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Phryné, qui fit rebâtir à ses dépens la ville de Thebes détruite par Alexandre, & dont les débauches servirent ainsi en quelque maniere à réparer le mal fait par le conquérant ; Laïs qui tourna la tête à tant de philosophes, à Diogene même qu’elle rendit heureux, à Aristippe, qui disoit d’elle, je possede Laïs, mais Laïs ne me possede pas (grande leçon pour tout homme sage) ; enfin la célebre Léontium, qui écrivit sur la philosophie, & qui fut aimée d’Epicure & de ses disciples. Notre fameuse Ninon Lenclos peut être regardée comme la Léontium moderne ; mais elle n’a pas eu beaucoup de semblables, & rien n’est plus rare parmi nous que les courtisanes philosophes, si ce n’est pas même profaner ce dernier nom que de le joindre au premier. Nous ne nous étendrons pas beaucoup sur cet article, dans un ouvrage aussi grave que celui-ci. Nous croyons devoir dire seulement, indépendamment des lumieres de la religion, & en nous bornant au pur moral, que la passion pour les courtisanes énerve également l’ame & le corps, & qu’elle porte les plus funestes atteintes à la fortune, à la santé, au repos & au bonheur. On peut se rappeller à cette occasion le mot de Démosthene, je n’achete pas si cher un repentir ; & celui de l’empereur Adrien, à qui l’on demandoit pourquoi l’on peint Venus nue ; il répondit, quia nudos dimittit.

Mais les femmes fausses & coquettes ne sont-elles pas plus méprisables en un sens, & plus dangereuses encore pour le cœur & pour l’esprit, que ne le sont les courtisanes ? C’est une question que nous laisserons à décider.

Un célebre philosophe de nos jours examine dans son histoire naturelle, pourquoi l’amour fait le bonheur de tous les êtres, & le malheur de l’homme. Il répond que c’est qu’il n’y a dans cette passion que le physique de bon ; & que le moral, c’est-à-dire le sentiment qui l’accompagne, n’en vaut rien. Ce philosophe n’a pas prétendu que ce moral n’ajoûte pas au plaisir physique, l’expérience seroit contre lui ; ni que le moral de l’amour ne soit qu’une illusion, ce qui est vrai, mais ne détruit pas la vivacité du plaisir (& combien peu de plaisirs ont un objet réel !) Il a voulu dire sans doute que ce moral est ce qui cause tous les maux de l’amour, & en cela on ne sauroit trop être de son avis. Concluons seulement de-là, que si des lumieres supérieures à la raison ne nous promettoient pas une condition meilleure, nous aurions beaucoup à nous plaindre de la Nature, qui en nous présentant d’une main le plus séduisant des plaisirs, semble nous en éloigner de l’autre par les écueils dont elle l’a environné, & qui nous a, pour ainsi dire, placés sur le bord d’un précipice entre la douleur & la privation.

Qualibus in tenebris vitæ quantisque periclis
Degitur hoc ævi quodcumque est !

Au reste, quand nous avons parlé ci-dessus de l’honneur que les Grecs rendoient aux courtisanes, nous n’en avons parlé que relativement aux autres peuples : on ne peut guere douter en effet que la Grece n’ait été le pays où ces sortes de femmes ont été le plus honorées, ou si l’on veut le moins méprisées. M. Bertin, de l’académie royale des Belles-lettres, dans une dissertation lûe à cette académie en 1752, & qu’il a bien voulu nous communiquer, s’est proposé de prouver contre une foule d’auteurs anciens & modernes, que les honneurs rendus aux courtisanes chez les Grecs, ne l’étoient point par le corps de la nation, & qu’ils étoient seulement le fruit de l’extravagante passion de quelques particuliers. C’est ce que l’auteur entreprend de faire voir par un grand nombre de faits bien rapprochés, qu’il a tirés principalement d’Athenée & de Plutarque, & qu’il oppose aux faits qu’on a coûtume d’alléguer

en faveur de l’opinion commune. Comme le mémoire de M. Bertin n’est pas encore imprimé en Mars 1754 que nous écrivons ceci, nous ne croyons pas devoir entrer dans un plus grand détail, & nous renvoyons nos lecteurs à sa dissertation, qui nous paroît très-digne d’être lûe. (O)

COURT-MANCHER, v. act. terme de Boucher, c’est, avec une brochette de bois, tenir le manche d’une épaule de mouton rapproché du gros, afin de la parer & la rendre plus vénale.

