Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/585

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pendant seulement sur les plantes dont elle a emprunté le nom, ces noms marquent qu’elle se trouve plus communément sur ces plantes, mais elle se rencontre sur plusieurs autres. On la voit souvent sur l’ivraye, le genêt, le chardon, la garence. On l’a vûe sur le thlaspi, appellé par les fleuristes tharaspic, sur le laiteron, la mille-feuille, le chanvre, le serpolet, l’hyssope, la lavande, &c. enfin elle s’attache sur plusieurs plantes à la fois, elle embrasse toutes celles qu’elle trouve à sa portée ; quelquefois, ce qui est assez singulier, elle se suce elle-même. On trouve souvent des branches où elle s’est cramponée, & où elle a insinué la partie avec laquelle elle tire des autres plantes le suc qui la doit nourrir. En un mot la cuscute pousse également ses tiges en tout sens ; toute direction lui est bonne, & c’est par le moyen de petits tubercules que ses tiges s’attachent, s’entortillent autour des autres plantes de bas en-haut, de haut en-bas, ou s’étendent par-dessus horisontalement. Entrons dans les détails.

Cette plante a d’abord pour racine un filet qui pénetre la terre où il se desseche bientôt ; alors elle n’a pour racines que des tubercules coniques, d’environ une ligne de longueur & d’une demi-ligne dans leur plus grande largeur, arrangés au nombre de deux, trois, ou quatre, jusqu’à celui de douze, quinze, ou vingt, sur la partie concave des courbures de la tige, qui est dans ces endroits plus grosse, plus renflée que dans le reste. Ces tubercules sont d’abord fermés à leur pointe, ensuite ils s’ouvrent, s’évasent, prennent la forme d’une ventouse, dont les bords seroient chagrinés, & s’attachent à la plante qui doit nourrir la cuscute.

Ses tiges sont rondes, cassantes, épaisses d’une ligne au plus, longues depuis un demi-pié jusqu’à 2 piés, & même plus, coupées de plusieurs nœuds, qui donnent naissance à des branches semblables aux tiges, & qui poussent de leurs nœuds d’autres branches qui se ramifient ainsi plusieurs fois. A chacun des nœuds se trouve placée alternativement de chaque côté des tiges & des branches une petite feuille courbe, large dans son milieu d’environ une ligne, qui finit en pointe, & qui embrasse une ou plusieurs jeunes branches, selon qu’il en a poussé, & souvent un bouquet composé de plusieurs fleurs, qui par leur réunion forment un corps demi-sphérique.

Le calice de ces fleurs est d’une seule piece en forme de cloche, épais & solide dans son fond, découpé en quatre ou cinq parties pointues qui n’ont point de nervures.

La fleur est d’une seule piece, de la forme du calice, divisée également en quatre ou cinq parties semblables, sans nervures. Ces parties s’ouvrent beaucoup, & s’étendent horisontalement lorsque la fleur est avancée ; elles sont placées, par rapport à celles du calice, de façon qu’une partie de la fleur se trouve entre deux de celles du calice. Cette fleur ne tombe point.

Les étamines sont quatre ou cinq en nombre ; leurs filets sont coniques, attachés à la fleur depuis son fond jusqu’à l’endroit où elle commence à se diviser ; leur poussiere très-menue paroît à la loupe être composée de petits grains sphériques. On observe à l’endroit où les étamines sont attachées à la fleur, une frange découpée dans son pourtour en quatre ou cinq parties.

Le pistil est placé au milieu de la fleur & sur son fond qu’il perce, de sorte qu’on l’enleve aisément avec la fleur.

L’embrion est une capsule qui devient un fruit arrondi, applati en-dessus, renfermant quatre graines arrondies par un bout, & finissant à l’autre bout par une petite pointe courbe.

La plante est contournée dans le sens de la courbure de la graine.

On peut donc maintenant établir le caractere générique de la cuscute. Le calice est en cloche, découpé en cinq parties, & sert d’enveloppe aux graines. La fleur est monopétale, & ne tombe qu’avec le fruit. Les étamines sont cinq en nombre. Le nectarium ou l’alvéole est une frange à simple découpure. Le pistil est placé au milieu de la fleur. L’embrion est une capsule arrondie, qui s’ouvre horisontalement & renferme quatre semences. La plantule est tournée en spirale dans la semence. La plante est monocotyledone.

Il n’y a qu’une espece de cuscute connue ; de sorte que les plantes que l’on a toûjours appellées du nom de grande & de petite cuscute, ne sont en réalité que la même plante : ainsi tous les synonymes que l’on leur a donnés ne doivent appartenir qu’à une seule. Les différences que l’on a tirées de la couleur rouge ou jaune que prennent quelquefois les branches, ne peuvent former des especes. Si l’on met les branches de l’une ou l’autre couleur sur une plante qui soit à l’ombre, alors elles perdent cette couleur & deviennent blanchâtres. Il faudroit donc désigner la cuscute par son nom seul comme a fait M. Guettard, cuscute à feuilles alternes & à fleurs conglobées ; & puisqu’il n’y a qu’une seule espece de cuscute, ce nombre prodigieux d’expressions & phrases différentes employées pour la caractériser doit être rejetté. La baselle d’Amérique, que Linnæus range avec la cuscute, est dicotyledone, & conséquemment d’un genre bien différent de celui de la cuscute.

Tous les pays chauds, froids, tempérés, produisent la cuscute. Elle vient en Suede, dans les Alpes, en Suisse, en Angleterre, par toute la France, en Italie, même en Egypte ; & nous devons à M. de Tournefort, dans ses voyages du Levant, une belle description de celle d’Arménie.

Quand les différens commentaires sur les anciens botanistes, comme celui de Mathiole, de Valerius Cordus sur Dioscoride, & le traité de Jean le Febvre contre Scaliger, traité où une érudition profonde se trouve mêlée à une diction pleine de fiel : quand, dis-je, ces différens ouvrages ne prouveroient pas que la plante que nous connoissons sous le nom de cuscute ou l’épithyme, est celle que les anciens connoissoient, une semblable discussion ne seroit plus du goût qui regne à présent, au moins en France. Mais il paroît que ce trait historique de la cuscute est bien constaté par le travail pénible & assidu des savans que je viens de nommer.

Nous avons vû que la cuscute naît en terre, qu’elle y pousse une espece de filet ou racine, au moyen de laquelle elle s’éleve pour s’attacher aux plantes qu’elle rencontre, & faute desquelles elle périroit bientôt ; mais ce qui est bien digne d’observation, c’est qu’avant cette rencontre on n’y remarque aucun organe propre à s’attacher aux plantes, ou à en tirer la nourriture.

Ils existent cependant ces organes, mais ils ne sont pas développés, & ne le seroient jamais sans la rencontre d’une autre plante ; point délicat sur lequel M. Guettard n’a pû s’éclaircir que par des observations réitérées, aidés de l’anatomie la plus exacte.

Les tiges de la cuscute contiennent des vaisseaux longitudinaux, & une substance parenchymateuse ou vésiculaire ; lorsqu’un corps étranger est enveloppé par ses tiges, le pli ou la courbure y produisent deux effets différens ; dans la partie extérieure, l’écorce a la liberté de croître, & par conséquent les vaisseaux & les vésicules de ce côté ne sont point gênés : mais dans la partie concave de la courbure, l’écorce plissée n’a pas la liberté de s’étendre ; bientôt les vésicules y font des ouvertures, & paroissent sous la figure des mammelons qui s’attachent & se collent à la plante, aux dépens de laquelle la cuscute