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L’arbrisseau qui donne les cotons, dont nous venons de parler, à l’Amérique, est vivace. Sept ou huit mois après avoir été planté de graine, il donne une récolte foible. Il continue de rapporter de six en six mois pendant dix années. Celui des Indes & de Malte est annuel. Il y a aussi quelque différence pour la qualité. Celui de l’Amérique paroît plus soyeux.

Du moulinage du coton. Immédiatement après la récolte, on porte le coton au moulin. Le méchanisme du moulin est fort simple : ce sont deux petits rouleaux cannelés, soûtenus horisontalement ; ils pincent le coton qui passe entre leurs surfaces, & le dégagent de sa graine dont le volume est plus considérable que la distance des rouleaux qui tournent en sens contraires, au moyen de deux roues mises en mouvement par des cordes attachées à un même marche-pié qu’un homme presse du pié, comme fait un tourneur ou une fileuse au roüet, tandis qu’avec ses mains il présente le coton aux rouleaux qui le saisissent, l’entraînent, & le rendent dans un panier ou dans un sac ouvert, & attaché sous le chassis ; ce qui vaut beaucoup mieux, parce que la poussiere ne s’y mêle point, & que le vent ne peut en emporter, même lorsque ce travail se fait à l’air, sous un simple angard, comme c’est assez la coûtume. Voyez Plan. du coton, Hist. nat. le petit moulin à main, fig. 2. & le moulin à pié, fig. 1. AAAA, le chassis ; B, les deux rouleaux avec de très-petites cannelures ; C, deux roues servant de balanciers ; D, cheville posée hors du centre de la roue ; E, corde attachée à la cheville par un de ses bouts, & au marche-pié par l’autre ; F, marche-pié mobile faisant mouvoir les roues C, C, & les rouleaux B, B ; G, tablette inclinée sur laquelle tombe la graine qui glisse sur cette tablette, & tombe à terre.

De l’emballage du coton. Lorsque le coton est séparé de la graine, on le met dans de grands sacs de toile forte, longs d’environ trois aunes ; on les emplit à force & à grands coups de pince de fer. On commence par les mouiller ; puis on les suspend en l’air. la gueule ouverte, & fortement attachée à des cordes passées dans des poulies fixées aux poutres d’un plancher. Un homme entre dedans, & range au fond une premiere couche de coton, qu’il foule avec les piés & avec un pilon. Sur cette couche il en met une autre, qu’il enfonce & serre avec sa pince de fer ; il continue de cette maniere jusqu’à ce que le sac soit entierement plein. Pendant ce travail, un autre homme a soin d’asperger de tems en tems le sac à l’extérieur avec de l’eau, sans quoi le coton ne seroit point arrêté, & remonteroit malgré les coups de pince. On coud le sac avec de la ficelle, on pratique aux quatre coins des poignées pour le pouvoir remuer plus commodément : ce sac ainsi conditionné s’appelle une balle de coton ; il contient plus ou moins, selon qu’il est plus ou moins serré, plus ou moins foulé ; cela va ordinairement à 300, 320 livres.

De la fabrique des toiles de coton fines, appellées mousselines. Elle se divise naturellement en deux parties, le filage des cotons fins, & la fabrique des toiles & autres ouvrages, dans lesquels on employe ce fil.

Du filage, ou de la maniere de peigner le coton, de l’étouper, de le lustrer, d’en mêler diverses sortes pour différens ouvrages, de former le fil, de le devider, & des différents instrumens qui ont rapport à toutes ces opérations. Lorsque l’on se proposera de ne fabriquer que des mousselines fines, des bas fins, il faudra séparer à la main le coton d’avec la graine ; cela facilitera le travail de l’ouvriere qui doit le filer : mais dans une fabrique plus étendue, il seroit à-propos de recourir à une machine plus précise que celle que nous avons décrite. Lorsqu’on doit filer, on ouvre les gousses pour en tirer les graines avec les doigts ; on charpit le coton en long, observant de ménager & de ne pas

rompre les filamens qui composent son tissu, & l’on en forme des flocons gros comme le doigt. Voyez deux de ces flocons, Pl. II. du coton, Hist. nat.

