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figures de danseurs de corde, gravées d’après des pierres antiques. Les Romains nommoient leurs danseurs de corde funambuli, & Térence en fait mention dans le prologue de son Hecyre ; mais pour abréger, je renvoye sur ce sujet le lecteur à la dissertation d’un savant d’Allemagne, de M. Grodeek. Elle est imprimée à Dantzlck (Gedani) en 1702, in-8°. Je me contenterai d’ajoûter que les Cyzicéniens firent frapper en l’honneur de l’empereur Caracalla une médaille insérée & expliquée par M. Spon dans ses recherches d’antiquités ; & cette seule médaille prouve assez que les danseurs de corde faisoient dans ce tems-là un des principaux amusemens des grands & du peuple.

Bien des gens ont de la peine à comprendre quel plaisir peut donner un spectacle qui agite l’ame, qui l’importune avec inquiétude, qui l’effraye, & qui n’offre que des craintes & des allarmes ; cependant il est certain, comme le dit M. l’abbé du Bos, que plus les tours qu’un voltigeur téméraire fait sur la corde sont périlleux, plus le commun des spectateurs s’y rend attentif. Quand ce sauteur, ce voltigeur fait un saut entre deux épées prêtes à le percer si dans la chaleur du mouvement son corps s’écartoit d’un point de la ligne qu’il doit décrire, il devient un objet digne de toute notre curiosité. Qu’on mette deux bâtons à la place des épées, que le voltigeur fasse tendre sa corde à deux piés de hauteur sur une prairie, il fera vainement les mêmes sauts & les mêmes tours, on ne dédaignera plus le regarder, l’attention du spectateur cesse avec le danger.

D’où peut donc venir ce plaisir extrème qui accompagne seulement le danger où se trouvent nos semblables ? Est-ce une suite de notre inhumanité ? Je ne le pense pas, quoique l’inhumanité n’ait malheureusement que des branches trop étendues : mais je crois avec l’auteur des réflexions sur la Poésie & sur la Peinture, que le plaisir dont il s’agit ici est l’effet de l’attrait de l’émotion qui nous fait courir par instinct après les objets capables d’exciter nos passions, quoique ces objets fassent sur nous des impressions fâcheuses. Cette émotion qui s’excite machinalement quand nous voyons nos pareils dans le péril, est une passion dont les mouvemens remuent l’ame, la tiennent occupée, & cette passion a des charmes malgré les idées tristes & importunes qui l’environnent. Voilà la véritable explication de ce phénomene, & pour le dire en passant, de beaucoup d’autres qui ne semblent point y avoir de rapport ; comme par exemple de l’attrait des jeux de hasard, qui n’est un attrait que parce que ces sortes de jeux tiennent l’ame dans une émotion continuelle sans contention d’esprit ; en un mot, voilà pourquoi la plûpart des hommes sont assujettis aux goûts & aux inclinations qui sont pour eux des occasions fréquentes d’être occupés par des sensations vives & satisfaisantes. Vous trouverez ce sujet admirablement éclairci dans l’ouvrage que j’ai cité, & ce n’est pas ici le lieu d’en dire davantage. Voyez Compassion. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DANTA, s. m. (Hist. nat. des quadrup.) nom que donnent les Espagnols du Pérou au plus grand des quadrupedes de l’Amérique méridionale. Les Portugais du Para l’appellent auté. Il est plus petit & moins gros qu’un bœuf, plus épais & moins élancé que le cerf & l’élan ; il n’a point de cornes, & a la queue fort courte ; il est extrèmement fort & leger à la course, & se fait jour au milieu des bois les plus fourrés. Il ne se rencontre au Pérou que dans quelques cantons boisés de la Cordeliere orientale ; mais il n’est pas rare dans les bois de l’Amazone, ni dans ceux de la Guiane. On le nomme vagra dans la langue du Pérou ; tapiira, dans celle du Bresil ; maypouri, dans la langue Galibi sur les côtes de la Guiane. Comme la terre-ferme, voisine de l’île de Cayenne,

fait partie du continent que traverse l’Amazone, & est contiguë aux terres arrosées par ce fleuve, on trouve dans l’un & dans l’autre pays la plûpart des mêmes animaux. Voilà tout ce que M. de la Condamine dit du danta dans son voyage de l’Amérique méridionale (Mém. de l’acad. des Sc. 1745. p. 468.), & je m’en tiens à sa simple description, parce que celles des autres voyageurs ne s’accordent point ensemble : Marmol, par exemple, assûre que le danta d’Afrique a une corne au milieu de la tête courbée en rond en maniere d’anneau ; ce n’est point-là notre animal qui est sans cornes. Léry donne au danta d’Amérique pour défenses deux dents tournées en rond comme la corne de Marmol. M. de la Condamine ne parle ni de ces deux défenses, ni d’aucune autre singularité du danta. Il en eût été sans doute instruit, mais il n’écrivoit pas ses voyages pour transmettre des faits imaginaires. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

DANTZICK, (Géog. mod.) ville libre & anséatique, & capitale de la Prusse royale & de la Pomerelle en Pologne. Elle est située sur les petites rivieres de Rodaune & de Morlaw, proche la Vistule & le golfe d’Angil, sur la mer Baltique. Long. 36. 40. lat. 54. 22. C’est une ville d’un commerce très-étendu.

DANUBE, s. m. (Géog. mod.) en allemand Douaw, le plus célebre & le plus grand fleuve de l’Europe après le Wolga. Hésiode est le premier auteur qui en ait parlé. (Théog. v. 339). Les rois de Perse mettoient de l’eau de ce fleuve & du Nil dans Gaza avec leurs autres thrésors, pour donner à connoître la grandeur & l’étendue de leur empire. Le Danube prend sa source au-dessous de Toneschingen village de la principauté de Furstemberg, traverse la Soüabe, la Baviere, l’Autriche, la Hongrie, la Servie, la Bulgarie, &c. & finalement se décharge dans la mer Noire par deux embouchures. L’abbé Regnier Desmarais, dans son voyage de Munich, dit assez plaisamment sur le cours de ce fleuve :

Déjà nous avons vû le Danube inconstant,
Qui tantôt Catholique, & tantôt Protestant,
Sert Rome & Luther de son onde,
Et qui comptant après pour rien
Le Romain, le Luthérien,
Finit sa course vagabonde
Par n’être pas même Chrétien.
Rarement à courir le monde
On devient plus homme de bien
.

Le lecteur curieux de connoître le cours du Danube, l’histoire naturelle & géographique d’un grand nombre de pays qu’il arrose, le moderne & l’antique savamment réuni, trouvera tout cela dans le magnifique ouvrage du comte de Marsigly sur le Danube. Il a paru à la Haie en 1726 en 6 volumes in-folio, décorés d’excellentes tailles-douces. Peu de gens ont eu des vûes aussi étendues que son illustre auteur : il y en a encore moins qui ayent eu assez de fortune pour exécuter comme lui ce qu’il a fait en faveur des Sciences. Article de M. le Chevalier de Jaucourt.

* DAPALIS, (Myth.) surnom que les Romains donnoient à Jupiter, comme conservateur des mets & intendant des festins.

* DAPHNÉPHORE, s. m. (Myth.) jeune homme choisi entre les mieux faits, les plus robustes, & les mieux nés, qui pendant les fêtes qu’on célebroit en Grece tous les neuf ans en l’honneur d’Apollon, avoit la fonction de porter la branche de laurier ornée de globes de cuivre, couronné de laurier & de fleurs : ces fêtes s’appelloient daphnéphories ; & le plus remarquable des globes désignoit le Soleil ; les moins considérables étoient des symboles