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pe d’élite vêtue de longues robes blanches commençoit la marche ; deux rangs de jeunes garçons précédoient le cercueil, qui étoit entouré par deux rangs de jeunes vierges. Ils portoient tous des couronnes & des branches de cyprès, & formoient des danses graves & majestueuses sur des symphonies lugubres.

» Elles étoient joüées par plusieurs musiciens qui étoient distribués entre les deux premieres troupes.

» Les prêtres des différentes divinités adorées dans l’Attique, revêtus des marques distinctives de leur caractere, venoient ensuite : ils marchoient lentement & en mesure, en chantant des vers à la loüange du roi mort.

» Cette pompe étoit suivie d’un grand nombre de vieilles femmes couvertes de longs manteaux noirs. Elles pleuroient & faisoient les contorsions les plus outrées, en poussant des sanglots & des cris. On les nommoit les pleureuses, & on regloit leur salaire sur les extravagances plus ou moins grandes qu’on leur avoit vû faire.

» Les funérailles des particuliers formées sur ce modele, étoient à proportion de la dignité des morts, & de la vanité des survivans : l’orgueil est à-peu-près le même dans tous les hommes ; les nuances qu’on croit y appercevoir sont peut-être moins en eux-mêmes, que dans les moyens divers de le développer que la fortune leur prodigue ou leur refuse ». Traité historique de la danse, tome I. liv. II. chap. vj. (B)

Danse des Lacédémoniens. Licurgue, par une loi expresse, ordonna que les jeunes Spartiates dès l’âge de sept ans commenceroient à s’exercer à des danses sur le ton phrygien. Elles s’exécutoient avec des javelots, des épées & des boucliers. On voit que la danse armée a été l’idée primitive de cette institution ; & le roi Numa prit la danse des Saliens de l’une & de l’autre. Voyez Danse des Saliens.

La gymnopédice fut de l’institution expresse de Licurgue. Cette danse étoit composée de deux chœurs, l’un d’hommes faits, l’autre d’enfans : ils dansoient nuds, en chantant des hymnes en l’honneur d’Apollon. Ceux qui menoient les deux chœurs étoient couronnés de palmes. V. Gymnopédice.

La danse de l’innocence étoit très-ancienne à Lacédémone : les jeunes filles l’exécutoient nues devant l’autel de Diane, avec des attitudes douces & modestes, & des pas lents & graves. Hélene s’exerçoit à cette danse lorsque Thésée la vit, en devint amoureux, & l’enleva. Il y a des auteurs qui prétendent que Paris encore prit pour elle cette violente passion qui coûta tant de sang à la Grece & à l’Asie, en lui voyant exécuter cette même danse. Licurgue en portant la réforme dans les lois & les mœurs des Lacédémoniens, conserva cette danse, qui cessa dès-lors d’être dangereuse.

Dans cette république extraordinaire, les vieillards avoient des danses particulieres qu’ils exécutoient en l’honneur de Saturne, & en chantant les loüanges des premiers âges.

Dans une espece de branle qu’on nommoit hormus, un jeune homme leste & vigoureux, & d’une contenance fiere, menoit la danse ; une troupe de jeunes garçons le suivoit, se modeloit sur ses attitudes, & répétoit ses pas : une troupe de jeunes filles venoit immédiatement après eux avec des pas lents & un air modeste. Les premiers se retournoient vivement, se mêloient avec la troupe des jeunes filles, & représentoient ainsi l’union & l’harmonie de la tempérance & de la force. Les jeunes garçons doubloient les pas qu’ils faisoient dans cette danse, tandis que les jeunes filles ne les faisoient que simples ; & voilà toute la magie des deux mouvemens différens des uns & des autres en exécutant le même air. Voyez Hormus. (B)

Danse des Lapithes : elle s’exécutoit au son de la flûte à la fin des festins, pour célébrer quelque grande victoire. On croit qu’elle fut inventée par Pirrithoüs. Elle étoit difficile & pénible, parce qu’elle étoit une imitation des combats des Centaures & des Lapithes : les différens mouvemens de ces monstres moitié hommes & moitié chevaux, qu’il étoit nécessaire de rendre, exigeoient beaucoup de force ; c’est par cette raison qu’elle fut abandonnée aux paysans. Lucien nous apprend qu’eux seuls l’exécutoient de son tems. (B)

Danse de l’Archimime, dans les funérailles des Romains. « On adopta successivement à Rome toutes les cérémonies des funérailles des Athéniens ; mais on y ajoûta un usage digne de la sagesse des anciens Egyptiens.

» Un homme instruit en l’art de contrefaire l’air, la démarche, les manieres des autres hommes, étoit choisi pour précéder le cercueil ; il prenoit les habits du défunt, & se couvroit le visage d’un masque qui retraçoit tous ses traits : sur les symphonies lugubres qu’on exécutoit pendant la marche, il peignoit dans sa danse les actions les plus marquées du personnage qu’il représentoit.

» C’étoit une oraison funebre muette, qui retraçoit aux yeux du public toute la vie du citoyen qui n’étoit plus.

» L’archimime, c’est ainsi qu’on nommoit cet orateur funebre, étoit sans partialité ; il ne faisoit grace, ni en faveur des grandes places du mort, ni par la crainte du pouvoir de ses successeurs.

» Un citoyen que son courage, sa générosité, l’élevation de son ame, avoient rendu l’objet du respect & de l’amour de la patrie, sembloit reparoître aux yeux de ses concitoyens ; ils joüissoient du souvenir de ses vertus ; il vivoit, il agissoit encore ; sa gloire se gravoit dans tous les esprits ; la jeunesse Romaine frappée de l’exemple, admiroit son modele ; les vieillards vertueux goûtoient déja le fruit de leurs travaux, dans l’espoir de reparoître à leur tour sous ces traits honorables quand ils auroient cessé de vivre.

» Les hommes indignes de ce nom, & nés pour le malheur de l’espece humaine, pouvoient être retenus par la crainte d’être un jour exposés sans ménagement à la haine publique, à la vengeance de leurs contemporains, au mépris de la postérité.

» Ces personnages futiles, dont plusieurs vices, l’ébauche de quelques vertus, l’orgueil extrème, & beaucoup de ridicules, composent le caractere, connoissoient d’avance le sort qui les attendoit un jour, par la risée publique à laquelle ils voyoient exposés leurs semblables.

» La satyre ou l’éloge des morts devenoit ainsi une leçon utile pour les vivans. La danse des archimimes étoit alors dans la Morale, ce que l’Anatomie est devenue dans la Physique ». Traité historique de la danse, tome I. liv. II. ch. vij. (B)

Danses lascives. On distinguoit ainsi les différentes danses qui peignoient la volupté. Les Grecs la connoissoient, & ils étoient dignes de la sentir ; mais bientôt par l’habitude ils la confondirent avec la licence. Les Romains moins délicats, & peut-être plus ardens pour le plaisir, commencerent d’abord par où les Grecs avoient fini. V. Dans nuptiale.

C’est aux bacchanales que les danses lascives dûrent leur origine. Les fêtes instituées par les bacchantes pour honorer Bacchus, dont on venoit de faire un dieu, étoient célebrées dans l’ivresse & pendant les nuits ; de-là toutes les libertés qui s’y introduisirent : les Grecs en firent leurs délices, & les Romains les adopterent avec une espece de fureur, lorsqu’ils eurent pris leurs mœurs, leurs arts, & leurs vices. (B)