Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/699

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

medecin de bien s’assûrer que la maladie est sûrement & parfaitement terminée. (d)

DECLINABLE, adj. m. & f. terme de Grammaire. Il y a des langues où l’usage a établi que l’on pût changer la terminaison des noms, selon les divers rapports sous lesquels on veut les faire considérer. On dit alors de ces noms qu’ils sont déclinables, c’est-à-dire qu’ils changent de terminaison selon l’usage établi dans la langue. Il y a des noms dont la terminaison ne varie point ; on les appelle indéclinables : tels sont en latin veru & cornu, indéclinables au singulier ; fas, nefas, &c. Il y a plusieurs adjectifs indéclinables, nequam, tot, totidem, quot, aliquot, &c. Les noms de nombre depuis quatuor jusqu’à centum, sont aussi indéclinables. Voyez Declinaison.

Les noms françois ne reçoivent de changement dans leur terminaison, que du singulier au pluriel ; le ciel, les cieux : ainsi ils sont indéclinables. Il en est de même en espagnol, en italien, &c.

On connoît en françois les rapports respectifs des mots entr’eux,

1°. Par l’arrangement dans lequel on les place. Voyez Cas.

2°. Par les prépositions qui mettent les mots en rapport, comme par, pour, sur, dans, en, à, de, &c.

3°. Les prénoms ou prépositifs, ainsi nommés parce qu’on les place au-devant des substantifs, servent aussi à faire connoître si l’on doit prendre la proposition dans un sens universel, ou dans un sens particulier, ou dans un sens singulier, ou dans un sens indéfini, ou dans un sens individuel. Ces prénoms sont tout, chaque, quelque, un, le, la ; ainsi on dit, tout homme, un homme, l’homme, &c.

4°. Enfin après que toute la phrase est lûe ou énoncée, l’esprit accoutumé à la langue, se prête à considérer les mots dans l’arrangement convenable au sens total, & même à suppléer par analogie, des mots qui sont quelquefois sous-entendus. (F)

DECLINAISON, s. f. terme de Grammaire. Pour bien entendre ce que c’est que déclinaison, il faut d’abord se rappeller un grand principe dont les Grammairiens qui raisonnent peuvent tirer bien des lumieres. C’est que si nous considerons notre pensée en elle-même, sans aucun rapport à l’élocution, nous trouverons qu’elle est très-simple ; je veux dire que l’exercice de notre faculté de penser se fait en nous par un simple regard de l’esprit, par un point de vûe, par un aspect indivisible : il n’y a alors dans la pensée ni sujet, ni attribut, ni nom, ni verbe, &c. Je voudrois pouvoir ici prendre à témoin les muets de naissance, & les enfans qui commencent à faire usage de leur faculté intellectuelle ; mais ni les uns ni les autres ne sont en état de rendre témoignage ; & nous en sommes réduits à nous rappeller, autant qu’il est possible, ce qui s’est passé en nous dans les premieres années de notre vie. Nous jugions que le soleil étoit levé, que la lune étoit ronde, blanche & brillante, & nous sentions que le sucre étoit doux, sans unir, comme on dit, l’idée de l’attribut à l’idée du sujet ; expressions métaphoriques, sur lesquelles il y a peut-être encore bien des réflexions à faire. En un mot, nous ne faisions pas alors les opérations intellectuelles que l’élocution nous a contraints de faire dans la suite. C’est qu’alors nous ne sentions & nous ne jugions que pour nous ; & c’est ce que nous éprouvons encore aujourd’hui, quand il ne s’agit pas d’énoncer notre pensée.

Mais dès que nous voulons faire passer notre pensée dans l’esprit des autres, nous ne pouvons produire en eux cet effet que par l’entremise de leurs sens. Les signes naturels qui affectent les sens, tels sont le rire, les soupirs, les larmes, les cris, les regards, certains mouvemens de la tête, des piés &

des mains, &c. ces signes, dis-je, répondent jusqu’à un certain point à la simplicité de la pensée ; mais ils ne la détaillent pas assez, & ne peuvent suffire à tout. Nous trouvons des moyens plus féconds dans l’usage des mots ; c’est alors que notre pensée prend une nouvelle forme, & devient pour ainsi dire un corps divisible. En effet, pour faire passer notre pensée dans l’esprit des autres par leurs sens, qui en sont le seul chemin, nous sommes obligés de l’analyser, de la diviser en différentes parties, & d’adapter des mots particuliers à chacune de ces parties, afin qu’ils en soient les signes. Ces mots rapprochés forment d’abord divers ensembles, par les rapports que l’esprit a mis entre les mots dont ces ensembles sont composés : de-là les simples énonciations qui ne marquent que des sens partiels : de-là les propositions, les périodes, enfin le discours.

Mais chaque tout, tant partiel que complet, ne forme de sens ou d’ensemble, & ne devient tout que par les rapports que l’esprit met entre les mots qui le composent ; sans quoi on auroit beau assembler des mots, on ne formeroit aucun sens. C’est ainsi qu’un monceau de matériaux & de pierres n’est pas un édifice ; il faut des matériaux, mais il faut encore que ces matériaux soient dans l’arrangement & dans la forme que l’architecte veut leur donner, afin qu’il en résulte tel ou tel édifice : de même il faut des mots ; mais il faut que ces mots soient mis en rapport, si l’on veut qu’ils énoncent des pensées.

Il y a donc deux observations importantes à faire, d’abord sur les mots.

Premierement on doit connoître leur valeur, c’est-à-dire ce que chaque mot signifie.

Ensuite on doit étudier les signes établis en chaque langue, pour indiquer les rapports que celui qui parle met entre les mots dont il se sert ; sans quoi il ne seroit pas possible d’entendre le sens d’aucune phrase. C’est uniquement la connoissance de ces rapports qui donne l’intelligence de chaque sens partiel & du sens total : sunt declinati casus, ut is qui de altero diceret, distinguere posset cùm vocaret, cùm daret, cùm accusaret, sic alia quidem discrimina quæ nos & Græcos ad declinandum duxerunt. Varr. de ling. lat. lib. VII. Par exemple,

Frigidus, agricolam, si quando continet imber.

Virg. Géorg. l. I. v. 259.

Quand on entend la langue, on voit par la terminaison de frigidus, que ce mot est adjectif d’imber ; & on connoît par la terminaison de ces deux mots, imber frigidus, que leur union, qui n’est qu’une partie du tout, fait le sujet de la proposition. On voit aussi par le même moyen, que continet est le verbe de imber frigidus, & que agricolam est le déterminant, ou, comme on dit, le régime de continet. Ainsi quand on a lû toute la proposition, l’esprit rétablit les mots dans l’ordre de leurs rapports successifs : si quando (aliquando) imber frigidus continet agricolam, &c. Les terminaisons & les mots considérés dans cet arrangement, font entendre le sens total de la phrase.

Il paroît par ce que nous venons d’observer, qu’en latin les noms & les verbes changent de terminaison, & que chaque terminaison a son usage propre, & indique le correlatif du mot. Il en est de même en grec & en quelques autres langues. Or la liste ou suite de ces diverses terminaisons rangées selon un certain ordre, tant celles des noms que celles des verbes ; cette liste, dis-je, ou suite, a été appellée déclinaison par les anciens Grammairiens : legi, dit Varron, declinatum est à lego Varr de ling. lat. l. VII. Mais dans la suite on a restreint le nom de conjugaison à la liste ou arrangement des terminaisons des verbes, & on a gardé le nom de déclinaison pour les