Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 4.djvu/528

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fenseurs fut le duc de Lunebourg, dont la Cryptographie fut imprimée en 1624 in-fol. & Naudé dit que ce prince a si bien éclairci toutes les obscurités de Tritheme, & si heureusement mis au jour tous ses prétendus mysteres, qu’il a pleinement satisfait la curiosité d’une infinité de gens qui souhaitoient de savoir ce que c’étoit que cet art prétendu magique. Caramuel donna aussi, dans le même dessein, une Stéganographie en 1635. Le P. Gaspard Schot, Jésuite allemand, & un autre Allemand nommé Heidel, ont aussi donné des traités de Cryptographie ou de Stéganographie. Voyez Stéganographie.

Jean-Baptiste de la Porte Napolitain, a fait cinq livres sur la même matiere ; & le chancelier Bacon en a aussi traité dans ce qu’il dit de l’accroissement des Sciences. Baillet, Jugem. des sav. tom. II. p. 530. Voyez Chiffre & Déchiffrer. (G)

CRYSTAL, CRYSTAUX, ou CRYSTALLISATIONS, (Hist. nat. Min.) Dans l’histoire naturelle on nomme crystal ou crystaux, toutes les substances minérales qui prennent d’elles-mêmes & sans le secours de l’art, une figure constante & déterminée : il y a donc autant de différentes especes de crystaux, qu’il y a de substances qui affectent une figure réguliere : un grand nombre de pierres calcaires, gypseuses, vitrifiables, réfractaires de métaux, de demi-métaux ; les pyrites, le soufre, &c. sont dans ce cas, & prennent une forme distinctive à laquelle il est aisé de les reconnoître.

Il y a tout lieu de croire que ce phénomene s’opere dans la nature de la même maniere & suivant les mêmes lois que la crystallisation des sels se fait dans le laboratoire du chimiste. Voyez l’art. Crystallisation. On ne trouvera rien d’étonnant à ce phénomene, si on fait attention qu’il y a dans la nature un dissolvant généralement répandu, qui est propre à mettre en dissolution une infinité de substances terreuses, pierreuses, métalliques, &c. & qui peut former avec ces substances un grand nombre de combinaisons différentes : ce dissolvant est l’acide vitriolique. La Chimie nous fournit dans le sel, vulgairement appellé séléniteux, un exemple très-frappant de ces combinaisons, qui peut nous faire juger d’un grand nombre d’autres.

Ce sel est, comme on sait, formé par l’union de l’acide vitriolique avec une terre absorbante ; il donne par la crystallisation, des crystaux très-difficiles à dissoudre, au point que, suivant les observations de M. Roüelle, ils exigent cinq ou six cents fois leur poids d’eau pour être mis en dissolution.

Outre l’acide vitriolique qui est propre au regne minéral, l’acide nitreux du regne végétal peut encore être porté accidentellement dans le sein de la terre, & y produire différens effets. L’acide du sel marin se trouve aussi dans certains endroits de la terre, comme on peut en juger par le sel gemme qui se trouve dans les mines. On pourra croire aussi qu’il s’y trouve du sel animal, si l’on fait attention à la prodigieuse quantité d’animaux, de quadrupedes & de poissons qui ont été engloutis dans la terre, soit par les déluges, soit par d’autres révolutions arrivées à notre globe.

Il y a tout lieu de croire que la nature, dont les voies sont variées à l’infini, trouve les moyens de faire agir ces différens dissolvans sur une infinité de différentes substances, & de produire par-là une variété prodigieuse de phénomenes & de combinaisons que l’art ne peut point imiter. Ces phénomenes dépendent peut-être du plus ou du moins de force de ces dissolvans, de la quantité d’eau dont ils ont été étendus, de la base ou matiere à laquelle les acides s’unissent, de l’évaporation plus ou moins lente, & même de la nature du filtre au-travers duquel la matiere en dissolution a passé ; circonstances qui sem-

blent toutes concourir à la formation des différens crystaux. Une chose qui prouve incontestablement que les crystaux ont été d’abord dans une état de fluidité, ce sont les matieres étrangeres, telles que les gouttes d’eau, des insectes, des plantes, &c. qui s’y trouvent souvent renfermés. Cette conjecture est confirmée par l’expérience de M. Roüelle, qui ayant trouvé de l’eau dans l’intérieur de quelques pierres, l’a recueillie avec soin ; & après l’avoir mise en évaporation, a obtenu des crystaux parfaitement semblables à ceux qui se forment naturellement.

La figure des crystaux varie considérablement dans le regne minéral, & il seroit trop long d’en faire ici l’énumération. En parlant de chaque substance susceptible de crystallisation, on indiquera la figure que ces crystaux affectent le plus ordinairement. Les Naturalistes ont été partagés sur la cause de ces variétés. M. Linnæus a prétendu que les crystaux en étoient redevables aux différens sels qui entroient dans leur composition, & qui, selon lui, en déterminent la figure. Sur ce principe il appelle chaque crystal du nom du sel avec lequel il a le plus d’analogie. C’est ainsi, par exemple, qu’il nomme le crystal de roche, nitrum quartzosum album, à cause de la conformité de sa figure avec celle des crystaux du nitre.

Ce système est réfuté par M. Wallerius, qui soupçonne que c’est la base, c’est-à-dire la substance terreuse ou métallique à laquelle l’acide s’est uni, qui détermine la figure des crystaux. Il s’appuie dans sa conjecture sur ce que la plûpart des métaux mis en dissolution dans les différens acides, donnent constamment des crystaux d’une figure uniforme, & propres au métal avec lequel l’acide a été combiné. Ce même naturaliste se fonde encore sur ce qu’un grand nombre de métaux affectent toûjours dans leur minéralisation une figure certaine & déterminée. C’est ainsi que le plomb dans sa mine prend toûjours une forme cubique, l’étain une forme polygone, &c. Voyez la minéralogie de Wallerius, tome I. pag. 228. & suiv.

Sans entrer dans la discussion de ces différens sentimens, il paroît que l’on n’a point encore fait assez d’observations pour décider la question ; il suffit de remarquer qu’il y a lieu de croire que c’est souvent l’une de ces causes, souvent l’autre, quelquefois toutes les deux à la fois, quelquefois enfin des accidens, qui semblent concourir à la figure des différens crystaux.

De même que les crystaux different les uns des autres par la figure, on y remarque aussi une grande variété par les couleurs. Les Naturalistes appellent communément fluores, les crystaux colorés, de quelque nature qu’ils soient ; c’est ainsi qu’ils appellent les crystaux de spath colorés, fluores spathici, &c. Il n’est point douteux que les couleurs que nous voyons dans les différens crystaux, ne viennent de substances métalliques mises en dissolution dans le sein de la terre, & entraînées par les eaux, ou élevées sous la forme de vapeurs qui sont venues se joindre à la matiere encore liquide dont les crystaux doivent être formés. En effet, la Chimie suffit pour nous convaincre que la plûpart des métaux fournissent des couleurs qui leur sont propres : c’est ainsi que le cuivre dissous dans quelques dissolvans, donne du verd, & du bleu dans d’autres ; le plomb donne du jaune, le fer donne du rouge, &c. Souvent la couleur pénetre entierement les crystaux, quelquefois elle n’y est attachée que superficiellement, & elle forme une espece d’enduit qui les couvre ; d’autres fois n’ayant pas été en quantité suffisante pour colorer tout le crystal, il y en a une partie qui est restée blanche & transparente, tandis qu’une autre est parfaitement colorée. Souvent on trouve des pyrites & des particules terreuses ou métalliques attachées à la surface