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familles espagnoles proprement dites & les mestines, les deux autres sortes de familles qu’on distingue dans ces contrées ; mais elles ne peuvent parvenir aux grandes dignités. Si cette politique est réelle, elle n’a pû manquer d’être suivie des inconvéniens les plus fâcheux, comme d’exciter entre les habitans d’un même pays les dissensions & la haine, d’affoiblir l’attachement à la domination dans l’esprit des mécontens, & de tenir le gouvernement en allarmes, & toûjours attentif aux différens mouvemens d’un grand nombre de sujets dont il est peu sûr.

* CRÊPE, s. m. (Manufact. en soie.) étoffe claire, légere, & non croisée, de soie grise, ou telle qu’elle est sortie du cocon ou plûtôt du roüet sur lequel elle a été torse, qui se fabrique ainsi que la gaze & autres étoffes sans croisure, sur le métier à deux marches. Il y a des crêpes crêpés, & des crêpes lissés, des crêpes simples & des crêpes doubles ; c’est le plus ou le moins de tors de la soie, sur-tout à la chaine, qui fait le crêpage, & le plus ou moins de crêpage. On crêpe en trempant dans l’eau l’étoffe au sortir du métier, & en la frottant avec un morceau de cire préparée. On la blanchit ou on la teint ensuite en noir, sur le cric, à froid, puis on lui donne l’eau gommée. Les crêpes ont des aulnages différens : ces aulnages se marquent par dix-huit numéros qui commencent à deux, suivent la progression des nombres pairs, désignent la largeur, & marquent chacun un accroissement d’un trente-deuxieme ou environ de l’aulne de Paris. L’aulnage sur lequel ils se vendent a été pris en écru au sortir du métier ; il est marqué par un plomb. La demi-piece des crêpes simples est communément de vingt-six aulnes, & celle des crêpes doubles de dix-neuf aulnes. On porte ces étoffes dans le deuil ; les lisses dans le petit deuil, & les crêpés dans le grand. Les premiers se sont fabriqués à Bologne en Italie, d’où ils ont été apportés en France, les uns disent en 1667 par François Bourgey, d’autres antérieurement par un nommé Dupuy, Lyonnois. Voyez dans le dictionn. du Comm. toutes les tromperies qui peuvent avoir lieu, & dans la fabrication, & dans le débit de cette étoffe, dont la plus importante est de vendre des crêpes de Lyon pour des crêpes de Bologne. Il n’y a que la chaîne qui fasse la frisure dans le crêpe uni ; & le gros crêpe ne differe du crêpe crêpé, qu’en ce qu’il est plus fort.

Crêpe, (Perruq.) Les Perruquiers appellent crêpe les cheveux qu’ils ont nattés & tortillés dans leur longueur, après les avoir frisés par le bout, & avant que de les mettre en pâté. Cette opération les fait bouffer. On employe ces sortes de cheveux dans les perruques ordinaires, mais on n’en met point dans les perruques naturelles.

* CREPÉ, adj. (Manufact. soie & laine.) se dit de toute étoffe qui tient du crêpe ou du crêpon, ou dont la chaîne est très-torse, & la trame filée lâchement. Il y a une étoffe qui vient d’Angleterre sous le nom de crispée ou crispé ; ce n’est qu’une espece d’étamine dont le nom indique assez la fabrication. Voyez Crêpe & Crêpon ; voyez Étamine.

Crepée, voyez l’article précédent.

CREPI, (Géog. mod.) ville de France dans l’île de France, capitale du Valois. Long. 20. 28. lat. 49. 12.

* CRÉPIDES, sub. f. pl. (Hist. anc.) espece de chaussure. Voyez l’art. Chaussure. C’étoit chez les Grecs, celle des philosophes, & chez les Romains celle du petit peuple. On ferroit les crépides, & elles se nommoient alors crepidæ æratæ. Elles ne couvroient pas tout le pié. Les femmes les portoient dans la ville.

