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& nécessairement languissante qui y a toûjours été exercée : on y punit à la vérité, mais c’est par crise & par accès ; il n’y a point une police journaliere ; & elle ne peut y être, parce qu’il faut recourir, suivant la position des élections, à des autorités dispersées. Les subdélégués ou autres personnes sur qui l’autorité supérieure se décharge de ce soin, trouvent souvent dans la bonté de leur cœur des raisons & des moyens d’éluder ou de suspendre les actes d’une police qui ne doit jamais être interrompue. On pense même qu’une police est rigoureuse, lorsqu’elle n’est cependant qu’exacte ; elle ne devient véritablement rigoureuse, que par faute d’exactitude dans son exercice journalier. Quand on a une fois imprimé l’esprit de subordination & de discipline, lorsqu’on a réglé dès le commencement la régie des travaux publics, comme le sont les convois militaires & les pionniers dans les armées, les grands exemples de sévérité n’ont presque plus lieu, parce qu’il ne se trouve que point ou peu de réfractaires. J’ai bien plus souvent fait mettre sur mes travaux des corvoyeurs en prison parce qu’il étoient venus tard, ou qu’ils s’étoient retirés le soir avant l’heure, que parce qu’ils n’étoient point venus du tout. C’est un des plus grands avantages de la méthode que je propose, & qui lui est unique, d’être ainsi peu sujette aux réfractaires, parce que le brigadier de chaque détachement apportant au commencement de la semaine le rôle de sa brigade arrêté par le syndic, il ne peut s’absenter un seul homme qui ne soit en arrivant dénoncé par tous les autres ; ce qui ne peut jamais arriver dans la corvée divisée, parce que chacun travaillant séparément l’un de l’autre, & ayant des tâches distinctes, l’intérêt commun en est ôté, & qu’il importe peu à chaque corvoyeur en particulier que les autres travaillent ou ne travaillent pas : on peut juger par cela seul combien il est essentiel de ne jamais déchirer les travaux publics.

Il n’est pas étonnant au reste que des bureaux ayent rarement réussi quand ils ont été chargés du détail de cette police ; le service des travaux publics demande une expérience particuliere, que les personnes qui composent ces bureaux n’ont point été à portée d’acquérir, parce qu’elles n’ont jamais vû de près le détail & la nature de ces ouvrages. Il faut pour les conduire un art qui leur est propre, auquel il est difficile que l’esprit & le génie même puisse suppléer, puisqu’il ne s’acquiert que sur le lieu, par la pratique & par l’expérience.

J’ai eu par-devers moi plusieurs exemples des singuliers écarts où l’on a donné dans ces bureaux, quand on y a voulu, la plume à la main & le cœur plein de sentimens équitables, régler les punitions & les frais de garnison que l’on avoit envoyé dans les paroisses. On y demande, par exemple, qu’en répartissant sur tous les réfractaires ces frais qui montent ordinairement à douze, quinze, ou dix-huit francs, on ait égard aux divers espaces de tems que les particuliers auront été sans travailler, au plus ou au moins d’exactitude avec laquelle ils y seront revenus en conséquence des ordres dont le cavalier aura été le porteur, enfin sur la quantité de la tâche qu’ils redoivent chacun, & sur la nature qui consiste ou en déblais, ou en remblais, ou en fossé, ou en tirage, ou en voiture des pierres, & qui quelquefois est composée de plusieurs de ces objets ensemble. Ces calculs se font avec la plus grande précision, & l’on m’a même renvoyé un jour une de ces répartitions à calculer de nouveau, parce qu’il y avoit erreur de quelques sous sur un ou deux particuliers. Une telle précision est sans doute fort belle : mais qui ne peut juger cependant que de tels problèmes sont beaucoup plus composés qu’ils ne sont importans ; & que quoiqu’ils soient proposés par es-

prit de détail & d’équité, on s’attache trop néanmoins

à cette justice minutieuse dont j’ai parlé, que ne supportent point les grands travaux, à des scrupules qui choquent la nature même de la corvée, & à des objets si multipliés, qu’ils font perdre de vûe le grand & véritable objet de la police générale, qui est l’accélération des travaux dont la décharge du peuple dépend ? Leur bien, en ce qui regarde les corvées qu’on leur fait faire, consiste, autant que mes lumieres peuvent s’étendre, à faire ensorte que le nom du Roi soit toûjours respecté, que l’autorité publique représentée par l’intendant & dans ses ordres, ne soit jamais compromise, que ses plus petites ordonnances ayent toûjours une exécution ponctuelle, & que le corvoyeur obéisse enfin sans délai, & se rende sur l’attelier à l’heure & au jour indiqué. De telles attentions dans des bureaux, sont les seuls soins & les seules vûes que l’on doit y avoir, parce qu’ils visent directement à la décharge des peuples par la prompte exécution des travaux qu’on leur impose.

Comme on n’a point encore vû en cette généralité une telle police en vigueur, on pourra peut-être penser d’avance qu’un service aussi exact & aussi militaire, doit extrèmement troubler la tranquillité des paroisses & la liberté des particuliers, & qu’il est indispensable dans la conduite des corvées de n’user au contraire que d’une police qui puisse se prêter au tems, en fermant plus ou moins les yeux sur les abus qui s’y passent. Le peuple est si misérable, dit-on : je conviens à la vérité de sa misere ; mais je ne conviens point que pour cette raison la police puisse jamais fléchir, & qu’elle doive être dans des tems plus ou moins exacte que dans d’autres ; elle ne peut être sujette à aucune souplesse sans se détruire pour jamais. Ainsi ce ne doit point être quant à l’exactitude & à la précision du service, qu’il faut modérer la corvée ; c’est seulement quant à sa durée. Dans les tems ordinaires le travail peut durer deux mois dans le printems, & autant dans l’automne : si le tems est devenu plus dur, on peut alors ne faire que six semaines ou qu’un mois de corvée en chaque saison, & ne travailler même que quinze jours s’il le faut ; mais pour la discipline elle doit être la même, aussi suivie pour quinze jours que pour quatre mois de travail, parce que l’on doit tirer proportionnellement autant de fruit de la corvée la plus courte que de la corvée la plus longue. Enfin il vaut mieux passer une campagne ou deux sans travailler, si les calamités le demandent, que de faire dégénérer le service. Ce mémoire est de M. Boullanger, sous-ingénieur des ponts & chaussées dans la généralité de Tours. S’il lui fait honneur par la vérité de ses vûes, il n’en fait pas moins au supérieur auquel il a été présenté, par la bonté avec laquelle il l’a reçu.

CORVETTE, voyez Courvette.

CORVO, (Géog. mod.) île la plus septentrionale des Açores, au nord de celle de Flores.

CORUSCATION, subst. f. (Docimasie.) voyez Eclair.

CORWEY, (Géog. mod.) petite ville d’Allemagne en Westphalie, avec une abbaye célebre dont l’abbé est prince de l’Empire. Longit. 27. 1. lat. 51. 50.

CORWUA, (Géog. mod.) ville de Pologne assez commerçante, dans la Samogitie, sur la riviere de Niemen.

CORYBANTE, s. m. (Myth.) nom des prêtres de Cybele, qui en dansant frappoient comme des furieux à coups redoublés leurs bruyantes cymbales ; ce qui fait dire à Horace, dans sa peinture de la colere :