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déboursés qui auroient été faits par le seigneur ou le vassal ; celui qui a succombé ne doit point d’autres dépens que ces déboursés : mais s’ils plaidoient en un autre tribunal, celui qui succomberoit pourroit être condamné en tous les dépens. Basnage, sur le tit. de jurisdict. art. 35. (A)

CURIE, s. f. (Hist. rom.) en latin curia ; portion d’une tribu chez les anciens Romains.

Romulus divisa le peuple Romain en trois tribus, qui formerent trente curies, parce que chaque tribu fut composée de dix curies, c’est-à-dire de mille hommes. Les cérémonies des fêtes se faisoient dans un lieu sacré destiné à chaque curie, dont le prêtre ou le sacrificateur s’appella curion, à sacris curandis, parce qu’il avoit soin des sacrifices. Le peuple s’assembloit par curies dans la place de Rome appellée comitium, pour y gérer toutes les affaires de la république. Il ne se prenoit aucune résolution, soit pour la paix, soit pour la guerre, que dans ces assemblées. C’est là qu’on créoit les rois, qu’on élisoit les magistrats & les prêtres, qu’on établissoit des lois, & qu’on administroit la justice. Le roi de concert avec le sénat, convoquoit ces assemblées, & décidoit par un sénatus-consulte du jour qu’on devoit les tenir, & des matieres qu’on y devoit traiter. Il falloit un second sénatus-consulte pour confirmer ce qui y avoit été arrêté. Le prince ou premier magistrat présidoit à ces assemblées, qui étoient toûjours précédées par des auspices & par des sacrifices, dont les patriciens étoient les seuls ministres.

Les curies subsisterent dans toutes leurs prérogatives jusqu’à Servius Tullius, qui ayant trouvé par son dénombrement la république accrue d’un très grand nombre de citoyens capables de porter les armes, les partagea en six classes générales, & composa chaque classe d’un nombre plus ou moins grand de centuries. Il établit en même tems, & du consentement de la nation, qu’on recueilleroit à l’avenir les suffrages par centuries, au lieu qu’ils se comptoient auparavant par têtes. Depuis lors les assemblées par curies ne se firent guere que pour élire les flamines, c’est-à-dire les prêtres de Jupiter, de Mars, de Romulus ; comme aussi pour l’élection du grand curion & de quelques magistrats subalternes. De cette maniere les affaires importantes de la république ne se déciderent plus d’ordinaire que par centuries. Nous en exposerons la maniere dans le supplément de cet Ouvrage au mot Centurie, parce que cette connoissance est indispensable pour entendre l’histoire romaine, qui de toutes les histoires est la plus intéressante. Cependant le peuple chercha toûjours à faire par curies les assemblées qu’on avoit coûtume de faire par centuries, & à faire par tribus, qui leur donnoient encore plus d’avantage, les assemblées qui se faisoient par curies. Ainsi quand l’on établit en faveur du peuple les nouvelles magistratures de tribuns & d’édiles, le peuple obtint qu’il s’assembleroit par curie pour les nommer ; & quand sa puissance fut affermie, il obtint qu’ils seroient nommés dans une assemblée par tribus. Voyez Tribu.

Varron dérive le mot curie du latin cura, soin, comme qui diroit une assemblée de gens chargés du soin des affaires publiques, ou qui se tient pour en prendre soin ; & cette étymologie me paroît la plus vraissemblable de toutes.

Quand les curies, curiæ, furent abolies, le nom curia passa au lieu où le sénat se tenoit ; & c’est peut-être de-là qu’est venu le mot de cour, que nous employons pour signifier tout corps de juges & de magistrats. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

CURIEUX, s. m. (Hist. anc.) curiosus ; officier de l’empire romain sous les empereurs du moyen âge, commis pour empêcher les fraudes & les malversations, sur-tout en ce qui regardoit les postes &

les voitures publiques, & pour donner avis à la cour de tout ce qui se passoit dans les provinces.

Cet emploi rendoit les curieux redoutables, & leur donnoit le moyen de faire beaucoup plus de mal qu’ils n’en empêchoient ; ce qui fit qu’Honorius les cassa dans quelques parties de l’empire, l’an 415 de J. C.

Ce nom revient à-peu-près à ce que nous appellerions contrôleurs. On les appelloit curieux du mot cura, soin, quod curis agendis & evectionibus cursus publici inspiciendis operam darent. Dictionn. de Trévoux & Chambers.

Académie des curieux de la Nature, voyez Académie. Voyez aussi Curiosité. (G)

Curieux, adj. pris subst. Un curieux, en Peinture, est un homme qui amasse des desseins, des tableaux, des estampes, des marbres, des bronzes, des médailles, des vases, &c. ce goût s’appelle curiosité. Tous ceux qui s’en occupent ne sont pas connoisseurs ; & c’est ce qui les rend souvent ridicules, comme le seront toûjours ceux qui parlent de ce qu’ils n’entendent pas. Cependant la curiosité, cette envie de posséder qui n’a presque jamais de bornes, dérange presque toûjours la fortune ; & c’est en cela qu’elle est dangereuse. Voyez Amateur. (R)

CURIGA, (Géog. mod.) ville & royaume d’Asie dans la presqu’île de l’Inde, en-deçà du Gange, sur la côte de Malabar, tributaire du roi de Calicut.

CURION, s. m. (Hist. anc.) curio ; chef & prêtre d’une curie. Voyez Curie.

Romulus ayant divisé le peuple romain en trois tribus & en trente curies, dont chacune étoit de cent hommes, donna à chaque curie un chef, qui étoit le prêtre de cette curie, & qu’on appella curio, & flamen curialis.

C’étoit lui qui faisoit les sacrifices de la curie, qui s’appelloient curionies, curionia : sa curie lui donnoit quelque somme d’argent pour cela. Cette pension ou ces appointemens s’appelloient curionium.

C’étoit chaque tribu qui choisissoit son curion. Mais tous ces curions avoient un supérieur & un chef, un curion général qui étoit à la tête du corps & qui gouvernoit les autres. On l’appelloit grand curion, curio maximus. Celui-ci étoit élu par toutes les curies assemblées dans les comices, qu’on nommoit curiata. Voyez Comices.

Toutes ces institutions furent faites par Romulus, & confirmées par Numa, au rapport de Denis d’Halicarnasse.

Quelques auteurs disent qu’il y avoit deux curions dans chaque curie. Dictionn. de Trév. & Chambers.

Jule Capitolin nomme aussi curions certains crieurs publics, qui dans les jeux & les spectacles lisoient les requêtes que les comédiens adressoient au prince ou au peuple. (G)

CURIOSITÉ, sub. f. (Mor. Arts & Scienc.) desir empressé d’apprendre, de s’instruire, de savoir des choses nouvelles. Ce desir peut être loüable ou blâmable, utile ou nuisible, sage ou fou, suivant les objets auxquels il se porte.

La curiosité de connoître l’avenir par le secours des sciences chimériques, que l’on imagine qui peuvent les dévoiler, est fille de l’ignorance & de la superstition. Voyez Astrologie & Divination.

La curiosité inquiete de savoir ce que les autres pensent de nous, est l’effet d’un amour-propre desordonné. L’empereur Adrien qui nourrissoit cherement cette passion dans son cœur, devoit être un malheureux mortel. Si nous avions un miroir magique, qui nous découvrît sans cesse les idées qu’ont sur notre compte tous ceux qui nous environnent, il vaudroit mieux le casser que d’en faire usage. Contentons-nous d’observer la droiture dans nos actions, sans chercher curieusement à pénétrer le jugement qu’en