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ne different du crystal de roche ordinaire que par la couleur qui leur est purement accidentelle.

On peut aussi colorer le crystal de roche par art : en voici le procédé, suivant Néri. On prend d’orpiment & d’arsenic blanc de chacun deux onces, d’antimoine crud & de sel ammoniac de chacun une once ; on pulvérise ces matieres, on les mêle bien exactement, & on les met dans un creuset assez grand ; on place par-dessus ce mêlange des morceaux de crystal de roche ; on couvre le creuset d’un autre creuset renversé, au fond duquel est une petite ouverture pour laisser passage à la fumée qui est dangereuse ; on les lutte avec soin ; ensuite on place le creuset qui contient les matieres dans un fourneau au milieu des charbons ; on laisse le feu s’allumer peu-à-peu ; & quand il sera une fois allumé, on le laissera continuer jusqu’à ce qu’il s’éteigne de lui-même : on laissera refroidir le tout ; pour lors on retirera du creuset les morceaux de crystal qui seront de différentes couleurs, de topase, de rubis, de chrysolite, &c. mais Kunckel prétend avec raison que cette couleur ne pénetre point le crystal, & ne s’y attache que superficiellement. Voyez l’art de la Verrerie de Neri, page 167.

Les propriétés du crystal de roche sont les mêmes que celles de toutes les pierres qu’on nomme vitrifiables, c’est-à-dire de donner des étincelles lorsqu’on les frappe avec un briquet d’acier, & d’entrer en fusion lorsqu’on y mêle une certaine quantité d’alkali fixe : on s’en est quelquefois servi pour imiter les pierres précieuses ; pour lors on y joint deux ou trois parties de plomb pour en faciliter la fusion, avec quelque substance métallique propre à donner au mêlange la couleur qu’on demande.

Beccher prétend avoir connu un dissolvant, au moyen duquel il réduisoit le crystal en une masse gélatineuse transparente, propre à recevoir toutes sortes de formes comme la cire. Voyez Becheri, Physica subterranea, pag. 65. Il y a encore des gens qui ont prétendu avoir le secret de faire avec le crystal une liqueur, dont une partie jointe avec deux parties d’eau commune, avoit la propriété de la changer au bout d’un certain tems en une véritable pierre. L’art de la Verrerie nous fournit les moyens d’imiter par art le crystal de roche ; on pourra les voir dans l’article suivant. Voyez Crystal factice.

Il s’est trouvé des medecins ou plûtôt des charlatans, qui ont attribué des vertus merveilleuses au crystal de roche dans certaines maladies ; ils en recommandoient l’usage interne, prétendant qu’il étoit propre à guérir les obstructions, la pierre, &c. & que réduit en poudre, il faisoit les mêmes fonctions qu’une terre absorbante. Cette prétention est si absurde, que nous ne nous arrêterons point à la réfuter : nous nous contenterons de remarquer que le crystal de roche ne peut pas faire plus de bien en Medecine, que des caillous ou du verre pilés. Nous nous dispenserons donc de parler des préparations puériles du crystal de roche, que l’on rencontre dans quelques auteurs. (—)

Crystal factice, (Chimie.) Pour faire un beau crystal, qui n’est proprement qu’un beau verre blanc, il est important de commencer par bien purifier la potasse qu’on veut y faire entrer ; ce qui se fait en la dissolvant dans de l’eau bien claire, en laissant tomber au fond du vase, où l’on fait dissoudre ce sel, toutes les saletés qui peuvent s’y trouver : on décante ensuite l’eau, on la filtre, on la met ensuite évaporer à siccité, on casse en morceaux le sel qui reste, & on le fait calciner doucement ; on le dissout de nouveau dans de l’eau, & on la filtre de nouveau ; plus on réitere ces opérations, plus le crystal qu’on veut faire sera blanc & clair : mais lors-

qu’on veut donner une couleur au crystal, une seule

purification suffira.