* COURTOISES,(armes) Hist. mod. armes innocentes & qui ne pouvoient blesser ; c’est l’opposé d’armes à outrance : ce fut des premieres seulement qu’on usa d’abord dans les tournois ; mais bientôt une valeur mal-entendue remit des fers aux lances, rendit des pointes aux épées, & ensanglanta des jeux où il n’étoit question que de montrer de l’adresse.

COURTOISIE, s. f. (Hist. mod.) en Angleterre, se dit d’une sorte de tenure de biens qu’un homme possede du chef de sa femme, après même qu’elle est décédée sans lui avoir laissé d’enfans, pourvû toutefois qu’elle soit accouchée d’un enfant qui soit né vivant ; car en ce cas, quoique la mere & l’enfant soient morts, l’époux survivant reste en possession, pour sa vie, des héritages dont la femme est morte saisie & vêtue, & sera dit les tenir par courtoisie d’Angleterre ; parce qu’en effet ce privilége n’a lieu qu’en Angleterre, si ce n’est aussi en Ecosse, où il est appellé curialité d’Ecosse, curialitas Scotiæ.

Cette tenure a été introduite en Angleterre par Guillaume le Conquérant, qui l’apporta de Normandie, où elle s’observoit sous le nom de veuveté. Chambers. (G)

Courtoisie, (Fauconn.) faire la courtoisie aux autours, c’est leur laisser plumer le gibier.

COURTON, s. m. (Filassier.) c’est, après l’étoupe, la plus mauvaise espece de chanvre. On l’appelle ainsi, parce qu’elle est très-courte. Les autres especes sont le chanvre proprement dit, la filasse, & l’étoupe.

COURT-PLIS, s. m. (Comm.) c’est dans l’aunage des toiles à voile, tout pli qui a moins d’une aune.

COURVETTE, s. f. (Marine.) c’est une espece de barque longue, qui n’a qu’un mât & un petit trinquet, & qui va à voiles & à rames : on s’en sert pour aller à la découverte & pour porter des nouvelles ; il y en a toûjours à la suite d’une armée navale. (Z)

COURTENAI, (Géog. mod.) petite ville de France, dans l’île de France au Gâtinois. Long. 20. 45. lat. 48. 1.

COURTRAI, (Géog. mod.) ville des pays-bas Autrichiens, dans la Flandre, sur la Lis. Long. 20. 58. lat. 51. 51.

COURZOLA, (Géog. mod.) île dans le golfe de Venise, qui est près des côtes de Dalmatie, avec une ville de même nom, qui porte le titre d’un duché.

COUSIN, culex, sub. m. (Hist. nat. Insectolog.) insecte fort connu par sa piquûre & par son bourdonnement ; on éprouve assez l’une & l’autre de ces incommodités, pour être curieux d’en connoître la cause, aussi nos plus grands observateurs n’ont-ils pas négligé cet insecte. Il n’est que trop multiplié : on en distingue dans ce pays-ci plusieurs especes de différentes grandeurs ; aux environs de Paris on peut en reconnoître trois especes ; ceux de la plus grande ont sur le corps des marques de blanc & de noir, & sur le corcelet des ondes brunes ou noires, mêlées avec des ondes blanches ou grisâtres ; les yeux sont bruns. D’autres cousins moins grands ont le corps brun ; le corcelet des plus petits, qui sont les plus communs, est de couleur rousse ou de feuille morte, & le corps blanchâtre ; ils ont le ventre gris, excep-