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Personne n’ignore les usages de la craie pour le dessein, pour la fertilisation des terres ; & l’on trouvera dans la Lithogéognosie de M. Pott, pag. 17 & suiv. les différens effets qu’elle produit dans le feu, lorsqu’on la fait entrer en fusion avec des matieres vitrifiables. (—)

Craie, (Mat. med.) La craie est un alkali ou un absorbant terreux, qu’on peut employer comme succédanée du corail, des yeux d’écrevisse, de la magnésie, &c. Voyez Absorbant.

On trouve dans la pharmacopée de Bate une décoction simple & une décoction composée de craie : la premiere a beaucoup de rapport avec le decoctum album Sydenhami, qui est beaucoup plus en usage parmi nous. Voyez Decoctum album. (b)

Craie de Briançon, (Hist. nat. Minéralogie.) c’est une pierre talqueuse, grasse au toucher, qui paroît composée de petites lames ou de feuillets ; ce qui ne l’empêche point d’être assez solide & compacte. Sa couleur est ou blanche, ou tirant sur le verd ; elle est réfractaire au feu, & ne se dissout point dans les acides.

On peut voit par ce qui a été dit à l’art. Craie, que c’est très-improprement qu’on a donné ce nom à la substance dont nous parlons, puisqu’elle n’est point soluble dans les acides, & ne se réduit point en chaux par l’action du feu, qui sont les deux caracteres distinctifs de la craie.

Les Tailleurs se servent de la craie de Briançon pour tracer des lignes legeres sur les étoffes.

Quelques medecins ordonnent la craie de Briançon comme absorbant, ou comme astringent ; mais il paroît qu’elle ne peut nullement remplir ces vûes, puisque c’est une substance talqueuse, insoluble dans les acides des premieres voies, & incapable par conséquent de passer dans l’œconomie animale, en s’unissant aux humeurs. (—)

Craie, (Marine.) vaisseaux Suédois & Danois à trois mâts, sans hunier.

Craie ; mettre en craie, c’est un terme de Plumassier, qui signifie plonger les plumes dans de l’eau chaude, où l’on a détrempé du blanc d’Espagne.

Craie, (Faucon.) infirmité qui survient aux oiseaux de proie ; c’est une dureté des émeus si extraordinaire, qu’il s’y forme de petites pierres blanches de la grosseur d’un pois, lesquelles venant à boucher le boyau, causent souvent la mort aux oiseaux, si l’on n’a soin d’y remédier. Comme ce mal est causé par une humeur seche & épaisse, il faut l’humecter & l’atténuer en trempant la viande des oiseaux dans du blanc d’œufs & du sucre candi battus & mêlés ensemble.

CRAIL, (Géog. mod.) petite ville d’Ecosse dans la province de Fife sur la Mera.

CRAILSHEIM, (Géog. mod.) ville d’Allemagne au cercle de Franconie, dans le Marggraviat d’Anspach sur la Iaxt.

CRAINBOURG, (Géog. mod.) ville d’Allemagne dans la Carniole, sur la Save. Long. 31. 55. lat. 46. 30.

CRAINTE, s. f. (Morale.) c’est en général un mouvement inquiet, occasionné dans l’ame par la vûe d’un mal à venir. Celle qui naît par amour de notre conservation, de l’idée d’un danger ou d’un péril prochain, je la nomme peur. Voyez Peur.

Ainsi la crainte est cette agitation, cette inquiétude de notre ame quand nous pensons à un mal futur quelconque qui peut nous arriver ; c’est une émotion desagréable, triste, amere, qui nous porte à croire que nous n’obtiendrons pas un bien que nous desirons, & qui nous fait redouter un accident, un mal qui nous menace, & même un mal qui ne nous menace pas, car il regne ici souvent du délire. Un état si fâcheux affecte servilement à quelques égards

plus ou moins tous les hommes, & produit la cruauté dans les tyrans.

Cette passion superstitieuse se sert de l’instabilité des évenemens futurs pour séduire l’esprit dont elle s’empare, pour y jetter le trouble & l’effroi. Prévenant en idée les malheurs qu’elle suppose, elle les multiplie, elle les exagere, & le mal qu’elle appréhende luit toûjours à ses yeux. « Elle nous tourmente, dit Charron, avec des marques de maux, comme l’on fait des fées aux petits enfans ; maux qui ne sont souvent maux que parce nous les jugeons tels ». La frayeur que nous en avons les réalise, & tire de notre bien même des raisons pour nous en affliger. Combien de gens qui sont devenus misérables de peur de tomber dans la misere, malades de peur de l’être ? Source féconde de chagrins, elle n’y met point de bornes ni d’adoucissement. Les autres maux se ressentent pendant qu’ils existent, & la peine ne dure qu’autant que dure la cause : mais la crainte s’étend sur le passé, sur le présent, sur l’avenir qui n’est point, & qui peut-être ne sera jamais. Ennemie de notre repos, non-seulement elle ne connoît que le mal, souvent à fausses enseignes, mais elle écarte, elle anéantit, pour ainsi dire, les biens réels dont nous joüissons, & se plaît à corrompre toutes les douceurs de la vie. Voilà donc une passion ingénieusement tyrannique, qui loin de prendre le miel des fleurs, n’en suce que l’amertume, & court de gayeté de cœur au-devant des tristes songes dont elle est travaillée.

Ce n’est pas tout de dire qu’elle empoisonne le bonheur de l’homme, il faut ajoûter qu’elle lui est à jamais inutile. Je sai que quelques gens la regardent comme la fille de la prudence, la mere de la précaution, & par conséquent de la sûreté. Mais y a-t-il rien de si sujet à être trompé que la prudence ? mais cette prudence ne peut-elle pas être tranquille ? mais la précaution ne peut-elle pas avoir lieu sans mouvemens de frayeur, par une ferme & sage conduite ? Convenons que la crainte ne sauroit trouver d’apologie ; & je dirois presque, avec mademoiselle Scudery, qu’il n’y a que la crainte de l’amour qui soit permise & loüable.

Celle que nous venons de dépeindre, a son origine dans le caractere, dans la vivacité inquiete, la défiance, la mélancholie, la prudence pusillanime, le manque de nerf dans l’esprit, l’éducation, l’exemple, &c.

Il faut de bonne heure rectifier ces malheureuses sources par de fortes réflexions sur la nature des biens & des maux ; sur l’incertitude des évenemens, qui font naître quelquefois notre salut des causes dont nous attendions notre ruine ; sur l’inutilité de cette passion ; sur les peines d’esprit qui l’accompagnent, & sur les inconvéniens de s’y livrer. Si le peu de fondement de nos craintes n’empêche pas qu’elles soient attachées aux infirmités de notre nature ; si leurs tristes suites prouvent combien elles sont dangereuses, quel avantage n’ont point les hommes philosophes qui les foulent aux piés ? Ceux à qui l’imagination ne fait point appréhender tout ce qui est contingent & possible, ne gagnent-ils pas beaucoup à penser si sagement ? Ils ne souffrent du moins que ce qui est déterminé par le présent, & ils peuvent alléger leurs souffrances par mille bonnes réflexions. Essayons donc notre courage à ce qui peut nous arriver de plus fâcheux ; défions les malheurs par notre façon de penser, & saisissons les armes de la fortune : enfin, comme la plus grande crainte, la plus difficile à combattre, est celle de la mort, accoûtumons-nous à considérer que le moment de notre naissance est le premier pas qui nous mene à la destruction, & que le dernier pas, c’est celui du repos. L’intervalle qui les sépare, n’est qu’un point, eu