Peigner le coton. Quoique cette opération se fasse avec des cardes, cependant il ne faut point carder : carder le coton, c’est le mêler en tout sens & le rendre rare & leger. Les opérations du peignage tendent à séparer les uns des autres les filamens, & à les disposer selon leur longueur, sans les plier, les rompre, ni les tourmenter par des mouvemens trop répétés. Sans cette précaution, il deviendroit mou & plein de nœuds qui le rendroient mauvais & souvent même inutile. Cette opération est la plus difficile à apprendre, & la plus nécessaire à bien savoir. C’est elle qui conduit les ouvrages en coton à leur perfection. On y réussit rarement d’abord, mais on prend l’habitude de la bien faire ; & quand on l’a, elle ne fatigue plus. Elle consiste dans la maniere de se servir des cardes, & de le faire passer d’une carde à l’autre en le peignant à fond. Pour y procéder, prenez de la main gauche la plus longue de vos cardes, ensorte que les dents regardent en-haut, & que les pointes courbées soient tournées vers la main gauche ; menagez-vous la liberté du pouce, & le pouvoir de glisser la main d’un bout à l’autre de la carde. Prenez de la main droite un flocon, par le tiers de sa longueur ou environ ; portez-en l’extrémité sur la carde, engagez-la dans les dents, aidez-vous du pouce gauche, si vous le trouvez à-propos, en l’appliquant sur le coton, comme vous voyez fig. prem. tirez le flocon de la main droite, sans le serrer beaucoup, il restera une partie du coton prise par un bout dans les dents de la carde, & l’autre bout de ce coton engagé sortira hors de la carde ; réitérez quinze à seize fois cette manœuvre jusqu’à ce que le flocon soit fini ; remplissez, en procédant de la même maniere, la carde d’un bout à l’autre, avec de semblables flocons ; observez seulement de n’en jamais trop charger à la fois.

La carde étant suffisamment garnie, fixez-la dans votre gauche, en la saisissant par le milieu & par le côté opposé à celui des dents. Prenez de la droite la plus petite de vos cardes dans un sens opposé à l’autre, c’est-à-dire les pointes en-bas & leur courbure tournée vers la droite ; pour la tenir, saisissez-la par les deux bouts entre le pouce & le doigt du milieu, l’index se trouvera placé sur son dos ; posez-la sur les filamens du coton qui sont au-dessus de l’autre carde, & les peignez legerement, en commençant comme vous voyez fig. 2. Plan. II. par les bouts du coton que vous tirerez un peu avec votre carde droite, afin d’enlever & d’étendre selon leur longueur tous les filamens du coton qui n’ont pas été engagés dans les dents de la grande carde. Continuez d’un bout à l’autre, en approchant la petite carde de plus en plus des dents de la grande, ensorte qu’en dix-huit à vingt coups de cette sorte de peigne, le coton qui sort en-dehors soit bien peigné. Faites la même opération par-dessous, pour enlever ce qui s’y trouve de mal rangé, & qui n’a pû être atteint par les pointes de la petite carde, lorsqu’on s’en est servi en-dessus.

Cela fait, il se trouve du coton engagé dans les deux cardes dont les parties extérieures ont été peignées ; mais il est évident que les bouts du coton engagés dans l’intérieur de la grande carde, ne l’ont point été : c’est pourquoi l’on fait passer tout le coton de la grande carde sur la petite, sans changer leurs positions, mais en enfonçant seulement les dents de la petite dans le coton engagé dans la grande, en commençant à l’endroit où il se montre en-dehors, observant de tourner les cardes de sorte que le coton se puisse dégager peu-à-peu de l’une pour s’attacher à l’autre, peignant toûjours à mesure qu’il s’attache & qu’il sort de la grande pour charger la