L’on prend ensuite des caillous (les meilleurs sont les pierres à fusil noires), on les fait rougir au fourneau, & lorsqu’elles sont bien rouges, on les éteint dans l’eau froide : cette opération les rend plus tendres & plus friables ; on la fait donc à plusieurs reprises, après quoi on les réduit en une poudre impalpable dans un mortier de marbre ; car ceux qui sont de métaux ne valent rien pour cet usage, parce qu’il se détache toûjours quelques particules métalliques qui contribuent à ternir l’éclat & la blancheur du crystal. Par la même raison, le pilon doit être de bois. Lorsque les caillous calcinés sont réduits en une poudre bien fine, & nettoyés de toute saleté par de fréquentes lotions, on met cette poudre sécher, en observant de la ranger à l’abri de toute ordure.

Les choses ainsi disposées, on prend 60 livres de ces caillous en poudre, & 46 livres de sel alkali fixe purifié comme il a été dit ci-dessus ; on les mêle ensemble bien exactement sur une table de marbre, & on les met en fusion dans un creuset ou pot placé au fourneau de verrerie : plus le mêlange y reste, plus le crystal devient beau ; cependant en général quatre jours suffisent, pourvû que le feu soit violent ; & au bout de ce tems, le crystal est en état d’être travaillé.

Outne cette méthode qui est de Neri, dans son art de la Verrerie, le célebre Kunckel en donne quelques autres dans son commentaire sur le même ouvrage ; on a cru les devoir joindre ici. Voici la premiere.

Prenez du sable blanc très-fin & bien purifié, ou, ce qui vaut encore mieux, de caillous préparés comme on l’a dit ci-dessus, 150 livres ; de potasse bien purifiée, 100 livres ; de craie, 20 livres ; de bonne maganese, 5 onces : on mêle exactement ces matieres, on les laisse long-tems en fusion ; on aura par ce moyen un crystal très-beau. Si les matieres dont on s’est servi ont été bien purifiées, le crystal sera toûjours fort blanc & transparent. On peut s’en servir pour contrefaire toutes sortes de pierres précieuses transparentes, en y portant les matieres colorantes propres à chaque pierre précieuse qu’on veut imiter.

Si on veut préparer un crystal propre à contrefaire les pierres précieuses non transparentes, telles que les turquoises, les agates, les jaspes, &c. voici la méthode que Kunckel indique.

On prendra 60 livres de sable ou de caillous blancs pulvérisés & préparés comme nous avons dit, 40 livres de potasse, 10 livres d’os ou de corne de cerf calcinée ; on aura soin de bien mêler ces différentes matieres, qu’on mettra en fusion : ce crystal au sortir du fourneau est clair & transparent ; mais lorsqu’on l’a travaillé, si on le remet au feu, il devient opale ou d’un blanc de lait, à proportion du plus ou du moins de corne de cerf ou d’os calcinés qu’on y aura fait entrer, & suivant qu’on le remet au feu plus ou moins souvent.

Voici une autre maniere qui est plus couteuse, mais qui fournit un crystal encore plus beau : c’est de prendre de caillous blancs ou de pierres à fusil calcinés & préparés, 130 livres ; de salpetre purifié & pulvérisé, 70 livres ; de borax, 12 livres ; tartre purifié, 12 livres ; d’arsenic, 5 livres ; d’os ou de corne de cerf, 15 livres plus ou moins à volonté : c’est-à-dire que si on ne veut qu’une couleur opale, 12 liv. suffiront ; si on veut le crystal d’un blanc d’ivoire ou de lait, on peut y en faire entrer davantage ; c’est à chacun à en faire l’épreuve en petit. Cette derniere maniere est la meilleure pour contrefaire toutes sortes de pierres précieuses non transparentes : ces différentes recettes sont tirées de l’art de Verrerie de Neri, Merret, & Kunckel, pag. 100. & suiv. & pag. 149. de la traduction françoise. Voyez, à l’article Verrerie,