CREPINE, s. f. (Boutonnier.) est un ouvrage travaillé à jour par le haut, & pendant en grands filets ou franges par en-bas, qui se fait avec l’aiguille, le

crochet, la brochette, les pinces, & le fuseau à lisser.

Les crêpines servent à enrichir les ornemens d’église, les meubles, les carrosses, &c.

Les matieres qu’on y employe le plus ordinairement sont l’or, l’argent, la soie, le fil, &c.

On les cloue ou bien on les coud sur les étoffes, de maniere que les franges tombent perpendiculairement en en bas.

Les maîtres Passementiers-Boutonniers ont droit par l’art. 24 de leurs statuts de 1653, de fabriquer toutes sortes de crépines sans aucune exception. Mais comme les crépines sont de véritables franges, les Frangiers ont aussi le droit d’en fabriquer.

Crepine, (Rotisseur & Boucher.) c’est la toile de graisse qui couvre la panse de l’agneau, & qu’on étend sur les rognons quand il est habillé. Voyez le diction. de Trév.

CREPIR, v. act en Bâtiment, est employer le plâtre-ou le mortier avec un balai, sans passer la truelle par-dessus. Lat. arenatum opus, selon Vitruve. (P)

Crepir le crin, (Cordier.) c’est faire bouillir le crin dans l’eau après l’avoir cordé, pour le friser & le rendre propre aux Selliers, Tapissiers, & autres artisans.

Suivant les reglemens rendus en faveur des maître Cordiers de Paris, il n’est permis qu’à eux seuls de faire crin, le crépir & le bouillir.

Crepir les cuirs, terme de Corroyeur qui signifie la même chose que tirer à la pommelle. Voyez Pommelle.

Cette façon se donne aux cuirs de vache avant que de les passer en suif : elle fait sortir le grain du côté de la fleur. Voyez Corroyer.

CRÉPITATION, sub. f. (Chirurg.) bruit que les bouts ou pieces d’os font en se froissant ensemble, lorsque le chirurgien remue le membre pour s’assûrer de l’existence d’une fracture par l’organe de l’oüie.

Un des signes sensibles des fractures, est celui de la crépitation. Pour faire avec le moins de douleur cette épreuve, presque toûjours nécessaire, on tient ou plûtôt on fait tenir fixement la partie supérieure du membre cassé, tandis qu’on remue légerément la partie inférieure. Ce mouvement qu’on doit exécuter le plus doucement qu’il est possible, fait frotter les extrémités des os les unes contre les autres, & par conséquent occasionne la crépitation. Il arrive quelquefois qu’on ne l’entend point, mais alors la main supplée à l’oreille ; car ce mouvement produit dans la main une sensation, qu’il ne produiroit pas s’il n’y avoit point de fracture.

Il faut prendre garde de confondre la crépitation dont il s’agit, avec l’espece de craquement qu’on sent en pressant les tumeurs emphysémateuses, & sur-tout avec le cliquetis des articulations : ce dernier cliquetis, qui peut être plus ou moins sensible, se rencontre assez ordinairement quand les jointures ont souffert ; & il dépend de ce que les ligamens en se gonflant se raccourcissent, serrent les os de plus près, & chassent d’entr’eux la synovie.

Nous avons en françois les trois termes craquement, cliquetis, crépitation, qui expriment très-bien le bruit que font les os par leur choc, leur froissement ou leur tiraillement dans diverses maladies, mais ils ne caractérisent pas ces maladies ; il faut la théorie & la connoissance de l’art pour éviter de les confondre. C’est ce qui constitue la différence du chirurgien au bailleul, c’est-à-dire de l’homme éclairé dans sa profession à un ignorant téméraire, qui ose en usurper la pratique. Voyez Fracture. Art. de M. le Chevalier de Jaucourt.

* CREPON, sub. m. (Manufact. en laine.) étoffe non croisée dont la chaîne est filée plus torse que la trame. Elle se fabrique sur le métier à deux marches,