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Comme je ne cherche que les sons propres de chaque lettre de notre langue, désignés par un seul caractere incommunicable à tout autre son, je ne donne ici au c que le son fort qu’il a dans les syllabes ca, co, cu. Le son doux ce, ci, appartient au s ; & le son ze, zi, appartient à la lettre z.

D, d. de. David, un dé, Diane, dodu, duché, douleur, deux, demander.
F, f, fe. Faveur, féminin, fini, forêt, funeste, le four, le feu, femelle.
G, g dur gue. Gaje, guérir, guide, à gogo, guttural, goulu, gueux, guedé.

Je ne donne ici à ce caractere que le son qu’il a devant a, o, u ; le son foible ge, gi, appartient au j.

J, j. je. Jamais, Jésuite, j’irai, joli, jupe, joue, jeu, jetter, jetton.

Le son du j devant i a été donné dans notre ortographe vulgaire au g doux, gibier ; gîte, giboulée, &c. & souvent malgré l’étymologie, comme dans ci gît, hic jacet. Les partisans de l’ortographe vulgaire ne respectent l’étymologie, que lorsqu’elle est favorable à leur préjugé.

L, l. le. La, légion, livre, loge, la lune, Louis, leurrer, leçon.
M, m, me. Machine, médisant, midi, morale, muse, moulin, meunier, mener.
N, n, ne. Nager, Néron, Nicole, novice, nuage, nourrice, neutre, mener.
P, p, pe. Pape, péril, pigeon, pommade, punition, poupée, peuple, pelé, pelote.
R, r, re. Ragoût, regle, rivage, Rome, rude, rouge, Reutlingen, ville de Suabe, revenir.
S, s, se. Sage, séjour, Sion, Solon, sucre, souvenir, seul, semaine.
T, t, te. Table, ténebres, tiarre, tonnerre, tuteur, Toulouse, l’ordre Teutonique en Allemagne, tenir.
V, v, ve. Valeur, vélin, ville, volonté, vulgaire, vouloir, je veux venir.
Z, z, ze. Zacharie, zéphire, zizanie, zone, Zurich, ville en Suisse.

Je ne mets pas ici la lettre x, parce qu’elle n’a pas de son qui lui soit propre. C’est une lettre double que les copistes ont mise en usage pour abréger. Elle fait quelquefois le service des deux lettres fortes cs, & quelquefois celui des deux foibles gz.

x pour cs. x pour gz.
Exemples. Prononcez. Exemples. Prononcez.
Axe, ac-se, Examen, eg-zamen.
Axiome, ac-siome. Exemple, eg-zemple.
Alexandre, Alec-sandre. Exaucer, eg-zaucer.
Fluxion, fluc-sion. Exarque, Eg-zarque.
Sexe, sec-se. Exercice, eg-zercice.
Taxe, tac-se, Exil, eg-zil.
Vexé, vec-sé. Exiger, eg-ziger.
Xavier, Csa-vier. Exode, eg-zode.
Xenophon, Cse-nophon. Exhorter, eg-zhorter.

A la fin des mots, l’x a en quelques noms propres le son de cs : Ajax, Pollux, Styx, on prononce Ajacs, Pollucs, Stycs. Il en est de même de l’adjectif préfix, on prononce préfics.

Mais dans les autres mots que les maîtres à écrire, pour donner plus de jeu à la plume, ont terminé par un x, ce x tient seulement la place du s, comme dans je veux, les cieux, les yeux, la voix, six, dix, chevaux, &c.

Le x est employé pour deux s dans soixante, Bruxelle, Auxone, Auxerre, on dit Ausserre, soissante, Brusselles, Aussone, à la maniere des Italiens qui n’ont point de x dans leur alphabet, & qui employent les deux ss à la place de cette lettre : Alessandro, Alessio.

On écrit aussi, par abus, le x au lieu du z, en ces mots sixieme, deuxieme, quoiqu’on prononce sizieme, deuzieme. Le x tient lieu du c dans excellent, prononcez eccellent.

Voilà déjà quinze sons consonnes désignés par quinze caracteres propres ; je rejette ici les caracteres auxquels un usage aveugle a donné le son de quelqu’un des quinze que nous venons de compter, tels sont le k & le q, puisque le c dur marque exactement le son de ces lettres. Je ne donne point ici au c le son du s, ni au s le son du z. C’est ainsi qu’en Grec le κ cappa est toûjours cappa, le σ sigma toûjours sigma ; de sorte que si en Grec la prononciation d’un mot vient à changer, ou par contraction, ou par la forme de la conjugaison, ou par la raison de quelque dialecte, l’ortographe de ce mot se conforme au nouveau son qu’on lui donne. On n’a égard en Grec qu’à la maniere de prononcer les mots, & non à la source d’où ils viennent, quand elle n’influe en rien sur la prononciation, qui est le seul but de l’ortographe. Elle ne doit que peindre la parole, qui est son original ; elle ne doit point en doubler les traits, ni lui en donner qu’il n’a pas, ni s’obstiner à le peindre à présent tel qu’il étoit il y a plusieurs années.

Au reste les réflexions que je fais ici n’ont d’autre but, que de tâcher de découvrir les sons de notre langue. Je ne cherche que le fait. D’ailleurs je respecte l’usage dans le tems même que j’en reconnois les écarts & la déraison, & je m’y conforme malgré la réflexion sage du célebre prote de Poitiers & de M. Restaut, qui nous disent qu’il est toûjours louable en fait d’ortographe de quitter une mauvaise habitude pour en contracter une meilleure, c’est-à-dire plus conforme aux lumieres naturelles & au but de l’art. Traité de l’ortographe en forme de dictionnaire, édit. de 1739, page 421. & IV. édition corrigée par M. Restaut, 1752, page 635.

Que si quelqu’un trouve qu’il y a de la contrariété dans cette conduite, je lui répons que tel est le procédé du genre humain. Agissons-nous toûjours conformément à nos lumieres & à nos principes ?

Aux quinze sons que nous venons de remarquer, on doit en ajoûter encore quatre autres qui devroient avoir un caractere particulier. Les Grecs n’auroient pas manqué de leur en donner un, comme ils firent à l’e long, à l’o long, & aux lettres aspirées. Les quatre sons dont je veux parler ici, sont le ch qu’on nomme che, le gn qu’on nomme gne, le ll ou lle qui est un son mouillé fort, & le y qu’on nomme qui est un son mouillé foible.