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plus fin qu’il lui est possible, parce que la finesse lui sera sûrement payée comme la longueur. On juge en même tems de l’égalité du fil ; car l’inégalité des portées en poids avertira de l’inégalité du fil en grosseur.

La fileuse ayant placé tout son fil sur l’ourdissoir, il s’agit de maintenir les encroix en tirant sa chaîne

hors de dessus les chevilles.

Cette figure représente une chaîne ourdie, à laquelle on a observé les portées CD. Ayez un gros fil de coton dont vous vous servirez à attacher l’encroix 1, 2, en faisant passer votre fil par 2 & revenir en 1 ; noüez-le ensuite sur cet encroix sans le serrer aucunement ; conduisez-le en 4, puis le passant sous l’encroix, ramenez-le en 3 ; conduisez le de 3 en 6, & le ramenez par-dessous l’encroix de 6 en 5 ; conduisez-le de 5 en 8, & le ramenez par-dessous l’encroix de 8 en 7 ; conduisez-le de 7 en 9, & le ramenez par-dessous l’encroix de 9 en 8, & continuez ainsi jusqu’à ce que vous soyez au dernier des encroix, où vous l’attacherez. Il est essentiel de laisser de la liberté à tous ces encroix, pour que la chaîne hors de dessus l’ourdissoir ne soit gênée en aucun endroit. Pour conduire facilement le fil autour de tous les encroix, on se sert d’une aiguille de bois semblable à celle de faiseur de failets à pêcher.

Un autre avantage d’une chaîne ainsi disposée ; c’est de pouvoir donner toute sorte d’apprêt à ce coton, le teindre de toutes les couleurs, & même le blanchir, sans craindre, ou de l’endommager, ou d’en perdre dans ces opérations. La chaîne dessus l’ourdissoir a la figure d’une véritable chaîne, dont tous les maillons sont représentés par autant d’écheveaux qui ont deux centaines : il n’en coûte à la fileuse pour faire cette sorte de chaîne, qu’un peu plus du tems qu’elle employeroit à mettre son fil de coton en écheveaux par le moyen ordinaire.

Cette chaîne est portée au fabriquant, qui en paye la valeur sur le nombre des fils qu’il connoît par les encroix CD, sur la longueur qui lui est pareillement connue par celle de l’ourdissoir, sur la finesse du fil qu’il peut distinguer par pieces de comparaison, & par la facilité qu’il acquiert avec l’usage & le tems, de juger à l’œil de la perfection du fil.

Le fabriquant pourvû de nombre de ces chaînes provenant de diverses fileuses qu’il peut avoir à son service, en dispose pour les différentes opérations

de son métier. Il destine pour trame celui qui est le moins parfait, & les assortit suivant leurs qualités & finesses. Celui qu’on destine à la teinture est levé sur trois quarts d’aulne de tour, pour de toute une chaîne ne former qu’une seule piece. Mais comme cette longue piece seroit encore sujette à se mêler dans l’opération, on passe en encroix des fils de coton très-gros, en tous les tours, pour les partager entr’eux comme on a fait pour partager les portées. Après cette précaution, le coton peut supporter toute sorte de teinture sans se mêler, se trop crépir, ou même recevoir aucun dommage considérable. On peut même le blanchir. Ces cotons étant ou teints ou blanchis, on déplie les chaînes, & on les étend aux chevilles de l’ourdissoir, pour les dresser, les allonger, & les mettre au même état qu’elles étoient avant ces différentes opérations.

Outre la nécessité d’ourdir les chaînes de coton de cette maniere, à cause de leur délicatesse, on doit sentir ici l’œconomie qu’il y a à s’y conformer : combien ne faudroit-il pas de tems pour devider le coton mêlé, crépi, collé par la teinture ? Il seroit sûrement haché, s’il n’étoit soûtenu par les encroix ; & le déchet occasionné sur un fil aussi fin qui auroit passé par de pareilles opérations, de quelle quantité ne seroit-il pas ?

Ourdissage des chaînes par le fabriquant. L’ourdissoir du fabriquant ne differe en rien de celui de la fileuse, il est de même longueur & du même nombre de fils ; & si l’ouvrier se borne à fabriquer des toiles blanches, ou toutes d’une même couleur, il ne lui faut qu’un rang de chevilles, non plus qu’à la fileuse. Mais s’il s’agit d’ourdir des toiles de couleurs différentes, il faut mettre à l’ourdissoir autant de rangs de chevilles qu’il entre de diverses couleurs dans le dessein de la toile, & un rang de plus pour recevoir toutes les couleurs mises en ordre pour fournir les raiyures de la chaîne.

Cette figure représente un ourdissoir à cinq rangs de chevilles, pour ourdir une toile ou des mouchoirs de quatre couleurs différentes.

Les chaînes teintes & bien dressées, sont posées sur l’ourdissoir, ainsi qu’il a été dit ; & le rang du milieu sert à recevoir les fils de coton que l’on prendra des autres rangs pour former des raiyons, jusqu’à ce que la chaîne soit complette.

Il y a beaucoup moins d’embarras à ourdir les mousselines ou têtes raiyées sans couleur. Il suffit de rassembler sur un rang des chevilles de l’ourdis-

soir, un nombre suffisant de fils de même finesse.

L’on observe toûjours de maintenir les encroix, tels qu’ils ont été pratiqués originairement par la fileuse sur le premier ourdissoir.

Lorsque la chaîne blanche, ou de couleurs mêlées, est complette, on passe de longues baguettes au lieu & place des chevilles de l’ourdissoir, à mesure que l’on retire cette chaine des chevilles de l’ourdissoir, pour la mettre en état de recevoir les apprêts. Ces baguettes doivent être plus longues que la toile ne doit être large. Pour une mousseline d’une aulne de