revenus de l’Empire, d’investir des fiefs, & de se faire prêter la foi & hommage de la part & au nom du saint Empire. Ces foi & hommages cependant doivent être renouvellés au roi des Romains dés qu’il aura été élû : mais les fiefs des princes, & ceux qui se donnent ordinairement avec l’étendard, sont spécialement réservés à l’empereur seul ou au roi des Romains ; & s’il vient à vaquer des fiefs, le comte Palatin comme vicaire de l’Empire ne sauroit les aliéner pendant le tems de son administration. Telle est la loi de l’Empire reglé par la bulle d’or, & le duc de Saxe jouit du même droit dans l’étendue de son vicariat ; car leurs départemens sont totalement séparés. Celui du Palatin s’étend le long du Rhin, & dans les provinces qui suivent le droit de Suabe ou de Franconie ; mais le pouvoir du duc de Saxe n’a lieu que dans les endroits, territoires, & principautés où le droit saxon est observé.

Cependant le vicariat palatin a déjà souffert plusieurs difficultés ; d’abord après la mort de l’empereur Ferdinand III, arrivée en 1657, l’électeur de Baviere disputa le vicariat au Palatin. Ce dernier s’opposa aux prétentions de son compétiteur ; il y eut beaucoup d’écrits publiés de part & d’autre, & tout se trouva partagé dans l’Empire : mais dans l’élection de l’empereur François de Lorraine il y eut une espece de partage, & chacun des deux électeurs usa de son droit dans une certaine étendue de pays, jusqu’à ce que la diete de l’empire prononçât sur ce différend lorsqu’il seroit porté à son tribunal.

Des Princes de l’Empire. Après les électeurs vient le collége des princes de l’Empire, plus étendu pour le nombre, mais moins puissant que le collége électoral, lequel avec l’empereur est à la tête du corps germanique. Ainsi que les électeurs, ils sont divisés